Depuis dimanche, un calme fragile règne à Bukavu, capitale de la province du Sud-Kivu en République démocratique du Congo. Après la prise de contrôle de la ville par le groupe rebelle M23, allié à l’armée rwandaise, les habitants tentent de renouer avec une vie presque normale. Malgré les pillages et les tensions qui persistent, les signes d’un retour progressif à la normale se font sentir.
Une entrée des rebelles sans grande résistance
D’après des sources locales, les troupes du M23 ont pris le contrôle total de Bukavu pratiquement sans combattre. L’armée congolaise avait en effet retiré ses forces dès vendredi, laissant le champ libre aux rebelles. Des milliers d’habitants avaient également fui vers le Burundi voisin, redoutant des affrontements similaires à ceux qui ont endeuillé Goma, dans le Nord-Kivu, fin janvier. Mais à Bukavu, le pire a été évité.
Bonaventure Bené, un résident, témoigne : « Les visiteurs qui sont entrés ne tracassent personne, tu peux passer devant eux et ils ne vont pas t’arrêter, ni te demander de pièce d’identité ». Malgré tout, des miliciens et des civils armés ont semé la peur jusqu’à lundi, pillant des commerces et s’opposant par les armes aux forces du M23 venues les déloger.
Des pillages et des violences sporadiques
Si le bain de sang tant redouté n’a pas eu lieu, la situation reste précaire. Selon une source médicale, les morgues de la ville comptent de « nombreux » corps, même si aucun bilan précis n’a encore été établi. La Croix-Rouge s’active à ramasser les dépouilles carbonisées dans les rues, sous le regard grave des riverains. En trois jours, plus de 200 blessés ont été pris en charge par les équipes du CICR et de Médecins Sans Frontières.
Des actes de justice populaire ont également été rapportés. À l’arrivée du M23, des habitants excédés auraient ainsi lynché deux présumés voleurs, dont les corps gisaient en pleine rue. Les pillages ont été massifs, visant aussi bien des boutiques que des entrepôts humanitaires ou encore la brasserie locale.
Les signes d’une timide reprise
Malgré ce contexte troublé, les habitants de Bukavu s’efforcent de reprendre le cours de leur vie. Quelques minibus et motos-taxis ont recommencé à sillonner les artères de la ville, d’ordinaire si animées. Les commerçants sont revenus garnir leurs étals sur les marchés, même si la clientèle se fait encore rare. « Nous profitons de cette accalmie pour relancer nos activités commerciales, sinon comment allons-nous vivre ? » s’interroge Maman Nyabadeu, vendeuse de fruits et d’épices.
Christophe Cirhuza a lui aussi rouvert son échoppe de réparation de pneus : « Les clients viennent timidement, je viens de réparer le deuxième pneu depuis le matin ». Bien que symboliques, ces gestes du quotidien apparaissent vitaux pour une population meurtrie et inquiète de l’avenir.
Une reprise progressive des activités essentielles
Au-delà des petits commerces, ce sont les infrastructures clés de la ville qui tentent de se remettre en marche. Fermé depuis dimanche, le port de Bukavu, indispensable poumon économique, devrait rouvrir mardi. Le M23 a annoncé la reprise de la navigation sur le lac Kivu, principale voie commerciale reliant Bukavu à Goma en l’absence de route praticable.
Les services de santé, mis à rude épreuve par l’afflux de blessés, s’organisent également pour faire face. Les hôpitaux tournent à plein régime et les ambulances se frayent un chemin à grand renfort de sirènes dans les rues quasi-désertes. Un marathon logistique et humain pour tenter de sauver les vies mises en péril par ces nouvelles violences.
Entre craintes et espoirs, une population sous tension
Si les armes se sont tues, les stigmates de ces journées troubles sont encore vifs dans les esprits. « Nos anciennes autorités ont fui et les nouvelles n’ont rien dit jusqu’à présent, nous sommes dans la confusion » confie Hypocrate Marume, reflétant le sentiment d’abandon et d’incertitude partagé par de nombreux habitants.
À 300 km de là, Goma offre peut-être une image de ce qui attend Bukavu. La capitale du Nord-Kivu, sous contrôle du M23 depuis fin janvier, a vu revenir des policiers dans ses rues ce lundi. Un retour très progressif à la normale, au rythme des villes meurtries par des conflits qui semblent sans fin.
Pour les habitants de Bukavu, l’heure est à la résilience. Malgré la peur et les défis immenses, il faut avancer, rebâtir, espérer. Car dans l’Est congolais, la vie est plus forte et reprend toujours ses droits, même au cœur des pires tourmentes.