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Cameroun : La Course à l’Après-Biya S’Intensifie

À quelques mois de la présidentielle, des alliés de Biya se rebellent et visent le pouvoir. Qui façonnera l'avenir du Cameroun ? La réponse pourrait surprendre...

À l’aube d’une élection présidentielle cruciale, le Cameroun semble à un tournant. Alors que Paul Biya, au pouvoir depuis plus de quatre décennies, maintient son emprise, des fissures apparaissent dans son camp. Des figures historiques, autrefois loyales, se détachent pour revendiquer leur place dans l’avenir du pays. Mais dans ce jeu d’échecs politique, qui placera ses pions avec le plus d’habileté ?

Un vent de changement au Cameroun

À 92 ans, Paul Biya dirige le Cameroun depuis 1982, un règne marqué par une stabilité autoritaire mais aussi par des critiques croissantes. À l’approche de l’élection d’octobre, des défections inattendues secouent son entourage. Deux figures de poids, Issa Tchiroma Bakary et Bello Bouba Maïgari, ont quitté le giron présidentiel pour annoncer leurs candidatures. Ce mouvement, rare dans un pays où la loyauté au régime est presque une tradition, soulève des questions sur l’avenir politique du Cameroun.

Des défections qui font trembler le régime

Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre chargé de l’Emploi, a surpris en claquant la porte du gouvernement. Dans la foulée, il s’est déclaré candidat sous la bannière du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC). Cette décision, audacieuse, marque une rupture après des années d’allégeance. Le gouvernement, fidèle à son style, a minimisé l’événement, se contentant d’un communiqué laconique sur la nécessité d’assurer la continuité du service public.

Deux jours plus tard, Bello Bouba Maïgari, ancien Premier ministre et leader de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP), a emboîté le pas. Allié de longue date de Biya, sa candidature sonne comme une trahison pour le camp présidentiel. Pourtant, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), parti au pouvoir, a balayé ces départs d’un revers de main, affirmant qu’ils relèvent du jeu politique classique.

« Il n’y a rien de nouveau. Ces départs participent du jeu politique dans une démocratie libérale. »

Porte-parole du RDPC

Le Nord, un terrain stratégique

Les deux candidats, originaires du nord du Cameroun, s’appuient sur une région historiquement fidèle au régime mais aujourd’hui rongée par la frustration. La pauvreté, le manque d’accès à l’eau, à l’électricité et aux infrastructures de base alimentent un mécontentement croissant. Selon un universitaire de Garoua, ces conditions poussent les populations à exiger des comptes à leurs représentants.

Issa Tchiroma, lors d’un meeting à Garoua, n’a pas hésité à critiquer l’incapacité du gouvernement à répondre aux besoins des citoyens. Sa promesse ? Une union pour sortir le pays de la misère. De son côté, l’UNDP de Bello Bouba Maïgari revendique une candidature portée par la volonté de la base, un argument qui résonne dans une région en quête de renouveau.

Pourquoi le Nord est clé :

  • Région traditionnellement acquise au régime.
  • Frustration croissante face à la pauvreté.
  • Poids électoral significatif pour influencer l’élection.

Une opposition fragilisée ?

Ces candidatures soulèvent des suspicions. Certains y voient une stratégie pour diviser l’opposition, notamment le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) de Maurice Kamto, figure montante de la contestation. Les deux ex-alliés de Biya, accusés d’être des marionnettes du régime, pourraient affaiblir les chances de l’opposition en dispersant les voix, particulièrement dans le Nord.

Maurice Kamto, qui avait mobilisé une partie de l’électorat en 2018, pourrait pâtir de cette fragmentation. Lors de la dernière présidentielle, seuls 3,5 millions des 6,6 millions d’inscrits avaient voté, dans un climat marqué par des violences. Cette faible participation, couplée à la désunion, pourrait favoriser le statu quo.

Un climat économique explosif

Le contexte économique joue un rôle central dans cette élection. La crise économique qui frappe le Cameroun, avec une inflation galopante et un chômage endémique, alimente le mécontentement. Ces conditions pourraient pousser les électeurs, habituellement apathiques, à se mobiliser. Les réseaux sociaux, où la jeunesse exprime son désir de changement, amplifient ce sentiment.

« La volonté de changement est grande et transrégionale. »

Anicet Ekane, président de Manidem

Les candidats comme Tchiroma et Maïgari tentent de capter cette aspiration. Cependant, leur passé de fidèles du régime pourrait les discréditer aux yeux d’un électorat avide d’un véritable renouveau.

Biya, l’éternel stratège

Face à ces remous, Paul Biya reste imperturbable. Ses messages de pré-campagne, distillés avec soin, réaffirment sa détermination à servir. En février, il mettait en garde contre les sirènes du chaos, un discours destiné à consolider son image de garant de la stabilité. Pourtant, les rumeurs sur sa santé fragile et ses rares apparitions publiques alimentent les spéculations sur une possible non-candidature.

Le RDPC, son parti, continue de le présenter comme le candidat naturel. Mais la multiplication des candidatures, même parmi ses anciens alliés, suggère que l’ère Biya pourrait toucher à sa fin. Reste à savoir si le système qu’il a bâti survivra à son départ.

Un élan populaire pour un nouveau Cameroun ?

Le groupe des Partisans du changement du Grand Nord incarne cette aspiration à tourner la page. Leur objectif : fédérer les énergies pour un Cameroun débarrassé des 43 ans de règne de Biya. Sur les réseaux sociaux, les appels au changement se multiplient, portés par une jeunesse qui rêve d’un avenir meilleur.

Pourtant, le chemin vers une transition démocratique reste semé d’embûches. La faible participation électorale, les divisions au sein de l’opposition et la mainmise du RDPC sur les institutions pourraient freiner cet élan. Les prochains mois seront décisifs pour déterminer si le Cameroun optera pour la continuité ou pour un changement radical.

Enjeux clés Impact potentiel
Défections dans le camp Biya Fragilisation du RDPC et possible division des voix.
Crise économique Mobilisation accrue des électeurs mécontents.
Montée de l’opposition Possible basculement si l’unité est trouvée.

Vers une élection sous haute tension

L’élection d’octobre s’annonce comme un moment charnière pour le Cameroun. Les candidatures de Tchiroma et Maïgari, bien que controversées, témoignent d’une volonté de bousculer l’ordre établi. Mais leur passé au sein du système pourrait limiter leur crédibilité. Pendant ce temps, l’opposition, emmenée par des figures comme Maurice Kamto, devra surmonter ses divisions pour capitaliser sur le mécontentement populaire.

Le Cameroun, à la croisée des chemins, pourrait connaître un tournant historique. Reste à savoir si les électeurs, lassés par des décennies de stagnation, saisiront cette opportunité pour redessiner l’avenir du pays. Une chose est sûre : sur l’échiquier politique camerounais, chaque pion compte.

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