Dix ans après l’attentat contre Charlie Hebdo, la célèbre caricature de Mahomet par Cabu continue de diviser l’opinion. Selon un sondage de la Fondation Jean-Jaurès publié ce 7 janvier 2025, 78% des musulmans de France considèrent que ce dessin controversé n’aurait pas dû être publié. Un chiffre qui contraste fortement avec le reste de la population, globalement favorable à sa diffusion au nom de la liberté d’expression.
Un Clivage Religieux et Générationnel
L’étude met en lumière des disparités d’appréciation significatives selon les convictions religieuses et l’âge des sondés. Ainsi, 40% des musulmans interrogés estiment que la caricature vise l’ensemble de leur communauté, et pas seulement les extrémistes comme l’affirmait Cabu. Les jeunes se montrent également plus critiques : 38% des 18-24 ans jugent le dessin raciste, contre 22% pour l’ensemble des Français.
Une Intention Mal Comprise ?
Publiée en 2006 en réaction aux menaces contre les auteurs de caricatures danoises de Mahomet, l’œuvre de Cabu se voulait une dénonciation de l’intégrisme. Mais son second degré n’est pas perçu par tous. Seuls 38% des sondés estiment qu’elle établit clairement la distinction entre musulmans et islamistes.
C’est dur d’être aimé par des cons.
La bulle prononcée par Mahomet dans la caricature de Cabu
Charlie, un « Esprit » qui Ne Fait Plus l’Unanimité
Si une majorité de Français juge le dessin « intelligent » (63%) et « drôle » (53%), une part non négligeable le trouve « choquant » (24%). L’adhésion à « l’esprit Charlie », mélange d’impertinence et de provocation, s’est érodée avec le temps et les nouvelles générations. Un constat qui interroge sur l’évolution du rapport à la liberté d’expression et à ses limites dans la société française.
Pour autant, 60% des personnes interrogées estiment que la caricature pourrait être exposée dans un musée dédié à la liberté d’expression. Signe que malgré les clivages, l’attachement à ce droit fondamental demeure ancré dans les valeurs républicaines.
Dix Ans Après, Charlie Hebdo Toujours dans la Tourmente
Une décennie après l’attentat qui a décimé sa rédaction, l’hebdomadaire satirique reste une cible et un symbole. En témoignent les menaces récentes qui ont contraint sa dessinatrice Coco à vivre sous protection policière. Charlie Hebdo continue de bousculer, de déranger, fidèle à sa ligne provocatrice. Mais dans une France traversée par les tensions identitaires et religieuses, son combat pour la liberté de caricaturer est plus que jamais source de crispations.
Ce sondage à l’occasion des dix ans de l’attentat est un nouveau révélateur des fractures qui parcourent la société française sur ces questions sensibles. Entre défense de la liberté d’expression et respect des croyances, la ligne de crête est étroite. Et l’humour, même grinçant, peine parfois à être entendu par tous. Un défi pour Charlie Hebdo, qui entend bien poursuivre son chemin satirique sans concession. Mais aussi pour toute une société, sommée de trouver les voies du dialogue pour apaiser les tensions et préserver ses valeurs fondamentales.
