ActualitésInternational

Cameroun : Un Magistrat Enlevé Par Des Hommes Armés Non Identifiés

Un magistrat enlevé, d'autres civils kidnappés... Les violences se poursuivent dans les régions anglophones du Cameroun en proie à un conflit séparatiste meurtrier. Qui se cache derrière ces enlèvements et que réclament les ravisseurs ? La population prise en étau entre groupes armés et forces de sécurité.

Les régions anglophones du Cameroun continuent d’être le théâtre de violences dans le cadre du conflit séparatiste qui les déchire depuis 2016. Dimanche soir, un nouvel enlèvement a été perpétré à Bamenda, chef-lieu de la région du Nord-Ouest, visant cette fois-ci un haut magistrat.

Selon les informations rapportées par l’organisation locale de défense des droits humains Conscience Africaine, le deuxième avocat général de la Cour d’appel de Bamenda, Nchang Augustin Amongwa, a été enlevé à son domicile dans la soirée du 29 décembre par « des hommes armés non identifiés ». Son lieu de détention reste pour l’heure inconnu.

D’après le communiqué de l’ONG transmis à l’AFP, de nombreux autres civils auraient été kidnappés le même jour dans la ville et emmenés vers une destination inconnue par des individus armés, « que l’on présume être des séparatistes ».

Une situation sécuritaire alarmante pour les civils

Ces enlèvements ne sont malheureusement pas des cas isolés dans les régions anglophones du Sud-Ouest et du Nord-Ouest, en proie à un violent conflit opposant l’armée aux groupes séparatistes depuis plus de 6 ans maintenant. Les civils sont fréquemment pris pour cibles par les différentes parties.

Rien qu’en décembre, Conscience Africaine indique que trois personnes ont été kidnappées et tuées, leurs familles n’ayant pas été en mesure de s’acquitter des rançons exigées par leurs ravisseurs. En octobre dernier, c’est la maire adjointe de Bamenda qui avait été enlevée puis assassinée par des hommes armés.

Les fonctionnaires particulièrement visés

Les séparatistes s’en prennent régulièrement aux représentants et employés de l’État, accusés de collaborer avec le pouvoir central francophone de Yaoundé. Enseignants, élus, fonctionnaires… Nul n’est épargné par la menace d’enlèvement ou d’exécution sommaire.

Un journaliste avait ainsi été enlevé en octobre à Bamenda, avant d’être finalement relâché. L’insécurité grandissante paralyse les services publics et renforce le climat de peur au sein de la population.

L’armée également pointée du doigt

Face aux exactions des groupes armés, les forces de sécurité camerounaises sont aussi mises en cause. Elles sont accusées de mener des raids punitifs contre les civils soupçonnés de soutenir la cause séparatiste, se rendant coupables de graves abus.

Entre deux feux, les habitants des régions anglophones paient un lourd tribut. Selon Human Rights Watch, le conflit aurait fait plus de 6000 morts parmi la population civile depuis 2016. Des centaines de milliers de personnes ont dû fuir leurs foyers.

Un lourd passif historique

Pour comprendre les racines de cette crise, il faut remonter à la période post-coloniale. Ex-colonie allemande, le Cameroun a été partagé entre la France et le Royaume-Uni après la Première Guerre mondiale. En 1960, la partie francophone accède à l’indépendance, suivie en 1961 par la partie anglophone. Une réunification qui se fait sous la domination de la majorité francophone.

Depuis, les anglophones ne cessent de dénoncer une marginalisation et une sous-représentation au niveau politique et économique. Le déclencheur de la crise actuelle intervient fin 2016, lorsque le régime du président Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, réprime violemment des manifestations de la minorité anglophone.

Cette brutalité pousse une frange de la contestation à prendre les armes et à réclamer l’indépendance. Depuis, malgré quelques timides mesures de décentralisation, le dialogue entre Yaoundé et les séparatistes reste au point mort. Et les affrontements comme les exactions contre les civils se poursuivent dans un climat d’impunité généralisé.

Une résolution du conflit plus que jamais nécessaire

Face à l’enlisement, une solution pacifique et concertée à la crise anglophone apparaît plus indispensable que jamais. Cela passe par la relance d’un vrai processus politique inclusif, seul à même de répondre aux aspirations de la population et de mettre fin aux violences.

Mais aussi par des mesures concrètes pour améliorer le quotidien : lutte contre la pauvreté et les inégalités, investissements dans les services publics, justice et réparations pour les victimes… Autant de chantiers titanesques qui nécessiteront une mobilisation de tous les acteurs, au premier rang desquels le gouvernement camerounais.

En attendant, comme l’illustre tragiquement ce nouvel enlèvement, ce sont les civils qui continuent de subir les conséquences d’un conflit qui n’a que trop duré. Dans l’indifférence et l’inaction coupables de la communauté internationale. Il est plus que temps de tirer la sonnette d’alarme.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.