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Cacao Durable : La France En Retard Sur L’Europe

La France à la traîne sur le cacao durable : travail des enfants, déforestation... Pourquoi l'État reste-t-il absent ? Découvrez les chiffres alarmants.

Chaque année, des millions de consommateurs savourent des tablettes de chocolat sans se douter des réalités complexes qui se cachent derrière leur plaisir sucré. Mais que savons-nous vraiment de l’origine du cacao ? Un récent rapport met en lumière une vérité dérangeante : la France, pourtant grande amatrice de chocolat, accuse un retard préoccupant dans la mise en œuvre d’une filière cacao durable. Alors que d’autres pays européens progressent, l’Hexagone semble stagner, laissant des questions cruciales sans réponse.

Un engagement français en demi-teinte

En 2021, une initiative ambitieuse voyait le jour en France, réunissant industriels, distributeurs, ONG et représentants de l’État autour d’un objectif commun : promouvoir un cacao responsable. Cette démarche, visant à garantir un revenu décent aux producteurs, à éliminer le travail des enfants et à stopper la déforestation d’ici 2025, promettait un avenir plus éthique pour la filière. Quatre ans plus tard, le bilan est loin d’être à la hauteur des attentes.

Le rapport, commandé par plusieurs ONG, révèle que l’initiative française manque de dynamisme et d’efficacité. Comparée à des plateformes similaires en Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas ou en Suisse, elle peine à transformer les pratiques. Pourquoi un tel décalage ? Les chiffres parlent d’eux-mêmes et dressent un tableau préoccupant.

Déforestation : un combat à peine entamé

La lutte contre la déforestation est un enjeu majeur pour la filière cacao. En 2023, seuls 36 % du cacao transformé et fabriqué en France étaient certifiés « zéro déforestation », une progression quasi inexistante (+0,4 % en un an). Pendant ce temps, l’Allemagne atteint 50 % et affiche une volonté claire de renforcer ses efforts.

« Noël après Noël, Pâques après Pâques, le consommateur reste avec ses questions lancinantes sur l’impact de ses achats. »

Blaise Desbordes, directeur général de Max Havelaar

Ce constat met en lumière un manque de suivi et d’engagement concret. Alors que les forêts tropicales, essentielles à la biodiversité mondiale, continuent de disparaître pour laisser place aux plantations, la France semble incapable d’accélérer ses efforts. Les ONG pointent du doigt une absence de volonté politique et un manque de coordination au sein de la filière.

Revenu des producteurs : une injustice persistante

Un autre défi majeur concerne la rémunération des cacaoculteurs. Assurer un revenu décent est au cœur des engagements pour une filière équitable. Pourtant, en France, seuls 1,8 % des producteurs atteignent ce seuil, contre 12 % en Belgique et 11 % en Allemagne. Pire encore, cette donnée n’a été mesurée que pour 9 % des producteurs, révélant un manque criant de transparence.

Les chiffres clés :

  • France : 1,8 % des producteurs au-dessus du seuil de revenu décent.
  • Belgique : 12 % des producteurs au-dessus du seuil.
  • Allemagne : 11 % des producteurs au-dessus du seuil.

Ce décalage souligne une réalité troublante : les cacaoculteurs, souvent situés dans des pays comme la Côte d’Ivoire ou le Ghana, continuent de vivre dans des conditions précaires. Sans une rémunération juste, la filière cacao reste marquée par des inégalités profondes, rendant difficile toute amélioration durable.

Travail des enfants : un fléau mal combattu

Le travail des enfants dans les plantations de cacao est une problématique mondiale. En France, seuls 32 % des ménages de producteurs bénéficient de systèmes de prévention contre ce fléau. En comparaison, la Belgique atteint 45 % et les Pays-Bas 54 %. Ces chiffres traduisent un manque d’engagement concret pour protéger les plus vulnérables.

Les ONG appellent à une mobilisation urgente pour mettre en place des mécanismes de suivi et de prévention plus robustes. Sans ces mesures, des milliers d’enfants continuent de travailler dans des conditions dangereuses, privés de leur droit à l’éducation et à une enfance digne.

Un État en retrait

L’une des critiques les plus sévères du rapport concerne l’attitude de l’État français. Contrairement à ses homologues européens, qui soutiennent activement leurs initiatives nationales, le gouvernement français semble avoir pris ses distances. Les ONG déplorent une absence de leadership et un manque de participation à la gouvernance de l’initiative.

« On a le sentiment que l’État n’a pas joué le jeu. Il échoue comme État stratège. »

Blaise Desbordes, directeur général de Max Havelaar

Ce désengagement contraste avec les efforts des autres pays, où les gouvernements jouent un rôle moteur dans la coordination et la mise en œuvre des politiques. En France, l’absence de réponse immédiate du ministère de la Transition écologique, sollicité pour commenter ces conclusions, renforce ce sentiment d’abandon.

Traçabilité : un défi à relever

Pour redresser la barre, les ONG proposent une solution concrète : un « sprint traçabilité » de 12 mois visant à atteindre 100 % de cacao traçable jusqu’à la parcelle. Actuellement, seulement 49 % du cacao utilisé en France bénéficie d’une traçabilité complète. Cette opacité rend difficile la vérification des pratiques éthiques tout au long de la chaîne d’approvisionnement.

Pays % Cacao traçable % Cacao zéro déforestation
France 49 % 36 %
Allemagne Non précisé 50 %

Une traçabilité renforcée permettrait de garantir que le cacao utilisé respecte les normes éthiques et environnementales. C’est un enjeu crucial pour répondre aux attentes des consommateurs, de plus en plus sensibles à l’impact de leurs achats.

Consommateurs : des attentes en suspens

Chaque achat de chocolat peut avoir un impact, mais les consommateurs manquent d’informations claires. Les fêtes comme Pâques ou Noël amplifient la consommation de cacao, mais sans une filière transparente, difficile de savoir si ces produits respectent les principes du commerce équitable. Les ONG appellent à une mobilisation collective pour répondre à ces interrogations.

Pour les consommateurs, choisir un chocolat certifié peut être un premier pas. Cependant, sans une action concertée de la filière et de l’État, ces efforts individuels risquent de rester limités face à l’ampleur des défis.

Vers un avenir plus responsable ?

Le retard de la France dans la filière du cacao durable est un signal d’alarme. Alors que d’autres pays européens avancent à grands pas, l’Hexagone doit redoubler d’efforts pour rattraper son retard. Les solutions existent : renforcer la traçabilité, investir dans des systèmes de prévention contre le travail des enfants, et garantir un revenu décent aux producteurs.

Le rôle de l’État sera déterminant. En s’inspirant des modèles belge, allemand ou néerlandais, la France pourrait transformer son initiative en un véritable levier de changement. Mais le temps presse, et chaque année sans progrès représente une opportunité manquée pour les producteurs, les consommateurs et l’environnement.

Le chocolat, symbole de plaisir, ne doit plus être entaché par des pratiques contraires à l’éthique. À nous, consommateurs, industriels et décideurs, de faire les choix qui feront de chaque tablette un geste responsable.

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