Le géant français de la distribution Carrefour vient d’écoper d’une lourde amende de 10,3 millions d’euros infligée par la répression des fraudes (DGCCRF). En cause : des retards dans la signature des contrats avec ses fournisseurs, imputables à sa centrale d’achats internationale basée en Espagne. Un nouveau coup dur pour le groupe, déjà confronté à un contexte économique tendu.
12 manquements constatés par les autorités
Selon la DGCCRF, pas moins de 12 manquements à l’obligation de signer les conventions avant le 15 et 31 janvier 2024 ont été constatés. La sanction, d’un montant record, a été prononcée par la Direction régionale Île-de-France de l’économie et de l’emploi.
Pour Carrefour, il s’agit d’une “forme d’absurdité bureaucratique”. Le groupe conteste les faits reprochés et compte bien faire appel “sur tous les terrains juridiques possibles”. Il estime n’avoir que quelques jours de retard dans la signature de contrats avec de grandes multinationales “qui avaient tout intérêt à jouer la montre”.
Un cas loin d’être isolé
Cette amende fait suite à celle infligée cet été à E.Leclerc et sa centrale d’achats Eurelec, d’un montant encore plus élevé de 38 millions d’euros, là aussi pour des retards de signature de contrats. Un dossier record en la matière.
Les négociations commerciales annuelles entre distributeurs et fournisseurs, encadrées par les lois Egalim, sont scrutées de près par les autorités. L’objectif : s’assurer que les contrats sont signés dans les temps pour ne pas pénaliser les producteurs, avec des clauses plus favorables sur les prix et les quantités.
Une volonté de contourner les règles françaises ?
En basant une partie de leurs négociations à l’étranger via des centrales d’achats internationales, les géants français de la distribution comme Carrefour sont soupçonnés de vouloir contourner la législation hexagonale, jugée trop contraignante. Ce que réfutent les intéressés, qui affirment vouloir simplement rééquilibrer les rapports de force face à des multinationales toujours plus puissantes.
Le groupe de suivi des lois Egalim de la commission des affaires économiques du Sénat a appelé Bercy « à prononcer systématiquement des sanctions à l’encontre des centrales étrangères qui ne respectent pas le cadre défini par les lois Egalim ».
– Une source proche du dossier
Reste que pour les fournisseurs, notamment les producteurs agricoles français, ces pratiques s’apparentent à une forme de dumping qui tire les prix vers le bas. Dans un contexte inflationniste, le sujet est plus que jamais sensible.
Carrefour, un géant sous pression
Pour Carrefour, cette amende tombe au plus mal. Le groupe dirigé par Alexandre Bompard fait face à de multiples défis :
- Une concurrence exacerbée en France comme à l’international
- Des parts de marché grignotées par les acteurs discount et le e-commerce
- Une rentabilité sous pression avec la flambée des coûts
- Des investissements colossaux à réaliser dans la transformation digitale et la transition écologique
Autant d’enjeux cruciaux qui fragilisent le mastodonte français de la distribution, à l’heure où celui-ci doit renégocier une grande partie de sa dette. L’amende infligée par la DGCCRF fait donc figure de très mauvais signal envoyé aux marchés financiers.
Vers un durcissement des contrôles
Cette sanction record devrait en tout cas inciter la grande distribution à redoubler de prudence et de transparence dans la conduite de ses négociations commerciales. Car tout porte à croire que Bercy, sous pression des filières agricoles, va muscler ses contrôles et sanctions.
Déjà, de premières mesures ont été annoncées pour renforcer les moyens humains et techniques de la DGCCRF. Objectif affiché : disposer d’une force de frappe suffisante pour éplucher dans les moindres détails les milliers de contrats signés chaque année, et débusquer le moindre manquement. De quoi en faire frémir plus d’un dans les centrales d’achats hexagonales ou étrangères…