Dans un arrêté publié vendredi, le gouvernement camerounais a annoncé l’interdiction des activités de cinq organisations non gouvernementales (ONG), les accusant de « financements illicites ». Le ministère de l’Administration territoriale, en charge des questions de sécurité, a évoqué de possibles cas de « blanchiment de capitaux » ainsi que de « financement du terrorisme ».
Parmi les entités visées par cette mesure draconienne se trouvent deux branches du Réseau d’organisations de défense des droits de l’homme en Afrique centrale (Redhac), ainsi que les associations « L.M Nanje foundation INC », « Reach out Cameroon (ROC) » et l’Association charitable socioculturelle du Cameroun (Acscc). Selon Paul Atanga Nji, le ministre de l’Administration territoriale, ces organismes « peuvent être complices passifs ou actifs de comportements répréhensibles ».
Des financements suspects au coeur des accusations
D’après une source proche du dossier citée par la chaîne publique CRTV, ces cinq ONG auraient reçu environ 16 milliards de francs CFA en seulement deux ans, un montant jugé disproportionné par rapport à leurs activités sur le terrain. Le ministre Atanga Nji a pointé du doigt des « vulnérabilités au blanchiment des capitaux et surtout au financement du terrorisme », sans toutefois apporter de preuves tangibles à ce stade.
Face à ces graves accusations, les ONG concernées ont vivement réagi. La directrice exécutive du Redhac, Maximilienne Ngo Mbe, a déclaré sur Facebook : « On ne se laissera pas faire ». Son message a suscité une vague de soutiens et de protestations au sein de la société civile camerounaise.
L’opposition dénonce une « dictature qui étouffe le pays »
L’opposant Maurice Kamto a également exprimé sa perplexité face aux « motifs invoqués » par le gouvernement. Sur sa page Facebook, il a appelé les Camerounais à « une mobilisation permanente contre une dictature qui étouffe le pays depuis très longtemps maintenant ».
Le Redhac, qui fait partie des ONG interdites, est connu pour dénoncer régulièrement les répressions du pouvoir en place. Récemment, l’organisation avait alerté sur les cas d’un avocat molesté en défendant une cliente ou de violences policières contre un chanteur camerounais. Fin novembre, le Redhac avait présenté à Douala un rapport sur les défis rencontrés par les jeunes filles et les femmes défenseures des droits humains.
La société civile sous pression depuis la réélection contestée de Paul Biya
Depuis la réélection très contestée de Paul Biya en 2018, qui a fêté début novembre ses 42 ans au pouvoir, la société civile camerounaise fait face à une répression sans précédent. Selon les défenseurs des droits de l’homme, toute opinion dissidente est férocement réprimée, avec de nombreuses arrestations et condamnations.
À 91 ans, le président Biya, qui incarne une gestion de plus en plus autocratique du pays, n’a pas encore annoncé s’il serait candidat à sa propre succession lors de la prochaine élection présidentielle prévue en octobre 2025. En attendant, l’interdiction des activités de ces cinq ONG jette une ombre inquiétante sur l’avenir de la liberté d’expression et d’association au Cameroun.
Les motifs invoqués sont graves et laissent perplexes. Un pareil coup doit tenir les Camerounais en éveil et dans une mobilisation permanente contre une dictature qui étouffe le pays depuis très longtemps maintenant.
Maurice Kamto, opposant camerounais
Cette décision controversée intervient dans un contexte de tensions croissantes entre le pouvoir et la société civile camerounaise. Reste à savoir si les ONG visées parviendront à faire entendre leur voix et à prouver leur innocence face aux lourdes accusations portées à leur encontre. L’avenir de l’espace démocratique au Cameroun en dépend.