Le géant de la distribution Carrefour se retire brutalement de Jordanie, pris dans la tourmente d’une vaste campagne de boycott sur fond de conflit israélo-palestinien. Une décision choc aux lourdes conséquences, qui soulève de nombreuses questions sur la position délicate des multinationales face aux crises géopolitiques.
Carrefour plie bagage en Jordanie
C’est un véritable coup de tonnerre dans le monde de la grande distribution. Lundi soir, le groupe émirati Majid Al Futtaim, franchisé historique de Carrefour au Moyen-Orient, a annoncé l’arrêt total de ses opérations en Jordanie, sans en préciser les raisons. Une décision radicale qui intervient dans un contexte très tendu.
Depuis plus d’un an, une vaste campagne de boycott cible en Jordanie des marques considérées comme liées à des intérêts israéliens, telles que Carrefour, McDonald’s ou encore Starbucks. Un mouvement de protestation né avec la guerre opposant Israël au Hamas palestinien dans la bande de Gaza depuis octobre 2023.
Un boycott qui fait des dégâts
La fréquentation des magasins Carrefour en Jordanie a drastiquement chuté ces derniers mois. Sur les réseaux sociaux, le mot-clé “Boycottons Carrefour” s’est massivement répandu, les militants appelant le groupe Majid Al Futtaim à rompre ses liens avec l’enseigne française, à cesser d’utiliser sa marque et à ne plus vendre ses produits en Jordanie.
Face à cette pression, Carrefour avait tenté de se défendre en assurant que la majorité de ses produits provenaient de fournisseurs locaux. Le PDG Alexandre Bompard avait également souligné que son groupe était “une entreprise de commerçants, sans engagement partisan ou politique”.
Nous sommes une entreprise de commerçants, nous n’avons pas d’engagement partisan ou politique.
Alexandre Bompard, PDG de Carrefour, mai 2024
Des dons à l’armée qui passent mal
Mais le mal était fait. Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, montrant des soldats israéliens transportant des colis alimentaires estampillés Carrefour au début du conflit à Gaza, avaient sérieusement écorné l’image du groupe en Jordanie, où la moitié des 11 millions d’habitants sont d’origine palestinienne.
Interrogé sur ces dons à l’armée israélienne, Alexandre Bompard avait reconnu des “initiatives individuelles” de la part de certains employés, qui avaient pris fin “immédiatement dès la mi-octobre”. Mais visiblement, ces explications n’ont pas suffi à apaiser la colère des consommateurs jordaniens.
Carrefour remplacé par Hypermax
Conséquence de ce retrait brutal, le nom “Carrefour” a déjà été retiré de tous les magasins du royaume, remplacé depuis mardi par “Hypermax”, une autre enseigne gérée par Majid Al Futtaim. Un renommage en urgence qui illustre l’ampleur de la crise traversée par le géant français de la distribution.
Cette décision soulève de nombreuses interrogations sur la position délicate des multinationales face aux conflits géopolitiques et aux mouvements de boycott. Comment naviguer entre respect des sensibilités locales et maintien de l’activité ? Jusqu’où un groupe peut-il aller pour se protéger des retombées d’une crise qui le dépasse ? Autant de questions épineuses auxquelles Carrefour a dû faire face en Jordanie, avec les conséquences que l’on connaît.