Imaginez : en plein cœur de l’été, sous un soleil de plomb, les ouvriers du BTP continuent de travailler sur les chantiers malgré la chaleur écrasante. Mais bientôt, cette situation pourrait changer. En effet, un décret publié le 28 juin dernier va permettre de traiter les épisodes de canicule de la même manière que le gel, la neige ou le vent violent, et donc de suspendre les chantiers en cas de fortes chaleurs.
Un enjeu de santé et de sécurité au travail
Depuis des décennies, les intempéries hivernales comme le gel, la neige abondante ou encore les inondations et grands vents sont reconnus comme des motifs valables pour interrompre le travail sur les chantiers du BTP. Les ouvriers sont alors placés en chômage temporaire et indemnisés via une caisse spécifique. Mais jusqu’à présent, les fortes chaleurs n’entraient pas dans ce cadre, alors même qu’elles représentent un réel danger.
Avec le changement climatique, les épisodes caniculaires se multiplient et s’intensifient, mettant en péril la santé des travailleurs. Malgré les mesures de prévention imposées aux employeurs (aménagement des horaires, mise à disposition d’eau fraîche…), les risques de malaises, de déshydratation et même de coups de chaleur restent élevés lors des pics de chaleur. Sans parler des dangers liés au manque de concentration ou aux étourdissements.
Un décret pour s’adapter au changement climatique
C’est pour répondre à cette problématique qu’un décret a été publié au Journal Officiel le 28 juin 2022, fruit d’une concertation de plusieurs années entre syndicats et fédérations du bâtiment. Désormais, lorsque Météo-France émettra une vigilance orange ou rouge canicule, les entreprises pourront interrompre les chantiers. Cette décision s’imposera dès le 2ème jour de l’alerte.
Concrètement, les ouvriers seront placés en chômage temporaire pour cause d’intempéries, comme c’est le cas l’hiver. Ils percevront une indemnisation pour maintenir leur niveau de rémunération. Cette mesure ne devrait pas entraîner de surcoût pour les entreprises, la caisse étant déjà abondée par des cotisations. Il s’agira surtout d’un transfert des périodes d’arrêt, de l’hiver vers l’été.
Désormais, lorsque Météo-France lancera une alerte vigilance canicule orange ou rouge, le travail devra cesser sur les chantiers. Et les travailleurs seront indemnisés à partir du deuxième jour avec un quasi-maintien de salaire.
Extrait du décret du 28 juin 2022
Quelles conséquences pour le secteur ?
Si le décret apporte une avancée certaine en termes de protection des ouvriers, on peut s’interroger sur ses conséquences pour les entreprises du BTP et l’avancement des chantiers. Avec la multiplication des épisodes caniculaires, les arrêts de travail risquent de se multiplier pendant la période estivale, ralentissant de nombreux projets, notamment dans le sud de la France.
Toutefois, le gouvernement se veut rassurant et estime que l’impact devrait être limité. Les fédérations professionnelles tablent sur une hausse des arrêts de 2 à 3 jours ouvrés chaque été. Un rallongement des chantiers somme toute assez faible, qui sera sans doute intégré en amont dans les plannings. Le tout étant de réussir à attirer suffisamment de main d’œuvre dans un secteur qui peine déjà à recruter.
En définitive, ce décret apparaît comme une nécessité au vu de l’évolution des conditions climatiques. Il marquera sans doute une étape symbolique dans la prise en compte du changement climatique par le monde du travail. Reste à voir comment il sera appliqué sur le terrain, et s’il permettra réellement de mieux protéger ces travailleurs en première ligne face aux aléas météorologiques.