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Burkina Faso Expulse Coordonnatrice ONU : Tensions Explosent

La junte du Burkina Faso expulse une représentante de l'ONU pour un rapport accusant l'armée. Quelles sont les vraies raisons de cette décision choc ?

Comment un rapport de l’ONU peut-il déclencher une crise diplomatique majeure dans un pays déjà fragilisé par une décennie de violences ? Au Burkina Faso, la junte au pouvoir a pris une décision radicale : déclarer la coordonnatrice résidente des Nations Unies, Carol Flore-Smereczniak, persona non grata. Cette annonce, faite le lundi 18 août 2025, a secoué la communauté internationale et mis en lumière les tensions croissantes entre le gouvernement burkinabè et les organisations internationales. Mais derrière cette expulsion se cache un conflit plus profond, mêlant accusations de violations des droits humains, lutte contre le terrorisme et souveraineté nationale.

Une décision choc dans un contexte explosif

Le Burkina Faso, pays d’Afrique de l’Ouest, est plongé depuis près de dix ans dans une spirale de violences orchestrées par des groupes jihadistes affiliés à Al-Qaïda et à l’État islamique. Ces attaques, souvent meurtrières, ont déstabilisé le pays, provoquant des déplacements massifs de populations et une crise humanitaire sans précédent. Depuis le coup d’État de septembre 2022, qui a porté le capitaine Ibrahim Traoré au pouvoir, la junte militaire a fait de la reconquête du territoire une priorité absolue. Mais cette lutte acharnée contre les groupes armés s’accompagne d’accusations graves : des exactions commises par l’armée et ses supplétifs civils contre les populations locales.

Dans ce contexte tendu, un rapport de l’ONU publié en mars 2025 a jeté de l’huile sur le feu. Intitulé Les enfants et le conflit armé au Burkina Faso, ce document impute des violences contre les enfants non seulement aux groupes jihadistes, mais aussi aux forces de défense et de sécurité burkinabè. Une accusation que la junte rejette en bloc, la qualifiant de « mensongère » et « sans fondement ».

Un rapport controversé au cœur de la discorde

Le rapport de l’ONU, adressé au Conseil de sécurité, dresse un tableau alarmant : entre juillet 2022 et juin 2024, pas moins de 2 483 violations graves auraient été commises contre 2 255 enfants. Parmi ces violations, 20 % (soit 501 cas) sont attribuées aux forces armées burkinabè et à leurs alliés civils. Ces chiffres, bien que précis, ont été accueillis avec une colère froide par les autorités de Ouagadougou.

Dans un style narratif citant indistinctement les terroristes et les institutions de défense et de sécurité du Burkina Faso, ce rapport ressemble à une compilation d’affirmations sans fondements.

Gouvernement burkinabè, communiqué officiel

Le gouvernement reproche à ce rapport son manque de preuves concrètes. Selon lui, aucune enquête approfondie, aucun arrêt de justice ni aucun document annexe ne vient étayer les accusations portées contre l’armée. Cette absence de transparence a conduit la junte à pointer du doigt la coordonnatrice résidente de l’ONU, Carol Flore-Smereczniak, accusée d’avoir coprésidé l’élaboration de ce document controversé.

Carol Flore-Smereczniak : une expulsion symbolique

Originaire de Maurice, Carol Flore-Smereczniak a pris ses fonctions en juillet 2024, soit à peine un an avant son expulsion. Sa nomination, censée renforcer la coopération entre l’ONU et le Burkina Faso, s’est rapidement heurtée à des obstacles. Dès mars 2025, elle avait été convoquée par le ministre des Affaires étrangères burkinabè pour répondre à des critiques sur l’usage de termes jugés inappropriés par le gouvernement, comme groupes armés non étatiques pour désigner les jihadistes, ou milices pour qualifier les supplétifs civils.

En déclarant Flore-Smereczniak persona non grata, la junte envoie un message clair : elle refuse toute ingérence extérieure perçue comme une tentative de discréditer ses efforts dans la lutte contre le terrorisme. Cette décision n’est pas une première. En décembre 2022, une autre coordonnatrice de l’ONU, l’Italienne Barbara Manzi, avait subi le même sort, sommée de quitter le pays le jour même.

Une expulsion qui soulève une question : jusqu’où le Burkina Faso est-il prêt à aller pour défendre sa souveraineté face aux critiques internationales ?

Un pays sous pression : le poids du terrorisme

Le Burkina Faso est aujourd’hui l’un des pays les plus touchés par le terrorisme à l’échelle mondiale. Selon l’Indice mondial du terrorisme, le pays a enregistré 1 532 victimes liées au terrorisme en 2024, soit le plus lourd bilan pour la deuxième année consécutive. Ce chiffre, qui représente une part significative des 7 555 victimes mondiales, illustre l’ampleur de la crise. Les groupes armés jihadistes, opérant dans des zones reculées, continuent de semer la terreur, ciblant civils, écoles et infrastructures.

Face à cette menace, la junte a mobilisé non seulement l’armée, mais aussi des supplétifs civils, souvent désignés sous le terme de Volontaires pour la défense de la patrie. Ces groupes, bien que précieux dans la lutte antijihadiste, ont été accusés d’exactions, notamment de violences contre les enfants, ce que le gouvernement nie avec véhémence.

Une coopération avec l’ONU en péril ?

En dépit de cette expulsion, le gouvernement burkinabè affirme sa volonté de maintenir une coopération avec l’ONU, à condition que celle-ci s’appuie sur des représentants « résolument engagés dans un accompagnement vrai et sincère ». Une déclaration qui sonne comme un ultimatum, dans un contexte où les relations entre Ouagadougou et les organisations internationales sont déjà fragiles.

Pour mieux comprendre les enjeux, voici un résumé des points de friction entre la junte et l’ONU :

  • Accusations de partialité dans les rapports de l’ONU, jugés trop critiques envers l’armée.
  • Refus des termes comme groupes armés non étatiques, perçus comme une légitimation des jihadistes.
  • Demande d’une transparence accrue dans les enquêtes menées par les agences onusiennes.

Cette crise intervient à un moment où le Burkina Faso a besoin d’un soutien international pour faire face à la fois au terrorisme et à la crise humanitaire. Pourtant, les décisions de la junte, comme l’expulsion de responsables onusiens, risquent d’isoler davantage le pays sur la scène internationale.

Un précédent dangereux ?

L’expulsion de Carol Flore-Smereczniak n’est pas un incident isolé. Elle s’inscrit dans une série de mesures prises par la junte pour affirmer son autorité face aux critiques extérieures. En 2022, l’expulsion de Barbara Manzi avait déjà marqué un tournant dans les relations avec l’ONU. Cette répétition soulève des interrogations sur la stratégie de la junte : cherche-t-elle à consolider son pouvoir en rejetant toute critique, ou s’agit-il d’une réponse légitime à des accusations jugées infondées ?

Pour les observateurs, cette situation reflète un dilemme plus large : comment concilier la lutte contre le terrorisme avec le respect des droits humains ? Les accusations de violations, qu’elles soient vérifiées ou non, compliquent les efforts de coopération internationale, essentielle pour un pays confronté à des défis aussi complexes.

Période Événement Impact
Septembre 2022 Coup d’État d’Ibrahim Traoré Instauration de la junte militaire
Décembre 2022 Expulsion de Barbara Manzi (ONU) Tensions avec l’ONU
Mars 2025 Rapport ONU sur les enfants Accusations contre l’armée
Août 2025 Expulsion de Carol Flore-Smereczniak Crise diplomatique aggravée

Vers un isolement international ?

En expulsant une deuxième représentante de l’ONU en moins de trois ans, la junte burkinabè prend le risque de s’aliéner des partenaires clés. Dans un pays où la crise humanitaire touche des millions de personnes, la coopération internationale est cruciale pour fournir une aide alimentaire, médicale et logistique. Pourtant, la junte semble privilégier une posture de défiance, estimant que les critiques de l’ONU sapent ses efforts dans la lutte contre le terrorisme.

Pour les habitants du Burkina Faso, cette situation est un double fardeau. D’un côté, ils subissent les violences incessantes des groupes jihadistes. De l’autre, les tensions entre leur gouvernement et les organisations internationales risquent de compliquer l’accès à l’aide dont ils ont désespérément besoin.

Le Burkina Faso est à la croisée des chemins : entre souveraineté affirmée et besoin d’aide internationale, quel chemin choisira la junte ?

Que nous apprend cette crise ?

La crise actuelle au Burkina Faso dépasse le simple cadre d’une expulsion diplomatique. Elle met en lumière les défis auxquels sont confrontés les pays en proie à des conflits armés : comment mener une guerre contre le terrorisme tout en respectant les normes internationales ? Comment répondre aux accusations de violations des droits humains sans compromettre sa légitimité ?

Pour le Burkina Faso, la réponse semble résider dans une affirmation forte de sa souveraineté. Mais cette stratégie, bien que séduisante pour une partie de la population, pourrait avoir des conséquences à long terme. En marginalisant l’ONU, la junte risque de réduire ses options pour faire face à une crise qui dépasse largement les capacités d’un seul État.

En attendant, les enfants du Burkina Faso, au cœur de ce rapport controversé, restent les premières victimes de ce conflit. Entre les violences des groupes armés et les accusations portées contre l’armée, leur avenir demeure incertain. La communauté internationale, de son côté, devra trouver un moyen de dialoguer avec la junte sans compromettre ses principes.

Pour conclure, cette crise diplomatique est un symptôme d’un malaise plus profond. Le Burkina Faso, comme d’autres pays de la région du Sahel, lutte pour sa survie dans un contexte de chaos. La question reste ouverte : la junte parviendra-t-elle à concilier ses ambitions de souveraineté avec les exigences d’un monde globalisé ?

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