Deux ans après l’attaque du 7 octobre 2023 et la guerre qui a suivi, la bande de Gaza vit sous un cessez-le-feu fragile. Mais pour le Qatar, médiateur incontournable, ce calme relatif ne mérite même pas le nom de véritable trêve tant que l’armée israélienne reste présente sur le terrain. Une déclaration forte qui remet tout en question.
Un cessez-le-feu « incomplet » tant que les troupes israéliennes sont là
À Doha, lors d’une conférence internationale, le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar a été sans ambiguïté. Cheikh Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani a martelé que la situation actuelle ne peut être qualifiée de cessez-le-feu complet. La raison ? L’absence d’un retrait total des forces israéliennes de l’enclave palestinienne.
« Nous sommes à un moment critique », a-t-il insisté devant un auditoire attentif. Pour lui, la stabilité ne reviendra qu’avec l’évacuation intégrale et le retour à une vie normale pour les habitants de Gaza. Ces mots résonnent comme un ultimatum diplomatique à peine voilé.
« Nous ne pouvons pas encore considérer qu’il y a un cessez-le-feu, un cessez-le-feu ne peut être complet qu’avec le retrait total des forces israéliennes, (et) un retour de la stabilité à Gaza. »
Cheikh Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani
L’accord d’octobre : une première phase à moitié remplie
L’accord arraché en octobre par le trio Qatar-Égypte-États-Unis prévoyait deux étapes distinctes. La première, déjà en grande partie exécutée, concernait l’échange d’otages et de prisonniers ainsi qu’un retrait partiel israélien.
Tous les otages capturés le 7 octobre – vivants ou corps – devaient être rendus. Il ne reste plus qu’un dernier corps à remettre. En échange, plusieurs centaines de prisonniers palestiniens ont retrouvé la liberté. Un pas significatif, mais jugé insuffisant par les médiateurs arabes.
Cette phase a permis d’arrêter les bombardements intensifs et de faire entrer une aide humanitaire bienvenue. Pourtant, la présence militaire israélienne, même réduite, continue de peser lourdement sur la population et sur la perception de la trêve.
Phase 2 : le vrai test de la volonté politique
La deuxième étape, encore en négociation, est infiniment plus sensible. Elle prévoit rien de moins que :
- Le retrait total et définitif de l’armée israélienne
- Le désarmement progressif du Hamas
- L’installation d’une autorité palestinienne de transition
- Le déploiement d’une Force Internationale de Stabilisation (FIS)
Autant de points qui cristallisent les divergences. Le Qatar la qualifie déjà de « temporaire » et appelle à une solution durable à plus long terme. Traduction : même cette phase 2 ne serait qu’un marchepied vers une paix globale.
Des réunions quasi quotidiennes réunissent désormais Qatar, Turquie, Égypte et États-Unis pour tenter de débloquer ce dossier brûlant. Chaque jour compte, car la patience des populations, à Gaza comme ailleurs, s’effrite dangereusement.
La Force Internationale de Stabilisation, pièce maîtresse ou pomme de discorde ?
Le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, présent à Doha, a mis l’accent sur le rôle prioritaire de cette future FIS : « séparer les Palestiniens des Israéliens ». Un objectif qui semble évident mais qui se heurte à des suspicions réciproques.
Ankara a officiellement candidaté pour participer à cette force. Problème : Israël accuse la Turquie de proximité excessive avec le Hamas et refuse catégoriquement sa présence. Un veto qui complique sérieusement la composition de la FIS.
Des discussions techniques sont en cours sur la structure, le mandat et les pays contributeurs. L’Égypte, par la voix de son ministre Badr Abdelatty, presse pour une mise en place rapide afin de consolider le cessez-le-feu et d’éviter toute reprise des hostilités.
Objectif déclaré de la FIS selon Ankara : Créer une zone tampon crédible et empêcher tout contact direct entre forces israéliennes et combattants palestiniens, préalable à toute discussion politique de fond.
Une fenêtre diplomatique étroite
Tous les acteurs convergent sur un point : la seule issue viable reste des négociations de paix sincères. Mais la méfiance est à son comble. Chaque concession est scrutée, chaque délai interprété comme une manœuvre.
Le Qatar, qui héberge depuis des années le bureau politique du Hamas, se positionne comme le pont indispensable entre Palestiniens et Occidentaux. Son message est clair : sans retrait total, la phase 2 ne verra jamais le jour et le risque d’embrasement restera permanent.
En coulisses, la pression monte aussi sur les États-Unis pour qu’ils exercent un levier plus fort sur Israël. Washington, qui a soutenu l’accord initial, se retrouve aujourd’hui dans une position délicate : soutenir ses alliés arabes sans froisser son partenaire stratégique israélien.
Et après ? Vers une solution à deux États ou un énième statu quo ?
Derrière les déclarations officielles, l’ombre d’une solution politique globale plane. Le Qatar parle déjà d’une « solution durable ». L’Égypte et la Turquie évoquent, en filigrane, la nécessité de relancer un processus de paix moribond depuis des années.
Mais pour l’instant, la priorité absolue reste de faire passer cette phase 2. Sans elle, le cessez-le-feu d’octobre ne sera qu’un énième pansement sur une plaie béante. Avec elle, une lueur d’espoir pourrait enfin percer dans l’un des conflits les plus anciens et les plus douloureux de la planète.
Les prochaines semaines seront décisives. Les regards du monde entier sont tournés vers Doha, Le Caire, Ankara… et vers Gaza, où des millions de personnes attendent de savoir si la paix, cette fois, tiendra ses promesses.









