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Burkina Faso : Libération de Critiques Enlevés

Quatre Burkinabè enlevés pour avoir critiqué la junte militaire sont libres. Quel est le prix de la liberté d’expression au Burkina Faso ? Lisez pour en savoir plus...

Imaginez-vous marcher dans les rues animées d’Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, lorsqu’un groupe d’hommes armés, visages masqués, vous arrache à votre quotidien. Votre seul crime ? Avoir exprimé une opinion critique envers le pouvoir en place. Ce scénario, digne d’un thriller politique, est une réalité pour de nombreux Burkinabè. La semaine dernière, quatre personnes, enlevées de force pour avoir défié la junte militaire, ont retrouvé la liberté, révélant une facette sombre de la lutte antijihadiste dans ce pays d’Afrique de l’Ouest. Leur histoire soulève une question brûlante : à quel prix la sécurité nationale justifie-t-elle la répression des voix dissidentes ?

Une Libération qui Fait Écho

Entre jeudi et dimanche derniers, quatre individus, arrachés à leur vie quotidienne pour avoir osé critiquer le régime militaire, ont été relâchés. Ces libérations, confirmées par des proches et une source sécuritaire, marquent un tournant dans un contexte où la junte, dirigée par le capitaine Ibrahim Traoré depuis septembre 2022, semble user de méthodes controversées pour maintenir son autorité. Parmi les libérés figurent des profils variés : un chroniqueur médiatique, un professeur, un leader de la société civile et un proche d’une figure politique en exil. Leurs cas illustrent une stratégie inquiétante : l’utilisation d’un décret de mobilisation générale pour contraindre les voix critiques à rejoindre le front antijihadiste.

Kalifara Séré : La Voix d’un Chroniqueur Réduite au Silence

Kalifara Séré, ancien haut fonctionnaire devenu chroniqueur influent à la télévision, est l’une des figures emblématiques de cette vague de répression. Enlevé en juin 2024 dans la capitale par des hommes masqués et armés, il n’avait plus donné signe de vie jusqu’à sa libération le week-end dernier. Selon un proche, il se remet doucement, prenant du temps pour lui et sa famille. Son tort ? Avoir publiquement douté de la véracité d’images montrant le chef de l’État dans un geste symbolique, deux jours après un incident sécuritaire près du palais présidentiel.

RSF est soulagée d’apprendre que Kalifara Séré, manifestement réquisitionné de force dans l’armée, a retrouvé sa famille et ses proches.

Sadibou Marong, directeur du bureau Afrique subsaharienne de Reporters sans frontières

Cette déclaration met en lumière une réalité troublante : au Burkina Faso, critiquer le pouvoir peut conduire à une mobilisation forcée, une tactique qui dépasse le cadre de la lutte contre le terrorisme pour devenir un outil de répression politique.

Benoît Bassolé : Un Enlèvement aux Relents Politiques

Un autre cas marquant est celui de Benoît Bassolé, neveu d’un ancien ministre des Affaires étrangères exilé en France. Enlevé en septembre 2024, sa disparition coïncide avec des accusations de complot portées contre son oncle. Relâché entre samedi et dimanche, son retour à la liberté soulève des questions sur les motivations de son enlèvement. Était-il un pion dans un jeu politique plus large ? Son cas illustre comment les liens familiaux avec des figures d’opposition peuvent devenir un prétexte pour des représailles.

Marcel Imané et James Yazid Dembélé : Des Voix Étouffées

Marcel Imané, professeur d’allemand dans le sud-ouest du pays, a été enlevé fin mars 2024 pour avoir dénoncé l’insécurité croissante. Libéré le 10 juillet, son cas montre que même les citoyens ordinaires ne sont pas épargnés. De son côté, James Yazid Dembélé, leader de la société civile, a été kidnappé en janvier 2024 à Bobo Dioulasso après une fuite d’un enregistrement compromettant. Les rumeurs de sa mort sous la torture circulaient, rendant sa libération d’autant plus marquante. Ces cas révèlent un schéma : les critiques, qu’ils soient journalistes, enseignants ou activistes, sont ciblés pour faire taire toute dissidence.

Un Décret de Mobilisation Détourné

Le décret de mobilisation générale, instauré pour renforcer la lutte contre les groupes jihadistes qui sévissent depuis 2015, est au cœur de cette controverse. Officiellement destiné à mobiliser les citoyens pour la sécurité nationale, il est devenu, selon plusieurs observateurs, un outil de répression. Les personnes enlevées, souvent sans procédure légale, sont contraintes de rejoindre des unités combattantes, une pratique qui viole les principes fondamentaux des droits humains. Une source sécuritaire a qualifié les libérations récentes comme la « fin de leur réquisition », un euphémisme qui masque la gravité de ces enlèvements.

Personne Date d’enlèvement Motif supposé Date de libération
Kalifara Séré Juin 2024 Critique des images officielles Week-end dernier
Benoît Bassolé Septembre 2024 Lien avec un opposant en exil Samedi-Dimanche
Marcel Imané Mars 2024 Critique de l’insécurité 10 juillet
James Yazid Dembélé Janvier 2024 Fuite d’un enregistrement Samedi

Un Contexte de Violence et de Répression

Depuis 2015, le Burkina Faso est plongé dans une spirale de violences jihadistes qui ont coûté la vie à plus de 26 000 personnes, selon une ONG spécialisée dans le recensement des conflits. Ce contexte sécuritaire chaotique a servi de justification à la junte pour instaurer des mesures draconiennes. Cependant, ces mesures semblent déborder leur objectif initial. Des dizaines d’officiers militaires, accusés de complots ou de tentatives de déstabilisation, ont également été arrêtés, renforçant l’impression d’un régime cherchant à consolider son pouvoir par la peur.

La société civile et les médias ne sont pas les seuls visés. Les accusations de complot touchent aussi les cercles militaires, comme en témoigne l’arrestation de l’ancien chef d’état-major de la gendarmerie. Ce climat de suspicion généralisée alimente une méfiance croissante envers les autorités, tandis que la population lutte pour trouver un équilibre entre sécurité et liberté.

Le Cri d’Alarme des Organisations Internationales

Face à ces dérives, des organisations comme Reporters sans frontières ont tiré la sonnette d’alarme. Dans un communiqué, l’ONG dénonce le « musèlement des voix critiques » et exige des explications sur le sort de six autres journalistes portés disparus ou réquisitionnés. Cette situation met en lumière un paradoxe : alors que le Burkina Faso lutte pour sa survie face aux groupes armés, il compromet ses propres valeurs démocratiques en muselant ceux qui osent s’exprimer.

Les autorités doivent se prononcer quant au sort de six autres journalistes portés disparus ou réquisitionnés.

Reporters sans frontières

Ce cri d’alarme reflète une inquiétude croissante : la liberté d’expression, pilier d’une société ouverte, est en danger. Les réquisitions forcées, loin de renforcer l’unité nationale, risquent d’approfondir les fractures sociales.

Quels Enjeux pour l’Avenir ?

Les récentes libérations sont-elles un signe d’apaisement ou une simple pause dans une stratégie de répression ? Rien n’est moins sûr. Tant que des journalistes, activistes et citoyens ordinaires restent sous la menace de réquisitions forcées, le Burkina Faso risque de s’enliser dans un cycle de méfiance et de peur. La lutte contre le terrorisme, bien que cruciale, ne peut justifier l’étouffement des libertés fondamentales.

Pour mieux comprendre l’ampleur du problème, voici un résumé des enjeux clés :

  • Répression ciblée : Les enlèvements visent spécifiquement les voix critiques, des journalistes aux leaders communautaires.
  • Instrumentalisation : Le décret de mobilisation générale est détourné pour punir rather than protéger.
  • Impact social : La peur de s’exprimer freine le débat public et fragilise la cohésion nationale.
  • Appel international : Les ONG exigent des comptes sur les disparus, soulignant l’urgence d’une réforme.

Le Burkina Faso se trouve à un carrefour. La sécurité, objectif prioritaire, ne peut être durable sans le respect des droits fondamentaux. Les libérations récentes offrent une lueur d’espoir, mais elles ne suffisent pas à dissiper les ombres qui planent sur la liberté d’expression. Alors que le pays continue de lutter contre les violences jihadistes, une question demeure : comment concilier sécurité et démocratie dans un contexte aussi tendu ?

Ces événements ne sont pas qu’une actualité passagère. Ils reflètent une lutte universelle pour la liberté, un combat qui résonne bien au-delà des frontières du Burkina Faso. Les voix libérées aujourd’hui rappellent que, même dans l’adversité, la parole reste une arme puissante. Mais combien d’autres attendent encore dans l’ombre ?

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