Imaginez une prime de 50 millions de dollars placée sur la tête d’un chef d’État, accusé de diriger un cartel de drogue. C’est l’annonce choc des États-Unis contre le président vénézuélien, Nicolas Maduro, pointé du doigt comme le cerveau du mystérieux Cartel des Soleils. Mais ce réseau, que Washington qualifie de menace terroriste, existe-t-il vraiment, ou s’agit-il d’une manœuvre géopolitique pour déstabiliser un régime ? Plongez dans cette enquête où accusations, doutes et tensions internationales s’entremêlent.
Le Cartel des Soleils : une ombre sur le Venezuela
Les accusations portées par les États-Unis contre Nicolas Maduro ne datent pas d’aujourd’hui. Depuis 2020, Washington affirme que le président vénézuélien orchestre un vaste réseau de narcotrafic, baptisé Cartel des Soleils, en référence aux insignes en forme de soleil ornant les uniformes des généraux vénézuéliens. Ce nom, apparu dès 1993 dans la presse, évoque un système où des militaires de haut rang collaboreraient avec des trafiquants pour acheminer de la drogue, principalement de la cocaïne, vers les États-Unis.
Mais derrière cette désignation dramatique, les preuves concrètes manquent. Si les États-Unis associent ce cartel à des organisations comme le gang vénézuélien Tren de Aragua ou le cartel mexicain de Sinaloa, des analystes remettent en question l’existence même d’une structure organisée. Est-ce un véritable cartel ou une étiquette commode pour justifier des sanctions ?
Les accusations américaines : un dossier à charge
En juillet 2025, l’administration américaine a intensifié ses mesures contre le Venezuela en imposant des sanctions financières au prétendu Cartel des Soleils. Ce dernier a été classé comme une organisation terroriste, accusé de soutenir des groupes comme les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) et leurs dissidences. Selon Washington, ce réseau, dirigé par Maduro et d’autres hauts responsables, facilite le trafic de drogue vers les États-Unis, notamment du fentanyl, un opioïde dévastateur.
Le Cartel des Soleils est un groupe criminel basé au Venezuela, dirigé par Nicolas Maduro, qui apporte un soutien matériel à des organisations terroristes étrangères.
Secrétaire au Trésor américain, 2025
Pour appuyer ces accusations, les États-Unis pointent du doigt des faits troublants, comme la condamnation à New York de deux neveux de l’épouse de Maduro pour trafic de cocaïne. Ils ont également déployé des navires de guerre dans les Caraïbes, officiellement pour lutter contre le narcotrafic. En août 2025, la prime pour la capture de Maduro a été doublée, passant de 25 à 50 millions de dollars, un montant inédit surpassant même celui offert pour Oussama Ben Laden.
Ces mesures s’inscrivent dans un contexte de tensions accrues. Washington ne reconnaît pas la réélection de Maduro en juillet 2024, qu’il juge frauduleuse, et soutient l’opposition vénézuélienne, incarnée par Maria Corina Machado, qui dénonce un « système criminel » au pouvoir.
Le Venezuela riposte : une guerre de propagande ?
Face à ces accusations, Caracas ne reste pas silencieux. Nicolas Maduro et son ministre de l’Intérieur, Diosdado Cabello, rejettent catégoriquement tout lien avec le narcotrafic. Ils qualifient les déclarations américaines de « pathétiques » et d’« opération de propagande politique ». Pour eux, le Cartel des Soleils est une invention visant à déstabiliser le régime chaviste, héritier de Hugo Chávez.
Le Venezuela a même contre-attaqué en annonçant, en août 2025, le déploiement de 15 000 membres des forces de sécurité à la frontière colombienne pour lutter contre le narcotrafic. Selon Cabello, 52,7 tonnes de drogue ont été saisies depuis le début de l’année, représentant 70 à 80 % du trafic transitant par le pays. Une manière de montrer que Caracas agit concrètement, contrairement aux accusations américaines.
Pourquoi ne déployez-vous pas vos flottes pour lutter contre les 87 % de la drogue qui sort de Colombie ?
Diosdado Cabello, ministre de l’Intérieur vénézuélien, 2025
Le président colombien Gustavo Petro, proche de Maduro, va plus loin. Il affirme que le Cartel des Soleils est une « invention de l’extrême droite » pour renverser des gouvernements progressistes en Amérique latine. Cette position reflète les divisions idéologiques dans la région, où les États-Unis sont souvent accusés d’utiliser le prétexte du narcotrafic pour justifier des interventions politiques.
Un cartel ou un système de corruption ?
Alors, le Cartel des Soleils existe-t-il vraiment ? Les experts sont partagés. Selon le portail Insight Crime, spécialisé dans le crime organisé, qualifier Maduro de chef d’un cartel structuré est une « simplification excessive ». Le terme est apparu en 1993, bien avant l’arrivée au pouvoir de Hugo Chávez, dans une affaire impliquant deux généraux vénézuéliens. Depuis, il est utilisé pour désigner un système de corruption où des responsables militaires et politiques profitent du trafic de drogue, sans pour autant former une organisation hiérarchique.
Phil Gunson, analyste à l’International Crisis Group, va plus loin. Il qualifie le cartel de « fable », tout en reconnaissant une « complicité » entre certains individus au pouvoir et le crime organisé. Cependant, il insiste sur l’absence de « preuves directes et irréfutables » liant Maduro à un réseau structuré.
Les éléments clés du débat
- Origine du terme : Apparu en 1993, lié à des généraux vénézuéliens.
- Accusations américaines : Maduro serait à la tête d’un réseau lié aux FARC, Tren de Aragua et Sinaloa.
- Contre-arguments : Absence de preuves concrètes dans les rapports officiels, comme celui du département d’État de mars 2025.
- Riposte vénézuélienne : Maduro et Cabello dénoncent une campagne de déstabilisation.
Ce flou autour du Cartel des Soleils soulève une question centrale : s’agit-il d’un véritable réseau criminel ou d’une construction politique ? Les sanctions américaines, bien que sévères, ne précisent pas la nature exacte du soutien apporté par ce prétendu cartel à d’autres organisations. Cette ambiguïté alimente les doutes sur la véracité des accusations.
Une intervention américaine en vue ?
Les tensions entre Washington et Caracas ne sont pas nouvelles. Depuis 2019, les deux pays n’entretiennent plus de relations diplomatiques, les États-Unis ayant contesté la réélection de Maduro. Les récentes manœuvres militaires américaines dans les Caraïbes, avec le déploiement de destroyers et de 2 200 marines, ravivent les spéculations sur une possible intervention.
Cependant, les analystes jugent ce scénario improbable. Mariano de Alba, spécialiste du droit international, estime qu’une intervention visant un changement de régime nécessiterait une « action surprise », ce qui semble peu compatible avec les annonces publiques de Washington. Les précédents historiques, comme les interventions américaines à Grenade en 1983 ou au Panama en 1989, montrent que de telles opérations sont souvent motivées par des enjeux stratégiques, comme la protection d’intérêts économiques ou la lutte contre l’influence de puissances rivales.
Dans le cas du Venezuela, l’embargo pétrolier imposé par les États-Unis a déjà asphyxié l’économie du pays, sans pour autant déloger Maduro. Paradoxalement, Washington a autorisé le géant pétrolier Chevron à opérer de manière limitée au Venezuela, signe d’une approche pragmatique malgré les discours belliqueux.
Un jeu géopolitique complexe
Le dossier du Cartel des Soleils dépasse la simple question du narcotrafic. Il s’inscrit dans un bras de fer géopolitique entre les États-Unis et le Venezuela, où les accusations servent d’outil pour délégitimer un régime. La non-reconnaissance de l’élection de Maduro en 2024, soutenue par des pays comme les États-Unis et des membres de l’Union européenne, renforce cette dynamique.
L’opposition vénézuélienne, menée par Maria Corina Machado, appuie les accusations américaines, qualifiant le régime de Maduro d’« État mafieux ». Pourtant, les divisions régionales compliquent le tableau. Des figures comme Gustavo Petro, président colombien, dénoncent une instrumentalisation des accusations pour des motifs idéologiques.
Acteur | Position |
---|---|
États-Unis | Accusent Maduro de diriger le Cartel des Soleils, imposent sanctions et primes. |
Venezuela | Nie l’existence du cartel, dénonce une propagande américaine. |
Colombie (Petro) | Soutient Maduro, qualifie le cartel de fiction politique. |
Opposition vénézuélienne | Appuie les accusations américaines, dénonce un régime criminel. |
Ce jeu d’influences met en lumière les enjeux complexes du contrôle des ressources et des routes de la drogue en Amérique latine. Le Venezuela, avec sa position stratégique et ses ressources pétrolières, reste un point focal des tensions régionales.
Vers une résolution ou une escalade ?
Le débat autour du Cartel des Soleils ne semble pas prêt de s’éteindre. Les États-Unis continuent de brandir la menace de sanctions et d’opérations militaires, tandis que Maduro mobilise ses forces, y compris une milice de 4,5 millions de personnes, pour contrer ce qu’il perçoit comme une tentative d’invasion. Pourtant, les négociations entre Washington et Caracas, comme l’accord de juillet 2025 pour la libération de prisonniers américains, montrent que des canaux de dialogue existent.
Pour l’heure, l’absence de preuves irréfutables sur l’existence du Cartel des Soleils maintient le doute. Est-ce un réseau criminel organisé ou un système de corruption opportuniste ? La réponse pourrait dépendre autant des faits que des objectifs politiques des acteurs impliqués.
Le Venezuela, entre accusations de narcotrafic et tensions géopolitiques, reste au cœur d’un débat où la vérité est difficile à démêler.
En conclusion, le Cartel des Soleils incarne un mystère au croisement de la criminalité et de la politique. Les accusations américaines, bien que spectaculaires, peinent à convaincre face à l’absence de preuves solides. Entre sanctions, déploiements militaires et ripostes vénézuéliennes, cette affaire révèle les luttes de pouvoir qui façonnent l’Amérique latine. Reste à savoir si la vérité émergera un jour, ou si elle restera enfouie sous les enjeux géopolitiques.