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CFTC Autorise les Actifs Tokenisés comme Collatéral

La CFTC vient d’ouvrir une brèche historique : Bitcoin, Ethereum et même les Treasuries tokenisés pourront désormais servir de collatéral dans les gigantesques marchés de dérivés américains. Mais ce n’est que le début d’un pilote surveillé de près. Ce qui va vraiment changer pour les institutions et pour vous ? La réponse risque de vous surprendre…

Imaginez un monde où votre Bitcoin dort tranquillement dans un wallet et, en même temps, garantit vos positions sur les contrats à terme pétroliers ou sur l’indice S&P 500. Ce qui relevait encore de la science-fiction il y a quelques mois vient de franchir un cap décisif aux États-Unis.

La CFTC franchit le Rubicon de la tokenisation

Le 8 décembre 2025, la Commodity Futures Trading Commission a annoncé le lancement d’un programme pilote qui autorise, pour la première fois, l’utilisation d’actifs numériques tokenisés comme collatéral dans les marchés de dérivés réglementés. Bitcoin, Ethereum, USDC et surtout les real-world assets tokenisés (RWAs) entrent officiellement dans le cercle très fermé des garanties acceptées par les chambres de compensation américaines.

Ce n’est pas une simple note technique. C’est une révolution silencieuse qui pourrait remodeler des milliers de milliards de dollars de positions.

Un pilote sous haute surveillance

Le dispositif est encadré comme jamais. Les futures commission merchants (FCM) qui souhaitent participer doivent s’engagent à :

  • Rapporter chaque semaine la composition exacte des actifs numériques détenus pour leurs clients
  • Signaler immédiatement tout incident opérationnel (hack, erreur de transfert, etc.)
  • Maintenir des contrôles de custody et de valorisation jugés suffisants par la CFTC

En échange, ils obtiennent le droit d’accepter du Bitcoin ou des Treasuries tokenisés comme marge initiale et de variation. Un changement radical quand on sait que, jusqu’à présent, la quasi-totalité des collatéraux devait être en cash ou en titres d’État traditionnels.

« Ce pilote permet de ramener l’activité crypto onshore de façon sécurisée manière sur le sol américain, tout en conservant les protections qui ont fait la force de nos marchés depuis des décennies. »

Caroline Pham, Acting Chair de la CFTC

Adieu l’avis 20-34, bonjour la neutralité technologique

Dans le même mouvement, la CFTC a purement et simplement retiré le Staff Advisory 20-34 de 2020 qui limitait fortement l’usage des actifs numériques comme collatéral. Ce texte, rédigé dans le contexte post-FTX, était devenu obsolète avec l’arrivée du GENIUS Act et les progrès fulgurants de la tokenisation.

Le régulateur affirme désormais clairement que ses règles sont technologiquement neutres. Un bon du Trésor tokenisé sur une blockchain autorisée (permissioned) a exactement la même valeur réglementaire qu’un bon du Trésor traditionnel, à condition que la garde et la valorisation soient solides.

Pourquoi c’est un game-changer pour les institutions

Les chiffres donnent le vertige. Le marché des dérivés OTC et listés aux États-Unis représente plus de 1 000 trillions de dollars de notionnel. Jusqu’à présent, les acteurs crypto qui voulaient hedger leurs positions devaient convertir leurs avoirs en dollars, payer des frais, attendre les délais bancaires…

Désormais, un fonds peut garder ses USDC ou ses Treasuries tokenisés et les mobiliser instantanément comme marge. Résultat :

  1. Gain massif d’efficacité du capital (jusqu’à 30-40 % selon certains modèles)
  2. Réduction drastique des coûts de funding
  3. Possibilité de settlement en T+0 ou même en temps réel
  4. Ouverture aux stratégies 24/7 sans rupture de liquidité

Les hedge funds quantitatifs et les desks de trading propriétaires lorgnent déjà ce nouveau terrain de jeu.

Les réactions ne se sont pas fait attendre

Paul Grewal, directeur juridique de Coinbase, a immédiatement salué « une avancée majeure pour des règlements plus rapides et plus sûrs ». Chez Circle, on parle d’un « pas décisif pour l’intégration des stablecoins dans les marchés réglementés ».

Kris Marszalek, PDG de Crypto.com, a été plus direct : « Les États-Unis rattrapent enfin le retard réglementaire dont profitent déjà l’Europe et l’Asie. »

Même son de cloche chez Ripple, où l’on insiste sur l’impact pour les fonds monétaires tokenisés et les stablecoins institutionnels.

Le timing est loin d’être anodin

L’annonce tombe trois jours avant une audition très attendue au Sénat américain où les grandes banques et les acteurs crypto doivent discuter législation. La tokenisation du collatéral sera évidemment au cœur des débats.

Dans le même temps, la SEC vient de clore son enquête de plusieurs années sur Ondo Finance, l’un des principaux émetteurs de Treasuries tokenisés. Le message est clair : les régulateurs américains passent en mode coordination plutôt qu’obstruction.

Et pour l’investisseur particulier ?

Vous ne tradez pas des milliards en dérivés ? Peu importe. L’effet domino est déjà en marche.

Quand les institutions pourront utiliser leurs cryptos comme collatéral sans les vendre, la pression de vente baissera mécaniquement. Les plateformes de prêt (Aave, Compound, etc.) vont voir arriver des produits hybrides DeFi/CeFi beaucoup plus liquides. Les rendements risquent de grimper, les risques de liquidation de chuter.

Et surtout, la frontière entre finance traditionnelle et finance décentralisée devient chaque jour plus floue. C’est exactement ce qu’on appelle l’hybridation des marchés.

Les prochaines étapes du pilote

La phase 1 reste volontaire et limitée en volume. Mais la CFTC a déjà prévu des revues trimestrielles et la possibilité d’élargir rapidement le périmètre si les premiers retours sont positifs.

Parmi les sujets sur la table pour 2026 :

  • Intégration d’autres blockchains (Solana, Polygon, etc.)
  • Autorisation des NFT fractionnés comme collatéral (immobilier, art)
  • Reconnaissance des stablecoins algorithmiques sous conditions strictes
  • Harmonisation avec la future régulation MiCA en Europe

Autant de chantiers qui pourraient transformer profondément la structure même des marchés financiers mondiaux d’ici la fin de la décennie.

En résumé : on assiste peut-être au moment où la blockchain passe du statut de curiosité technologique à celui d’infrastructure financière systémique.

Un Bitcoin comme collatéral sur le CME ? Des Treasuries tokenisés qui tournent 24/7 ? C’était impensable il y a deux ans. C’est en train de devenir réalité sous nos yeux.

Le train est en marche. Et cette fois, il ne part pas des Bahamas ou de Singapour. Il part de Washington.

À suivre de très près.

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