Dans les rues animées de Yaoundé, une vague d’espoir semble se dessiner à l’approche de l’élection présidentielle du 12 octobre. Lors d’un meeting vibrant, un ancien ministre, aujourd’hui figure de proue d’une opposition en quête de renouveau, a rassemblé des centaines de personnes. Ce leader, Issa Tchiroma Bakary, promet un changement radical face à un pouvoir en place depuis plus de quatre décennies. Mais qui est cet homme, et pourquoi suscite-t-il un tel engouement ?
Un vent de renouveau souffle sur le Cameroun
À 76 ans, Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle, s’est lancé dans la course à la présidence avec une ambition claire : incarner une alternative à Paul Biya, au pouvoir depuis 43 ans. Lors de son meeting dans la capitale camerounaise, plus de 700 personnes se sont réunies pour écouter son message. Cette mobilisation, bien que modeste comparée aux grands rassemblements politiques d’autres pays, témoigne d’une dynamique croissante autour de sa candidature.
Le décor de ce meeting était simple mais puissant : une foule compacte, des drapeaux aux couleurs vives, et un orateur charismatique déterminé à convaincre. Tchiroma, président de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP), a quitté son poste ministériel en juin pour se consacrer à cette campagne. Son discours, centré sur l’idée d’un changement, résonne auprès d’une population fatiguée par des décennies de gouvernance monolithique.
Un leader autoproclamé pour une opposition fragmentée
L’opposition camerounaise, souvent critiquée pour son manque d’unité, semble avoir trouvé en Tchiroma un leader capable de fédérer. Lors de son discours, il a proclamé avec assurance :
Le peuple a organisé sa propre coalition, il a identifié son leader, et il a demandé à son immense majorité de voter pour Tchiroma.
Cette déclaration, bien que audacieuse, reflète la stratégie de Tchiroma : se positionner comme le porte-étendard d’une opposition qui peine à s’accorder sur une candidature commune. Face à l’incapacité des autres figures de l’opposition à s’unir, Tchiroma capitalise sur cette division pour rallier des soutiens. Des figures comme Ateki Seta Caxton du Parti de l’alliance libérale (PAL) et Akere Muna du parti Univers ont même annoncé leur retrait pour soutenir Bello Bouba Maïgari, membre de l’UNDP, renforçant ainsi l’aura de Tchiroma au sein du parti.
Pour de nombreux observateurs, cette dynamique marque un tournant. Frank Lontsi, un ingénieur en génie civil de 32 ans, présent au meeting, n’a pas hésité à qualifier Tchiroma de leader incontesté de l’opposition. Selon lui, l’ancien ministre incarne une alternative crédible face à un système politique sclérosé.
Un projet de transition pour réformer le système
Ce qui distingue Tchiroma, c’est son engagement pour une transition démocratique. Contrairement à d’autres candidats qui visent un pouvoir à long terme, Tchiroma propose un mandat limité, de trois à cinq ans, dédié à l’assainissement du système politique. Yves Feussom, un ingénieur civil de 37 ans, explique cet attrait :
Si la majorité suit Issa Tchiroma, c’est parce qu’il a été clair dès le départ : il se présente pour un mandat de transition afin d’assainir le système.
Cette promesse d’une gouvernance transitoire séduit une population en quête de réformes profondes. Tchiroma met en avant des idées concrètes : lutter contre la corruption, renforcer les institutions, et préparer le terrain pour une nouvelle génération de dirigeants. Ce positionnement, pragmatique et mesuré, contraste avec l’immobilisme reproché au président sortant.
Paul Biya, l’ombre d’un géant absent
À 92 ans, Paul Biya, président depuis 1982, reste une figure omniprésente dans la politique camerounaise. Pourtant, à huit jours du scrutin, il n’a pas encore tenu de meeting public, une absence remarquée. Son premier rassemblement est annoncé dans les prochains jours à Maroua, dans le Grand Nord, une région historiquement fidèle à son parti. Cette stratégie, qui mise sur des bastions électoraux établis, contraste avec l’énergie déployée par Tchiroma et d’autres candidats qui sillonnent le pays.
L’absence de Biya sur le terrain alimente les spéculations. Certains y voient une confiance en son assise électorale, tandis que d’autres perçoivent un signe de faiblesse face à une opposition de plus en plus audible. Tchiroma, en revanche, tire parti de cette situation pour occuper l’espace médiatique et politique.
Une campagne sous haute tension
La campagne électorale bat son plein, avec des meetings organisés dans toutes les régions du Cameroun. Les candidats rivalisent d’ardeur pour convaincre les électeurs, dans un contexte où les enjeux sont immenses. Voici quelques éléments clés de cette campagne :
- Dynamisme de l’opposition : Tchiroma et d’autres figures multiplient les rassemblements pour mobiliser les électeurs.
- Retrait stratégique : Certains candidats, comme Ateki Seta Caxton et Akere Muna, se désistent pour renforcer l’UNDP.
- Appel à la liberté de vote : Maurice Kamto, exclu de la course, encourage les électeurs à voter selon leur conscience.
Malgré ces efforts, l’opposition reste confrontée à un défi majeur : l’unité. Sans une candidature consensuelle, le risque de dispersion des voix demeure élevé, ce qui pourrait bénéficier au président sortant.
Le rôle des électeurs dans un scrutin décisif
À l’approche du scrutin, les électeurs camerounais se retrouvent face à un choix crucial. D’un côté, un président historique, symbole de stabilité pour certains, mais d’immobilisme pour d’autres. De l’autre, des figures comme Tchiroma, qui incarnent l’espoir d’un renouveau, mais dont la capacité à fédérer reste incertaine.
Le message de Maurice Kamto, bien que disqualifié, résonne encore. Dans une vidéo récente, il a appelé les électeurs à voter librement, un message qui pourrait influencer les indécis. Cette élection, plus qu’un simple choix de candidat, semble être un référendum sur l’avenir du Cameroun.
Un tableau des forces en présence
Candidat | Parti | Positionnement |
---|---|---|
Issa Tchiroma | UNDP | Transition démocratique, changement |
Paul Biya | RDPC | Stabilité, continuité |
Maurice Kamto | MRC (disqualifié) | Appel à la liberté de vote |
Ce tableau illustre les dynamiques à l’œuvre : un duel entre continuité et renouveau, avec une opposition qui tente de s’organiser face à un pouvoir bien établi.
Quel avenir pour le Cameroun ?
À quelques jours du vote, une question domine : le Cameroun est-il prêt pour un changement ? Tchiroma, avec son discours de transition, a su capter l’attention. Mais face à un président sortant soutenu par des décennies de pouvoir, la bataille s’annonce rude. Les meetings, comme celui de Yaoundé, montrent une soif de renouveau, mais aussi les défis d’une opposition fragmentée.
Le scrutin du 12 octobre sera un moment clé pour le Cameroun. Les électeurs, jeunes et moins jeunes, devront choisir entre la sécurité d’un système connu et l’incertitude d’un avenir différent. Une chose est sûre : la voix du peuple, exprimée dans les urnes, dessinera les contours de la prochaine décennie.
En attendant, Tchiroma continue de sillonner le pays, porté par une foule de plus en plus nombreuse. Son message de changement résonne, mais suffira-t-il à renverser un système ancré depuis des décennies ? L’avenir le dira.