Dans un coin reculé du sud du Liban, où les collines poussiéreuses rencontrent des villages marqués par des années de tensions, un incident récent a ravivé les inquiétudes sur la fragile stabilité régionale. Un soldat de la paix de l’ONU, un Casque bleu, a été blessé par l’explosion d’une grenade larguée par un drone israélien près d’une position de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul). Cet événement, survenu à Kfar Kila, n’est pas un cas isolé. Il s’inscrit dans une série d’incidents préoccupants qui mettent en lumière les défis d’une mission de maintien de la paix dans une zone où les tensions entre Israël et le Hezbollah restent vives. Comment en est-on arrivé là, et que signifie cet incident pour l’avenir de la paix dans la région ?
Une Mission de Paix sous Pression
La Finul, déployée depuis 1978 dans le sud du Liban, a pour mission de veiller au respect des accords internationaux, notamment la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU. Cette résolution, adoptée en 2006 à l’issue de la guerre entre Israël et le Hezbollah, vise à garantir une zone démilitarisée dans le sud du pays, où seules l’armée libanaise et les forces de l’ONU sont autorisées à opérer. Pourtant, près de vingt ans plus tard, la situation reste volatile, marquée par des incidents qui mettent en péril la sécurité des Casques bleus et la crédibilité des accords de paix.
L’incident de Kfar Kila, survenu samedi dernier, illustre cette fragilité. Peu avant midi, un drone israélien a largué une grenade à proximité d’une position de la Finul, blessant légèrement un Casque bleu. Ce dernier a rapidement reçu des soins, mais l’événement a suscité une vive réaction de la part de la mission onusienne. Dans un communiqué, la Finul a qualifié cet acte de « violation grave » de la résolution 1701, dénonçant un « mépris préoccupant » pour la sécurité de ses soldats.
Un Incident Parmi d’Autres
Ce n’est pas la première fois que des Casques bleus sont pris pour cible dans des incidents similaires. Début octobre, des drones israéliens avaient déjà largué des grenades près de soldats de la Finul, alors qu’ils accompagnaient des ouvriers chargés de déblayer les décombres laissés par les récents conflits. En septembre, quatre grenades avaient été larguées à proximité des positions onusiennes, sans faire de blessés, mais suscitant des inquiétudes similaires. À l’époque, l’armée israélienne avait assuré qu’aucun tir intentionnel n’avait visé la mission de l’ONU. Ces déclarations, cependant, peinent à apaiser les tensions.
« Nous appelons une nouvelle fois l’armée israélienne à cesser ses attaques sur ou à proximité des Casques bleus, qui s’efforcent de rétablir la stabilité à laquelle Israël et le Liban se sont engagés. »
Communiqué de la Finul
Ces incidents à répétition soulèvent des questions sur la capacité de la Finul à remplir sa mission dans un contexte où les parties prenantes semblent peu enclines à respecter les termes du cessez-le-feu. Malgré l’accord de novembre 2024, négocié par les États-Unis, qui prévoyait un retrait mutuel des forces du Hezbollah et d’Israël du sud du Liban, les violations persistent. Les bombardements israéliens, visant prétendument des cibles liées au Hezbollah, continuent, tout comme la présence de troupes israéliennes dans la région.
La Résolution 1701 : Un Accord Fragile
La résolution 1701 est au cœur du mandat de la Finul. Adoptée à l’unanimité par le Conseil de sécurité en août 2006, elle avait pour objectif de mettre fin à la guerre dévastatrice entre Israël et le Hezbollah, qui avait causé des centaines de morts et des destructions massives. Ses principales dispositions incluent :
- Le retrait des forces du Hezbollah et de l’armée israélienne du sud du Liban.
- Le déploiement exclusif de l’armée libanaise et de la Finul dans la région.
- Le démantèlement des infrastructures militaires du Hezbollah au sud du fleuve Litani.
- Le respect d’un cessez-le-feu durable entre les deux parties.
Cet accord, bien que salué à l’époque comme un pas vers la paix, n’a jamais été pleinement respecté. Le Hezbollah, soutenu par l’Iran, a maintenu une présence militaire dans la région, tandis qu’Israël justifie ses incursions par la nécessité de neutraliser les menaces potentielles. La Finul, prise entre ces deux forces, se retrouve dans une position délicate, souvent critiquée pour son incapacité à empêcher les violations.
Le Rôle des Casques Bleus : Une Mission à Haut Risque
Avec environ 10 000 soldats issus d’une cinquantaine de pays, la Finul représente l’une des plus importantes missions de maintien de la paix de l’ONU. Ses effectifs patrouillent quotidiennement dans le sud du Liban, une région marquée par des décennies de conflits. Leur mission est complexe : surveiller le respect du cessez-le-feu, faciliter le retour des populations déplacées, et soutenir l’armée libanaise dans le maintien de l’ordre. Mais dans un contexte où les tensions restent palpables, les Casques bleus sont souvent exposés à des dangers imprévus.
L’incident de Kfar Kila illustre les risques auxquels ces soldats sont confrontés. Bien que la blessure du Casque bleu soit qualifiée de légère, elle rappelle que la sécurité des forces onusiennes n’est pas garantie, même dans le cadre d’une mission dite de « maintien de la paix ». Les drones, devenus des outils de guerre omniprésents, compliquent encore davantage leur tâche, rendant les positions de la Finul vulnérables à des attaques ciblées ou accidentelles.
Une Trêve Menacée par des Violations Répétées
Le cessez-le-feu de novembre 2024, négocié sous l’égide des États-Unis, avait suscité un espoir prudent. Après plus d’un an de conflit, dont deux mois de guerre ouverte entre Israël et le Hezbollah, cet accord semblait offrir une chance de désescalade. Pourtant, les récents incidents montrent que la trêve reste fragile. Les bombardements israéliens, visant des cibles qu’Israël associe au Hezbollah, se poursuivent, tandis que des troupes israéliennes restent stationnées dans le sud du Liban, en violation des termes de l’accord.
Pour la Finul, ces violations constituent un obstacle majeur à sa mission. Dans son communiqué, la force onusienne a appelé à une cessation immédiate des attaques contre ses positions, soulignant l’importance de protéger les soldats qui travaillent à rétablir la stabilité dans la région. Mais face à la persistance des tensions, la question se pose : la Finul peut-elle réellement jouer son rôle de médiatrice dans un conflit où les parties semblent peu disposées à faire des concessions ?
Les Enjeux Régionaux et Internationaux
Le sud du Liban est un microcosme des rivalités géopolitiques qui secouent le Moyen-Orient. Le Hezbollah, soutenu par l’Iran, représente une force non étatique puissante, capable de défier l’armée israélienne. De son côté, Israël justifie ses actions par la nécessité de protéger sa sécurité nationale face à une organisation qu’elle considère comme une menace existentielle. Au milieu de ce bras de fer, la Finul tente de maintenir un semblant d’équilibre, mais ses moyens sont limités.
La communauté internationale, et en particulier le Conseil de sécurité de l’ONU, suit de près l’évolution de la situation. En août 2025, le Conseil a voté la fin de la mission de la Finul en 2027, une décision qui reflète peut-être une certaine lassitude face à l’incapacité de résoudre durablement les tensions dans la région. Mais d’ici là, les Casques bleus continueront de jouer un rôle crucial, malgré les risques croissants auxquels ils sont exposés.
Vers une Nouvelle Escalade ?
Chaque incident, comme celui de Kfar Kila, ravive le spectre d’une nouvelle escalade dans le sud du Liban. Les violations répétées de la résolution 1701, qu’il s’agisse de frappes israéliennes ou de la présence continue du Hezbollah, fragilisent le cessez-le-feu et menacent de replonger la région dans un cycle de violence. Pour les habitants du sud du Liban, déjà marqués par des décennies de conflits, ces tensions sont une source d’inquiétude constante.
La Finul, malgré ses efforts, se trouve dans une position délicate. Critiquée par certains pour son manque d’efficacité, elle reste un symbole de l’engagement international en faveur de la paix. Mais pour que cet engagement porte ses fruits, il faudra un véritable respect des accords par toutes les parties, ainsi qu’une volonté politique de désamorcer les tensions. En attendant, les Casques bleus continuent de patrouiller, souvent au péril de leur vie, dans l’espoir de préserver une paix fragile.
Résumé des Enjeux
- Violation de la résolution 1701 : Les attaques près des positions de la Finul compromettent la trêve.
- Risques pour les Casques bleus : Les incidents à répétition exposent les soldats à des dangers croissants.
- Fragilité du cessez-le-feu : Les actions d’Israël et la présence du Hezbollah menacent la stabilité.
- Rôle de la Finul : Une mission essentielle mais limitée par le contexte géopolitique.
En conclusion, l’incident de Kfar Kila n’est pas qu’un simple accrochage. Il reflète les défis immenses auxquels est confrontée la Finul dans sa mission de maintien de la paix. Alors que les tensions persistent entre Israël et le Hezbollah, la communauté internationale doit redoubler d’efforts pour garantir le respect des accords et protéger ceux qui risquent leur vie pour la paix. La question reste ouverte : la région parviendra-t-elle à éviter une nouvelle spirale de violence ?