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Catherine Nay décrypte la dissolution d’Emmanuel Macron

Catherine Nay décrypte la décision choc d'Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée à la surprise générale. Un choix sidérant après la claque des européennes pour le camp présidentiel. La journaliste y voit une fuite en avant risquée de la part d'un "verbomoteur sans frein". Décryptage d'une crise politique inédite.

C’est une annonce qui a pris tout le monde de court. Quelques jours seulement après la claque reçue par son camp aux élections européennes, Emmanuel Macron a dégainé l’arme de la dissolution, envoyant les députés en vacances deux ans avant la fin de leur mandat. Un choix aussi radical qu’inattendu de la part d’un Président qui avait promis que le scrutin européen n’aurait aucun impact sur sa politique intérieure. Que faut-il en penser ? Décryptage avec Catherine Nay, journaliste politique chevronnée et auteure du livre “Le Grand Théâtre du pouvoir”.

Jupiter débranche son tonnerre

Après avoir vu son parti terminer deuxième, plus de 10 points derrière le Rassemblement National de Jordan Bardella, Emmanuel Macron aurait pu choisir de jouer la montre, comme il l’avait d’ailleurs promis avant le scrutin. Mais patatras, sitôt les résultats tombés, le voilà qui se résout à déclencher des législatives anticipées, comme pour valider son échec dans les urnes. Une décision sidérante, juge Catherine Nay.

Décider d’organiser des élections législatives à quinze jours de l’ouverture des Jeux olympiques est un choix sidérant. Surtout après avoir promis que le résultat des européennes n’aurait aucun impact sur la politique intérieure.

Catherine Nay, journaliste politique

Et la journaliste de poursuivre son analyse :

Mais voilà, le score du RN a résonné sur l’Élysée tel un coup de tonnerre. Et Jupiter a déclenché la foudre. Il est apparu, l’air grave, en costume de deuil, les mains jointes. Comme un homme déjà entravé ?

Catherine Nay

Un verbomoteur sans frein

Pour Catherine Nay, Emmanuel Macron est un “verbomoteur sans frein” qui aura du mal à partager le pouvoir comme il s’y était engagé après sa réélection l’an dernier. Celui qui inonde les Français de sa présence et de sa parole depuis sept ans, au point de susciter un certain ras-le-bol, peut-il vraiment changer de logiciel ?

Rien n’est moins sûr pour la journaliste. D’autant que la manœuvre présidentielle ressemble fort à un pari risqué. En jouant à quitte ou double avec cette dissolution, Emmanuel Macron prend le risque de donner encore plus de force à ses oppositions, au premier rang desquelles le Rassemblement national. Un scénario qui pourrait se traduire par une cohabitation inédite et explosive.

Une fuite en avant ?

Beaucoup voient dans cette décision une forme de fuite en avant de la part d’un Président désavoué et soucieux de reprendre la main. Demander un nouveau vote, c’est rejouer son va-tout pour effacer le camouflet des européennes et retrouver une majorité plus forte à l’Assemblée. Mais c’est aussi risquer de transformer l’essai d’une extrême-droite dopée par son score.

Dix minutes avant sa déclaration, le vainqueur des européennes Jordan Bardella lui demandait d’organiser des élections législatives. Et le Président avait l’air de céder à sa requête que tout le monde avait prise pour un coup de bluff.

Catherine Nay

Ce faisant, Emmanuel Macron ne cherche-t-il pas à invisibiliser la crise démocratique, plutôt qu’à réellement y répondre ? C’est la thèse défendue par d’autres observateurs comme le géographe Christophe Guilluy, pour qui ce scrutin inopiné vise avant tout à cadenasser le débat et à empêcher toute remise en question du logiciel macroniste.

Un Président sous pression

Dos au mur après cet échec cinglant, le chef de l’État joue en tout cas une partie serrée. Une partie qui pourrait déterminer la suite de son quinquennat et sa capacité à réformer dans un contexte social électrique, marqué par la contestation de sa réforme des retraites. Lui qui rêvait d’un nouveau mandat pour parachever son œuvre pourrait bien voir ses ambitions contrecarrées par un vote sanction.

Pour Catherine Nay, une chose est sûre : cette dissolution est un pari très risqué qui en dit long sur la fébrilité d’un Président sous pression, contraint de jouer son va-tout pour ne pas voir son pouvoir s’effriter davantage. Un coup de poker dont on mesurera les effets dans les urnes, et qui pourrait bien sonner le glas de la Macronie triomphante.

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