Le géant de la distribution Carrefour se retrouve au cœur d’une polémique qui prend une ampleur internationale. La semaine dernière, son PDG Alexandre Bompard avait annoncé fièrement que les magasins français du groupe ne vendraient pas de viande provenant des pays du Mercosur, craignant un « risque de débordement d’une production ne respectant pas les exigences et normes » hexagonales. Une prise de position qui se voulait sans doute rassurante pour les consommateurs et producteurs français, mais qui a été très mal reçue de l’autre côté de l’Atlantique, au Brésil.
Un communiqué pour calmer le jeu
Face au tollé provoqué par cette annonce au Brésil, pays qui représente près d’un quart de son chiffre d’affaires, Carrefour a publié mardi un communiqué sur son site internet brésilien. Le groupe y exprime ses regrets et assure que sa « communication a été perçue comme une remise en cause de [son] partenariat avec l’agriculture brésilienne et une critique de celle-ci ». Le distributeur affirme qu’il est de sa « responsabilité d’apaiser » les « désaccords » suscités.
La colère du Mato Grosso
Mais le mal semble fait. Au Brésil, l’État du Mato Grosso, grande région d’élevage, n’a pas tardé à réagir. Son gouverneur Mauro Mendes a appelé vendredi au boycott des magasins Carrefour dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux :
Si le Brésil ne peut pas vous vendre de la viande, alors vous non plus vous ne vendrez pas de produits français.
Mauro Mendes, gouverneur du Mato Grosso
Un partenaire économique de poids
Il faut dire que l’enjeu est de taille pour Carrefour. Le groupe réalise 23% de ses ventes au Brésil, soit 21,4 milliards d’euros en 2023. Le pays compte plus de 150 000 des 320 000 employés du distributeur dans le monde. Un marché crucial que Carrefour ne peut pas se permettre de fragiliser avec des déclarations mal calibrées.
Le casse-tête de l’accord UE-Mercosur
Mais cette polémique illustre surtout la grande sensibilité et la complexité des enjeux liés au très controversé accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay). Conclu en 2019 après 20 ans de négociations, il n’a toujours pas été ratifié, suscitant de vives inquiétudes notamment chez les agriculteurs européens qui craignent une concurrence déloyale. Les questions environnementales, en particulier la déforestation de l’Amazonie pour l’élevage, cristallisent aussi les oppositions.
En voulant rassurer un camp, Carrefour a donc mis le feu aux poudres dans l’autre. Illustration des difficultés pour une multinationale de naviguer entre des intérêts économiques, politiques et sociétaux parfois contradictoires dans un monde globalisé. Le groupe va devoir redoubler de pédagogie et de diplomatie pour éteindre l’incendie et préserver ses précieux marchés des deux côtés de l’Atlantique. Une équation complexe à résoudre.