Imaginez une salle feutrée au cœur du Caire, loin des caméras. Autour d’une longue table, les chefs des renseignements égyptiens et turcs discutent à voix basse avec le Premier ministre qatari. Washington est en ligne. L’enjeu ? Sauver une trêve qui vacille déjà dangereusement à Gaza.
La deuxième phase du cessez-le-feu se joue maintenant
Deux ans de guerre ouverte, des dizaines de milliers de victimes, et pourtant tout peut encore basculer en quelques heures. Depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu le 10 octobre, la situation reste explosive. Les accusations de violations pleuvent des deux côtés. C’est dans ce contexte ultra-tendu qu’une réunion cruciale s’est tenue mardi au Caire.
Objectif affiché : coordonner avec les États-Unis la mise en œuvre de la deuxième phase de l’accord. Car si la première phase a permis un arrêt (très relatif) des hostilités, les détails les plus sensibles restent à régler. Et le temps presse.
Qui étaient les acteurs autour de la table ?
La rencontre a réuni trois pays médiateurs historiques : l’Égypte, le Qatar et, plus récemment, la Turquie. À leurs côtés, les États-Unis jouent le rôle de garant discret mais indispensable. Le chef du renseignement égyptien, le général Hassan Rachad, recevait personnellement ses homologues.
Du côté qatarien, c’est rien de moins que le Premier ministre en personne qui a fait le déplacement. Un signal fort de l’importance accordée à ces discussions. La délégation turque, quant à elle, confirme l’entrée en force d’Ankara dans le jeu diplomatique régional sur le dossier palestinien.
Les médiateurs ont convenu de continuer à renforcer la coordination avec le Centre de coordination militaro-civil chargé de surveiller le cessez-le-feu et de préparer la transition à Gaza.
Le Centre de coordination militaro-civil, pièce maîtresse oubliée
Peu connu du grand public, le CMCC (Civil-Military Coordination Center) est pourtant l’organe qui doit faire tenir la trêve au jour le jour. Installé dans la bande de Gaza, il regroupe des officiers égyptiens, qataris, américains et, bientôt, turcs. Sa mission : vérifier le respect des engagements, coordonner l’entrée de l’aide, et préparer le terrain pour la suite.
Mais sur le terrain, les rapports font état de tensions quotidiennes. Des incidents aux points de passage, des tirs sporadiques, des accusations croisées… Chaque violation est immédiatement exploitée politiquement par l’un ou l’autre camp.
La force de stabilisation internationale : le vrai défi
L’un des points les plus sensibles de la deuxième phase concerne le déploiement d’une Force de stabilisation internationale. L’accord prévoit qu’elle soit composée majoritairement de soldats issus de pays arabes et musulmans. Objectif : prendre le relais de l’armée israélienne au fur et à mesure de son retrait progressif.
Mais qui participera ? L’Égypte a déjà fait savoir qu’elle n’enverrait pas de troupes combattantes. Le Qatar privilégie un rôle financier et logistique. La Jordanie hésite. L’Arabie saoudite conditionne sa participation à des garanties américaines fermes. Quant à la Turquie, elle se dit prête à envoyer des milliers d’hommes – ce qui inquiète profondément Israël.
Autant de questions qui restent en suspens et qui pourraient faire capoter l’ensemble du processus.
L’aide humanitaire, toujours insuffisante
Autre sujet brûlant : l’entrée de l’aide dans la bande de Gaza. Malgré la trêve, les camions peinent à passer. Les contrôles israéliens sont pointilleux, parfois excessifs selon les ONG. Résultat : la population continue de souffrir de pénuries graves de nourriture, de médicaments et de carburant.
Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Badr Abdelaty, l’a répété mardi devant la Chambre de commerce américaine au Caire : sans un accès humanitaire massif et sans entrave, aucune reconstruction ne sera possible. Il a appelé les États-Unis à faire pression sur Israël pour accélérer les procédures.
345 morts depuis le 10 octobre : un bilan déjà lourd
Le chiffre glace le sang. Selon le ministère de la Santé dirigé par le Hamas, au moins 345 Palestiniens ont été tués par des tirs israéliens depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu. Des incidents isolés, répond l’armée israélienne, qui accuse le Hamas de provocations répétées.
Quoi qu’il en soit, chaque mort supplémentaire fragilise un peu plus la trêve. Et alimente la colère populaire des deux côtés de la frontière.
Le Hamas aussi à la table… en différé
Deux jours avant la réunion des médiateurs, une délégation du Hamas s’était rendue au Caire pour rencontrer le général Hassan Rachad. Preuve que l’Égypte continue de parler à toutes les parties, même celles considérées comme terroristes par Israël et les États-Unis.
Cette capacité à maintenir le dialogue avec tout le monde fait du Caire l’interlocuteur incontournable du dossier. Un rôle que Le Caire entend bien conserver.
Et maintenant ?
Les prochaines semaines seront décisives. Si la deuxième phase échoue, le risque d’une reprise des hostilités à grande échelle est réel. Les médiateurs le savent. Les populations de Gaza et du sud d’Israël aussi.
Dans les couloirs du pouvoir au Caire, on répète que « la patience a des limites ». Reste à savoir si tous les acteurs partageront cette analyse avant qu’il ne soit trop tard.
La réunion de mardi n’était qu’une étape. Mais elle montre que, malgré les apparences, la diplomatie continue de travailler dans l’ombre. Pour l’instant, c’est peut-être la seule bonne nouvelle dans un conflit qui n’en offre plus beaucoup.
(Article mis à jour le 26 novembre 2025 – suivi en continu)









