Le Burundi se prépare pour les élections législatives de 2025, mais le processus est déjà source de vives controverses. Le président Evariste Ndayishimiye a promulgué un décret fixant les règles du scrutin, qui est vivement dénoncé par l’opposition. Les partisans d’Agathon Rwasa, figure historique de l’opposition, l’accusent d’être « taillé sur mesure » pour les exclure de la compétition électorale.
Des Critères d’Éligibilité Contestés
Selon les nouvelles règles, les candidats indépendants ne pourront se présenter que s’ils n’ont appartenu à aucun parti politique depuis au moins un an. De plus, un ancien membre d’un organe dirigeant d’un parti devra attendre deux ans après sa démission ou son exclusion pour pouvoir se porter candidat. Des conditions jugées trop restrictives par les proches d’Agathon Rwasa.
C’est une loi taillée sur mesure pour exclure l’honorable Rwasa et tous ses proches.
– Pamphile Malayika, député proche d’Agathon Rwasa
Pour l’opposition, il s’agit d’une manœuvre délibérée pour écarter Agathon Rwasa, 66 ans, candidat malheureux face à Evariste Ndayishimiye lors de la présidentielle de 2020 entachée d’irrégularités selon les observateurs. En mars dernier, il a été évincé de la présidence de son parti, le Congrès National pour la Liberté (CNL), principal mouvement d’opposition du pays.
Réforme Territoriale et Quotas Ethniques
Le décret présidentiel prévoit aussi un redécoupage électoral, avec 5 grandes circonscriptions calquées sur les nouvelles provinces qui remplaceront les 18 provinces actuelles après le scrutin. Le parlement restera composé de 100 députés, avec des quotas ethniques : 60% de Hutus (ethnie majoritaire) et 40% de Tutsis, plus 3 députés Twa cooptés par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI).
Le même jour, les Burundais éliront aussi leurs conseillers communaux et collinaires. Puis les conseillers communaux désigneront à leur tour les sénateurs le 23 juillet, à raison de 2 par province (un Hutu et un Tutsi).
Tensions et Incertitudes Politiques
A moins de deux ans du scrutin, ce décret présidentiel risque de tendre encore plus le climat politique déjà délétère au Burundi. Miné par des années de guerre civile, de violences et de répression, le pays peine à instaurer une démocratie apaisée et pluraliste.
L’opposition accuse régulièrement le pouvoir de museler toute voix discordante et de verrouiller le jeu politique en sa faveur. De son côté, le président Ndayishimiye affirme œuvrer au développement et à la stabilité du pays. Mais ses promesses d’ouverture peinent à convaincre ses adversaires.
Agathon Rwasa et tous les cadres qui lui sont proches ont été chassés du CNL reconnu par la loi depuis mars, nous ne pourrons donc pas nous présenter en tant qu’indépendants au vu de la loi.
– Pamphile Malayika, député proche d’Agathon Rwasa
Avec ces règles électorales controversées à son avantage, Evariste Ndayishimiye semble déterminé à consolider son emprise sur le pays. Mais en muselant l’opposition, il risque de raviver les tensions et de compromettre la légitimité du futur scrutin. De nombreux observateurs craignent une nouvelle crise politique majeure.
Pour sortir de l’impasse, des voix s’élèvent pour appeler au dialogue entre le pouvoir et l’opposition afin de trouver un compromis. Certains suggèrent une révision concertée de la loi électorale pour garantir une compétition équitable et inclusive. Reste à savoir si le président Ndayishimiye sera prêt à tendre la main à ses adversaires.
L’avenir de la fragile démocratie burundaise est en jeu. Au-delà des ambitions personnelles et des calculs politiciens, c’est la stabilité du pays, la cohésion sociale et le développement économique qui doivent rester les priorités. Seule une gouvernance responsable, un dialogue franc et constructif et un strict respect de l’état de droit peuvent sortir le Burundi du cycle infernal des violences politiques.