Dans les rues animées de Garoua, au nord du Cameroun, une foule de plusieurs centaines de personnes s’est rassemblée, brandissant des drapeaux nationaux et des banderoles aux couleurs éclatantes. Leur message ? Soutenir Issa Tchiroma Bakary, le candidat de l’opposition qui revendique une victoire éclatante à l’élection présidentielle du 12 octobre. Mais à l’approche de l’annonce officielle des résultats, prévue pour lundi par le Conseil constitutionnel, le pays retient son souffle. Entre espoirs d’un renouveau politique et répression des autorités, le Cameroun vit des heures décisives.
Une Mobilisation sous Haute Tension
À l’appel de Tchiroma, figure de proue de l’opposition et candidat consensuel de la coalition Union pour le changement 2025, des centaines de citoyens ont défié les interdictions pour manifester pacifiquement dans plusieurs villes. À Garoua, son fief, les slogans résonnent : « Tchiroma arrive, Paul Biya s’en va ! » Les militants, galvanisés, affichent leur conviction que leur champion a remporté 54,8 % des suffrages, loin devant les 31,3 % attribués au président sortant, au pouvoir depuis 43 ans.
Ces manifestations, bien que pacifiques, ont été rapidement confrontées à une réponse musclée. À Garoua, après deux heures de rassemblements, les forces de l’ordre ont dispersé la foule à coups de gaz lacrymogènes. Cette répression illustre la nervosité des autorités face à une mobilisation qui pourrait bouleverser l’ordre établi.
Un Pays sous Surveillance
Le gouvernement camerounais a pris des mesures drastiques pour limiter les mouvements. Les rassemblements ont été interdits dans la plupart des grandes villes, et la circulation est restreinte jusqu’à l’annonce des résultats. À Yaoundé, la capitale, la présence policière a été renforcée aux carrefours stratégiques, dissuadant les potentiels manifestants. À Douala, cependant, quelques dizaines de courageux se sont réunis près de l’aéroport, bravant l’interdiction préfectorale.
Les appels à manifester créent incontestablement les conditions d’une crise sécuritaire.
Paul Atanga Nji, ministre de l’Administration territoriale
Le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a dénoncé ces initiatives, les qualifiant de tentative de déstabilisation. Selon lui, ces manifestations s’inscrivent dans un projet insurrectionnel. Cette rhétorique alarmiste reflète la volonté des autorités de maintenir un contrôle strict sur la situation politique.
Tchiroma, une Figure Contestataire
Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre reconverti en opposant farouche, est au cœur de cette tempête politique. Dans une vidéo diffusée récemment, il a affirmé que des militaires avaient tenté de l’« extirper » de son domicile, une accusation qui a exacerbé les tensions. Depuis plusieurs jours, ses partisans montent la garde autour de sa maison, déterminés à le protéger.
Sa revendication d’une victoire électorale, bien que non officielle, s’appuie sur un discours audacieux. Tchiroma se présente comme l’incarnation d’un renouveau face à un système qu’il juge verrouillé par Paul Biya, président depuis 1982. À 92 ans, ce dernier est attendu par beaucoup comme le vainqueur probable d’un huitième mandat, une perspective qui divise profondément.
Chiffres clés :
- 54,8 % : Score revendiqué par Tchiroma.
- 31,3 % : Score attribué à Paul Biya selon Tchiroma.
- 43 ans : Durée du pouvoir de Paul Biya.
Arrestations et Répression
La montée des tensions s’accompagne d’une vague d’arrestations. À Douala, deux figures de l’opposition, Djeukam Tchameni et Anicet Ekane, ont été interpellés à leurs domiciles. Ces leaders, respectivement à la tête du Mouvement pour la démocratie et l’interdépendance et du Mouvement africain pour la nouvelle indépendance, sont des soutiens de poids pour Tchiroma. Leur arrestation a suscité l’indignation au sein de la coalition Union pour le changement 2025.
Ces événements rappellent les tensions de 2018, lorsque des manifestants protestant contre les résultats de l’élection présidentielle avaient été arrêtés. À l’époque, Maurice Kamto, alors leader du Mouvement pour la renaissance du Cameroun, avait vu sa candidature contestée. En 2025, sa candidature a été purement et simplement rejetée par le Conseil constitutionnel, renforçant le sentiment d’un système électoral biaisé.
Un Système Politique Contesté
Le Cameroun, souvent décrit comme un État où les institutions sont sous le contrôle du pouvoir en place, fait face à une crise de confiance. Les détracteurs de Paul Biya pointent du doigt un système verrouillé, où les élections servent davantage à légitimer le pouvoir qu’à refléter la volonté populaire. La longévité exceptionnelle de Biya, au pouvoir depuis plus de quatre décennies, alimente les frustrations.
Pourtant, l’opposition, bien que déterminée, reste fragmentée. Tchiroma, en s’imposant comme le candidat consensuel de la coalition, a réussi à fédérer plusieurs mouvements. Mais la répression des manifestations et les arrestations risquent de freiner cet élan.
| Événement | Lieu | Réaction des autorités |
|---|---|---|
| Marches pacifiques | Garoua | Dispersion par gaz lacrymogènes |
| Rassemblement | Douala | Interdiction préfectorale |
| Renforcement sécuritaire | Yaoundé | Présence policière accrue |
Vers une Crise Sécuritaire ?
Les autorités craignent que les manifestations ne dégénèrent en une crise plus large. Le ministre Atanga Nji a explicitement mis en garde contre un projet insurrectionnel. Cette rhétorique, bien que ferme, pourrait attiser les tensions plutôt que les apaiser. Dans un pays où les libertés d’expression et de manifestation sont souvent restreintes, chaque mouvement de contestation est perçu comme une menace directe au pouvoir en place.
Pour les partisans de Tchiroma, l’enjeu dépasse la simple élection. Il s’agit de défendre une vision d’un Cameroun plus démocratique, où les institutions reflètent la volonté du peuple. Mais face à un appareil d’État bien rodé, la route semble longue.
L’Attente des Résultats
Lundi, les regards seront tournés vers le Conseil constitutionnel, dont la décision risque d’embraser ou de calmer les esprits. Si Paul Biya est déclaré vainqueur, comme le prédisent de nombreux analystes, les tensions pourraient s’intensifier. À l’inverse, une victoire de Tchiroma, bien que peu probable selon les observateurs, marquerait un tournant historique.
Dans ce contexte, la société civile et les observateurs internationaux appellent à la transparence. Les accusations de fraudes électorales, récurrentes au Cameroun, planent sur ce scrutin. La légitimité du futur président dépendra en grande partie de la crédibilité du processus.
Points à retenir :
- Les manifestations de soutien à Tchiroma ont été réprimées par les forces de l’ordre.
- Des leaders de l’opposition ont été arrêtés, accentuant les tensions.
- Le système politique camerounais est accusé d’être verrouillé par Paul Biya.
Un Avenir Incertain
Le Cameroun se trouve à un carrefour. Les manifestations, bien que limitées par la répression, traduisent un désir de changement chez une partie de la population. Tchiroma, avec son discours audacieux, incarne cet espoir pour beaucoup. Mais face à un pouvoir solidement ancré, les chances d’un bouleversement semblent minces.
Les prochains jours seront cruciaux. L’issue du scrutin et la réponse des autorités détermineront si le Cameroun bascule dans une crise plus profonde ou trouve un fragile équilibre. Une chose est sûre : les Camerounais, dans leur quête de justice et de démocratie, ne baissent pas les bras.









