Bien avant de devenir le 39ème président des États-Unis, le jeune lieutenant de l’US Navy Jimmy Carter s’est retrouvé au cœur d’un événement qui aurait pu changer le cours de l’histoire. En décembre 1952, il a été dépêché en urgence à Chalk River, au Canada, pour enrayer ce qui aurait pu devenir le premier accident nucléaire majeur. Un fait d’armes héroïque longtemps resté dans l’ombre.
L’alerte à Chalk River
Décembre 1952. Sur la base de Schenectady dans l’État de New York, le lieutenant James Earl Carter, 28 ans, est sur le point de connaître un tournant majeur dans sa jeune carrière au sein de l’US Navy. Brillant diplômé et expert en propulsion atomique, une technologie révolutionnaire en ce début de Guerre Froide, il est pressenti pour prendre le commandement de l’USS Seawolf, le 2ème sous-marin nucléaire au monde.
C’est alors que l’alerte retentit. À plus de 500 km de là, les opérateurs de la centrale nucléaire expérimentale de Chalk River, en Ontario, viennent de perdre brièvement le contrôle de leur réacteur. Une réaction en chaîne incontrôlée menace de survenir. Les conséquences pourraient être désastreuses.
Le lieutenant Carter volontaire pour une mission à haut risque
Face à l’urgence de la situation, l’armée américaine est sollicitée. Il faut agir vite pour éviter le pire. Le lieutenant Carter se porte immédiatement volontaire pour cette mission périlleuse. Malgré les dangers d’une forte exposition aux radiations, il n’hésite pas un instant.
Avec une petite équipe de spécialistes, il est héliporté en urgence sur le site de Chalk River. Leur mission : pénétrer au cœur du bâtiment du réacteur pour démonter manuellement les barres de combustible radioactif, et stopper ainsi la réaction en chaîne.
90 secondes dans le réacteur, une vie d’irradiation
Munis de simples combinaisons en plomb, Carter et ses hommes s’introduisent à tour de rôle dans le réacteur. Ils ne disposent que de 90 secondes chacun pour agir avant que l’exposition aux radiations ne devienne fatale. Dans une chaleur étouffante, ils parviennent finalement à extraire une à une les barres de combustible.
Nous pouvions seulement tenir 90 secondes au-dessus du réacteur.
– Témoignage de Jimmy Carter
Malgré leur succès, tous ressortent avec des doses massives de radiation. Des nausées et vomissements apparaissent rapidement. Certains perdent connaissance. Carter lui-même sera hospitalisé. Des traces d’irradiation seront détectées des mois plus tard dans sa vie.
Un héroïsme éclipsé par d’autres tragédies nucléaires
L’intervention décisive des hommes du lieutenant Carter à Chalk River a permis d’éviter ce qui aurait pu être la première grande catastrophe nucléaire de l’histoire. Pourtant, leur acte héroïque est longtemps resté méconnu, éclipsé plus tard par les drames de Three Mile Island, Tchernobyl ou Fukushima.
Suite à cet événement, Jimmy Carter renoncera à son prometteur destin dans la Navy. Mais ce baptême du feu aura forgé chez lui des convictions et un leadership qui le mèneront bien plus tard jusqu’à la Maison Blanche. Une trajectoire hors du commun pour celui qui, un jour de décembre 1952, n’a pas hésité à risquer sa vie pour protéger les autres et servir son pays.
L’ancien président, un infatigable militant antinucléaire
Tout au long de sa carrière politique et même après, Jimmy Carter n’a eu de cesse d’alerter sur les dangers du nucléaire militaire et civil. Marqué par son expérience à Chalk River, il a milité sans relâche pour le désarmement et un contrôle strict du nucléaire civil.
Les armes nucléaires et les centrales restent parmi les plus grandes menaces pour l’humanité.
– Jimmy Carter, dans ses mémoires
Un combat visionnaire mené par celui qui, dans les années 50, s’était retrouvé en première ligne face aux immenses périls de l’atome. Un épisode méconnu mais fondateur, qui éclaire d’un jour nouveau le parcours et l’héritage de Jimmy Carter, l’ancien président héros malgré lui du nucléaire.
