InternationalPolitique

Cameroun: Kamto Exclu de la Présidentielle 2025

Le principal opposant camerounais Maurice Kamto exclu de la présidentielle 2025 par le Conseil constitutionnel. Quelles conséquences pour le scrutin ?

Imaginez un pays où l’opposition politique, bien que fervente, se heurte à des barrières institutionnelles infranchissables. Au Cameroun, la récente décision du Conseil constitutionnel de rejeter la candidature de Maurice Kamto, figure de proue de l’opposition, à l’élection présidentielle du 12 octobre 2025, a secoué le paysage politique. Alors que Paul Biya, au pouvoir depuis 43 ans, se prépare à briguer un huitième mandat, cette exclusion soulève des questions brûlantes sur la démocratie et l’avenir du pays. Cet article explore les ramifications de cette décision, les tensions qu’elle engendre et les défis auxquels fait face l’opposition camerounaise.

Une Décision qui Redessine le Scrutin

Le 29 juillet 2025, le Conseil constitutionnel camerounais a tranché : la candidature de Maurice Kamto, principal adversaire de Paul Biya lors de l’élection de 2018, a été jugée irrecevable. Cette décision, confirmée après un recours déposé par l’opposant, repose sur des motifs administratifs liés à une pluralité d’investitures au sein du parti Mouvement africain pour la Nouvelle Indépendance et la Démocratie (Manidem). Pourtant, ce rejet va bien au-delà d’une simple question technique : il cristallise les tensions d’un pays où le pouvoir en place semble déterminé à limiter les voix dissidentes.

En parallèle, le Conseil a validé les candidatures de deux autres figures de l’opposition : Cabral Libii, leader du Parti camerounais pour la réconciliation nationale, et Joshua Osih, du Social Democratic Front. Ces deux opposants historiques auront donc la possibilité de défier Paul Biya, mais leur poids politique face à l’appareil d’État reste incertain. La question qui se pose est simple : cette décision est-elle un simple respect des règles électorales ou une manœuvre pour écarter un adversaire redoutable ?

Les Raisons Officielles du Rejet

Le rejet de la candidature de Maurice Kamto trouve ses racines dans une décision initiale d’Elections Cameroon (Elecam), l’organisme chargé de superviser les scrutins. Fin juillet, Elecam avait pointé du doigt une irrégularité dans le dossier de candidature de Kamto, invoquant une pluralité d’investitures au sein du Manidem. Ce parti, sous l’étiquette duquel Kamto souhaitait se présenter, avait également soumis un autre candidat, créant une confusion administrative.

Le président du Conseil constitutionnel, Clément Atangana, a jugé le recours de Kamto recevable, mais l’a rejeté pour des raisons de fond, estimant qu’il n’était pas suffisamment justifié. Cette décision, bien que conforme au cadre légal, a suscité des réactions vives. L’avocat de Kamto, Me Hippolyte Meli Tiakouang, a résumé l’impact immédiat :

Le Conseil constitutionnel a estimé que la candidature de M. Kamto ne peut pas être valide et la conséquence immédiate, c’est qu’il ne participera pas à la compétition présidentielle.

Me Hippolyte Meli Tiakouang, avocat de Maurice Kamto

Cette exclusion prive le scrutin d’un acteur clé, arrivé deuxième en 2018 avec un score significatif, et connu pour sa capacité à mobiliser une large base, notamment parmi la jeunesse.

Un Contexte Politique Explosif

Le Cameroun traverse une période de turbulences politiques, économiques et sociales. Depuis 2016, les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest sont secouées par une crise séparatiste qui a causé des milliers de morts et des déplacements massifs. À cela s’ajoutent un chômage endémique, une inflation galopante et une jeunesse de plus en plus avide de changement. Dans ce contexte, l’exclusion de Kamto est perçue par beaucoup comme une tentative de verrouiller le système politique.

Les tensions ont atteint leur paroxysme autour du Conseil constitutionnel. L’accès aux débats a été strictement encadré, aucun média n’ayant été autorisé à retransmettre les audiences en direct. Des arrestations ont également eu lieu aux abords de l’institution, le ministère de l’Administration territoriale invoquant des troubles à l’ordre public. Ces mesures renforcent l’impression d’un climat de répression, comme l’a souligné une organisation internationale de défense des droits humains :

Cette décision reflète l’intolérance de longue date du gouvernement à l’égard de toute opposition et de la dissidence, et intervient dans un contexte de répression accrue des opposants, des militants et des avocats.

Organisation de défense des droits humains

Une Opposition Divisée Face à Paul Biya

Historiquement, l’opposition camerounaise peine à s’unir face à Paul Biya, dont le parti, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), domine la scène politique depuis des décennies. En 2020, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), anciennement dirigé par Kamto, avait boycotté les élections législatives et municipales, privant le parti d’élus et, par extension, de la possibilité de présenter un candidat à la présidentielle. Cette contrainte légale a poussé Kamto à se présenter sous l’étiquette du Manidem, une décision qui s’est finalement retournée contre lui.

Pour tenter de surmonter ces divisions, un collectif de partis d’opposition a récemment annoncé son intention de sélectionner un candidat consensuel autour d’un programme commun. Cependant, aucun nom n’a encore émergé, et le temps presse à l’approche du scrutin. Cette fragmentation affaiblit les chances de l’opposition de peser face à un pouvoir solidement ancré.

Récapitulatif des enjeux électoraux :

  • Exclusion de Kamto : Un coup dur pour l’opposition, qui perd une figure charismatique.
  • Validations partielles : Cabral Libii et Joshua Osih pourront concourir, mais leur impact reste incertain.
  • Contexte tendu : Répression, crise anglophone et divisions internes fragilisent le scrutin.
  • Appel à l’unité : L’opposition cherche un candidat commun, mais sans succès pour l’instant.

Les Réactions et Perspectives

Face à l’exclusion de Kamto, le président du Manidem, Anicet Ekane, a qualifié la décision de politique, tout en annonçant une réflexion au sein des états-majors de l’opposition. Cette retenue dans les déclarations traduit une volonté de ne pas précipiter les choses, mais aussi une certaine résignation face à un système électoral perçu comme verrouillé.

Pour de nombreux observateurs, cette situation met en lumière les défis structurels de la démocratie camerounaise. Le code électoral, avec ses exigences strictes, semble conçu pour favoriser les partis établis, au détriment des mouvements émergents. De plus, l’absence de transparence dans les débats du Conseil constitutionnel alimente les soupçons de partialité.

Vers un Scrutin sous Haute Tension

À moins de trois mois de l’élection, le Cameroun se trouve à un carrefour. L’exclusion de Maurice Kamto risque de galvaniser ses partisans, tout en accentuant la méfiance envers les institutions. Dans les régions anglophones, où la crise persiste, le scrutin pourrait être perturbé par des appels au boycott ou des violences. Par ailleurs, la jeunesse, confrontée à un chômage massif et à un sentiment d’exclusion, pourrait se détourner des urnes ou, au contraire, se mobiliser pour exprimer son mécontentement.

Pour les candidats restants, comme Cabral Libii et Joshua Osih, l’enjeu est de taille : réussiront-ils à fédérer les électeurs déçus par l’exclusion de Kamto ? Ou le RDPC de Paul Biya parviendra-t-il, une fois de plus, à consolider son emprise sur le pouvoir ? Une chose est certaine : l’élection du 12 octobre 2025 sera un test décisif pour la démocratie camerounaise.

Candidat Parti Statut
Maurice Kamto Manidem Rejeté
Cabral Libii PCRN Validé
Joshua Osih SDF Validé

En conclusion, l’exclusion de Maurice Kamto de la course présidentielle au Cameroun est bien plus qu’une décision administrative. Elle reflète les défis profonds auxquels est confrontée la démocratie dans ce pays, entre un système électoral restrictif, une opposition fragmentée et un contexte socio-économique tendu. Alors que le scrutin approche, tous les regards sont tournés vers les acteurs politiques restants et leur capacité à mobiliser les Camerounais pour un changement. Mais une question demeure : ce rejet marquera-t-il un tournant dans la lutte pour une gouvernance plus inclusive, ou consolidera-t-il un statu quo qui perdure depuis des décennies ?

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.