Chaque année, le Festival de Cannes réserve son lot de surprises, de chefs-d’œuvre inattendus et de débats enflammés. En 2025, un film se détache déjà par son ambition démesurée et son esthétique singulière : Résurrection, réalisé par le cinéaste chinois Bi Gan. Mais ce polar futuriste, porté par une intrigue labyrinthique et une durée qui défie l’endurance, est-il le bijou annoncé ou un exercice de style qui s’égare ? Plongeons dans cette œuvre qui secoue la Croisette.
Résurrection : un ovni cinématographique à Cannes 2025
Bi Gan, connu pour son film Un grand voyage vers la nuit, revient sur la Croisette avec une œuvre qui ne laisse personne indifférent. Résurrection s’inscrit dans un futur dystopique où les rêves ont disparu, remplacés par une immortalité froide et mécanique. Mais certains, les « rêvoleurs », osent défier ce monde aseptisé en se réfugiant dans leurs songes. Une femme mystérieuse, interprétée par Shu Qi, s’immisce dans l’esprit d’un de ces rebelles pour narrer l’histoire de son pays à travers des fragments oniriques. Ce postulat, à la croisée du polar et de la science-fiction, promet une expérience immersive. Mais tient-il ses promesses ?
Une fresque visuelle entre expressionnisme et noir
L’un des points forts de Résurrection réside dans son esthétique. Bi Gan joue avec les contrastes, mêlant noir et blanc et couleurs saturées pour créer une atmosphère à la fois rétro et futuriste. Les cadrages rappellent l’expressionnisme allemand, avec des ombres allongées et des angles audacieux. On pense à des références comme Metropolis de Fritz Lang ou même à Blade Runner pour l’ambiance urbaine oppressante. Chaque plan semble pensé comme une peinture, un tableau vivant qui capte l’œil avant même que l’intrigue ne se déploie.
Pourtant, cette beauté visuelle peut devenir un piège. La durée du film, qualifiée d’« exponentielle », frôle l’épreuve d’endurance pour le spectateur. Les scènes s’étirent, parfois au détriment du rythme. Un critique sur la Croisette a résumé l’expérience ainsi :
« C’est comme plonger dans un rêve magnifique, mais dont on ne trouve pas la sortie. »
Cette lenteur hypnotique, signature de Bi Gan, séduit autant qu’elle frustre. Elle demande une patience que tous les festivaliers n’ont pas forcément.
Une intrigue labyrinthique : génie ou chaos ?
L’intrigue de Résurrection est un puzzle complexe. Le récit, éclaté en plusieurs temporalités, suit les « rêvoleurs » dans leur quête de liberté spirituelle. La narratrice, figure énigmatique, tisse des récits qui oscillent entre passé, présent et futur, comme une ode au cinématographe lui-même. Mais cette ambition narrative, si elle impressionne par son audace, perd parfois le spectateur dans un brouillard d’idées. Les transitions entre les genres – polar, drame, science-fiction – sont audacieuses, mais elles brouillent les pistes.
Le casting, emmené par Jackson Yee et Mark Chao, apporte une intensité dramatique bienvenue. Shu Qi, en particulier, incarne avec grâce cette femme à la fois muse et résistante. Mais même leurs performances ne suffisent pas toujours à clarifier l’histoire. Comme le note un spectateur après la projection :
« On admire l’ambition, mais on sort épuisé, comme après un marathon narratif. »
Ce sentiment d’épuisement, souvent évoqué à Cannes, divise. Certains y voient un chef-d’œuvre, d’autres un exercice de style prétentieux. Où se situe la vérité ?
Le contexte du Festival de Cannes 2025
Résurrection s’inscrit dans une compétition déjà riche en propositions audacieuses. Parmi les films marquants, Jeunes mères des frères Dardenne explore la misère sociale avec une intensité brute, tandis que Woman and Child de Saeed Roustaee dresse un portrait vibrant de l’Iran contemporain. Résurrection, avec son approche plus expérimentale, se démarque mais risque de pâtir de son hermétisme face à des récits plus accessibles.
Pour mieux comprendre la réception du film, voici un aperçu des points forts et faibles débattus sur la Croisette :
- Points forts : esthétique visuelle époustouflante, ambition narrative, performances solides.
- Points faibles : durée excessive, intrigue confuse, rythme inégal.
Cette dualité fait de Résurrection un film clivant, typique des œuvres qui marquent Cannes, qu’elles repartent avec la Palme d’or ou non.
Bi Gan, un cinéaste à part
Bi Gan, souvent comparé à des réalisateurs comme Wong Kar-wai pour sa poésie visuelle, s’impose comme une figure du cinéma d’auteur asiatique. Avec Résurrection, il pousse encore plus loin son exploration des frontières entre réalité et rêve. Son précédent film, Un grand voyage vers la nuit, avait déjà séduit par son plan-séquence de 59 minutes en 3D. Ici, il va plus loin, utilisant le cinéma comme un espace de méditation philosophique.
Mais cette ambition a un coût. Le public, habitué à des récits plus linéaires, peut se sentir exclu. Comme l’exprime un festivalier :
« Bi Gan fait du cinéma pour les cinéphiles, pas pour le grand public. »
Cette phrase résume bien le défi de Résurrection : séduire un public de niche tout en visant la reconnaissance internationale.
Un film dans l’air du temps ?
À l’heure où le cinéma explore de plus en plus les thèmes de la dystopie et de la perte d’humanité, Résurrection touche une corde sensible. Son monde sans rêves, où l’immortalité prive les individus de leur essence, résonne avec nos questionnements actuels sur la technologie et l’identité. Les « rêvoleurs », en quête de liberté, incarnent une forme de résistance face à un futur déshumanisé.
Pourtant, le film n’offre pas de réponses claires. Il préfère poser des questions, inviter à la réflexion. Cette approche philosophique, si elle enrichit le propos, peut frustrer ceux qui attendent une résolution nette. Voici quelques thèmes clés abordés dans le film :
- La perte des rêves : une métaphore de la déshumanisation.
- La mémoire : un fil conducteur à travers les récits fragmentés.
- La résistance : les « rêvoleurs » face à un monde oppressant.
Ces thématiques, bien que fascinantes, demandent un effort d’interprétation qui peut rebuter.
Pourquoi Résurrection divise-t-il autant ?
Le débat autour de Résurrection reflète une tension classique à Cannes : celle entre l’audace artistique et l’accessibilité. Les défenseurs du film louent son ambition, son esthétique et sa volonté de repousser les limites du cinéma. Ses détracteurs, eux, pointent du doigt son hermétisme et son rythme lancinant. Un tableau peut aider à résumer les arguments des deux camps :
Pour | Contre |
---|---|
Esthétique visuelle unique, digne d’un poème cinématographique. | Intrigue trop confuse, difficile à suivre. |
Exploration audacieuse des genres et des temporalités. | Durée excessive qui épuise le spectateur. |
Performances puissantes, notamment de Shu Qi. | Manque de clarté dans les intentions narratives. |
Ce clivage n’est pas nouveau à Cannes, où des films comme La Vie d’Adèle ou Parasite ont eux aussi divisé avant de marquer l’histoire.
Un prétendant à la Palme d’or ?
À mi-parcours du Festival de Cannes 2025, Résurrection figure parmi les films qui font parler. Mais face à des concurrents comme L’Agent secret ou Die, My Love, il pourrait pât PCP dans l’ombre. Sa singularité pourrait séduire un jury en quête d’innovation, mais son hermétisme risque de le desservir face à des récits plus universels.
Pour mieux évaluer ses chances, voici les atouts et faiblesses du film dans la course à la Palme :
- Atouts : originalité, ambition artistique, résonance philosophique.
- Faiblesses : accessibilité limitée, rythme lent, réception mitigée.
Le jury, présidé par une figure encore inconnue, aura la lourde tâche de trancher. Mais une chose est sûre : Résurrection ne laissera personne indifférent.
Un voyage cinématographique à risque
Résurrection est une expérience qui défie les conventions. Bi Gan, avec son audace visuelle et narrative, propose un cinéma qui ne cherche pas à plaire à tous. C’est peut-être là sa plus grande force : oser être différent, même au risque de perdre une partie du public. Pour les amateurs de cinéma d’auteur, c’est une œuvre à découvrir, un voyage dans un univers où le rêve et la réalité se confondent.
Pour ceux qui préfèrent les récits clairs, le film pourrait ressembler à un supplice chinois, comme l’ont surnommé certains critiques. Mais n’est-ce pas là le propre du cinéma d’auteur : provoquer, questionner, diviser ?
En attendant le verdict du jury, Résurrection reste l’un des films les plus discutés de Cannes 2025. Et si la Palme d’or lui échappait, il aura au moins marqué les esprits par son ambition démesurée.
Alors, chef-d’œuvre ou mirage ? À vous de vous faire votre propre idée. Mais une chose est sûre : ce film ne ressemble à aucun autre.