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Canada : Économie ou Climat, Faut-il Vraiment Choisir ?

Mark Carney enterre la taxe carbone dès son premier jour, approuve un nouvel oléoduc avec l’Alberta et fait démissionner Steven Guilbeault. Le Canada choisit-il définitivement l’économie au détriment du climat ? La réponse risque de vous surprendre…

Imaginez le scène : un homme qui fut jadis l’icône mondiale de la finance verte, ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre et émissaire de l’ONU pour le climat, se retrouve à signer, en 2025, l’accord qui relance massivement l’exploitation pétrolière au Canada. Cet homme, c’est Mark Carney, nouveau Premier ministre. Et ce choix brutal divise le pays comme rarement auparavant.

Un virage à 180 degrés qui secoue le Canada

Dès son arrivée au pouvoir en mars 2025, succédant à Justin Trudeau, Mark Carney n’a pas perdu une seconde. Premier acte symbolique : l’abolition immédiate de la taxe carbone sur les particuliers, mesure honnie par une large partie de la population et devenue un boulet électoral pour les libéraux.

Puis vint l’annonce d’une vaste stratégie pour faire du Canada une « superpuissance énergétique ». Objectif affiché : relancer une économie mise à genoux par les droits de douane imposés par le président américain Donald Trump. Dans ce contexte de guerre commerciale, Ottawa mise désormais ouvertement sur ses ressources fossiles.

L’accord historique avec l’Alberta qui change tout

Le moment le plus marquant survient un jeudi de novembre 2025. Mark Carney paraphe un accord avec la très conservatrice province de l’Alberta pour la construction d’un nouvel oléoduc. Cette infrastructure doit permettre d’exporter davantage de pétrole issu des sables bitumineux, l’une des formes d’hydrocarbures les plus polluantes au monde.

Cet accord va plus loin : le gouvernement fédéral renonce purement et simplement à imposer un plafonnement des émissions pour l’ensemble du secteur pétrolier et gazier, mesure pourtant introduite sous le mandat précédent par Steven Guilbeault, alors ministre de l’Environnement.

« Malgré le contexte économique difficile, je reste de ceux pour qui les enjeux environnementaux doivent demeurer à l’avant-scène. »

Steven Guilbeault, dans sa lettre de démission

L’ancien militant écologiste, devenu ministre de la Culture après avoir été débarqué de l’Environnement, claque la porte avec fracas. Il parle d’une « très grave erreur » et se dit « en profond désaccord » avec l’entente fédérale-provinciale.

L’Alberta jubile, Ottawa justifie

De l’autre côté des Rocheuses, on sabre le champagne. Danielle Smith, Première ministre de l’Alberta, se félicite d’un « virage à 180 degrés » du gouvernement fédéral. Pour elle et les milieux économiques de la province, c’est la fin d’une décennie de projets annulés et de croissance freinée.

Tim McMillan, ancien président du principal lobby pétrolier canadien, résume le sentiment dominant à Calgary : après dix ans de politiques perçues comme hostiles, le Canada doit enfin « miser sur ses forces ». Et la principale force de l’Alberta, ce sont ses immenses réserves de sables bitumineux.

Les chiffres qui font mal :
– Le Canada reste l’un des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre par habitant au monde
– Réduction des émissions entre 2005 et 2023 : seulement 8,5 % (objectif 2030 : 40 à 45 %)
– L’Institut climatique du Canada prévient : avec les nouvelles politiques, les émissions pourraient repartir à la hausse

Mark Carney, l’ex-Monsieur Climat devenu Monsieur Pétrole ?

Le paradoxe est saisissant. Il y a encore quelques années, Mark Carney mettait en garde les marchés financiers contre les risques climatiques. Il plaidait pour une transition rapide et défendait ardemment la lutte contre le réchauffement.

Aujourd’hui à la tête du pays, il assume pleinement ce tournant pragmatique. Pour justifier sa politique, il met en avant le lancement du « plus grand projet de captage et stockage de carbone au monde ». Une technologie censée neutraliser une partie des émissions supplémentaires générées par l’expansion pétrolière.

Cette solution reste cependant très controversée. De nombreuses voix scientifiques estiment que le captage carbone, encore balbutiant à grande échelle, ne pourra jamais compenser une augmentation massive de la production fossile.

Les environnementalistes sonnent l’alarme

Du côté des ONG, c’est la consternation. Conor Curtis, porte-parole de Sierra Club Canada, parle d’une « érosion des politiques climatiques » et affirme qu’un nouvel oléoduc « n’est pas nécessaire » à l’heure où le monde accélère sa transition vers les renouvelables.

Réseau action climat Canada va plus loin : les progrès « considérables et durement acquis » des dix dernières années sont en train d’être « réduits à néant petit à petit ». Le sentiment de trahison est palpable chez ceux qui avaient cru à la volonté canadienne de montrer l’exemple.

Les Premières Nations montent au front

Sur le terrain, l’opposition est encore plus radicale. Marilyn Slett, présidente de Coastal First Nations, est catégorique : « Nous n’autoriserons jamais les pétroliers sur notre côte et ce projet de pipeline ne verra jamais le jour. »

Comme lors des grandes batailles autour de Trans Mountain ou de Northern Gateway, les communautés autochtones de la côte pacifique se préparent à bloquer physiquement le projet. Leur détermination pourrait bien transformer ce dossier en nouveau conflit majeur.

Un choix dicté par la realpolitik ?

Face à la menace existentielle que représentent les droits de douane américains, Mark Carney semble avoir tranché : la survie économique du Canada passe avant les objectifs climatiques à court et moyen terme. Un calcul froid, presque churchillien : parfois, pour sauver le pays, il faut savoir faire des compromis douloureux.

Le politologue Duane Bratt, de l’Université Mount Royal à Calgary, résume parfaitement la situation : il y a cinq ou six ans, personne n’aurait imaginé Mark Carney dans ce rôle. La réalité du pouvoir et la pression économique ont visiblement eu raison de ses anciennes convictions affichées.

Le Canada se retrouve aujourd’hui à un carrefour historique. Continuer à défendre bec et ongles ses ambitions climatiques au risque de voir son économie s’effondrer sous les coups de boutoir américains ? Ou accepter de redevenir, temporairement, une pétro-monarchie pour assurer sa survie ?

La réponse de Mark Carney est claire. Reste à savoir si les Canadiens, les Autochtones, les environnementalistes et, à terme, la communauté internationale, accepteront ce marché de dupes. Car une chose est sûre : ce choix aura des conséquences pendant des décennies, bien au-delà des frontières canadiennes.

Le pays qui se voulait champion du climat est en train de redevenir, sous la contrainte, un géant pétrolier assumé. Et l’histoire jugera si ce fut une erreur tragique… ou une décision réaliste dans un monde qui ne l’est plus.

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