Imaginez un maire qui risque la prison simplement parce qu’il a laissé des centaines de milliers de personnes marcher pour leurs droits. C’est exactement ce qui arrive en ce moment à Budapest.
Un maire dans le viseur pour avoir défendu la liberté
Gergely Karácsony, maire écologiste de la capitale hongroise, a annoncé jeudi que la police venait de terminer son enquête à son encontre. Conclusion : elle recommande des poursuites judiciaires pour « violation du droit de réunion ». En clair, il est accusé d’avoir contourné l’interdiction nationale de la Marche des Fiertés.
La peine encourue ? Jusqu’à un an de prison ferme. Une première dans l’histoire récente du pays.
L’astuce juridique qui a permis à la Pride d’avoir lieu
Lorsque le gouvernement a interdit la manifestation prévue fin juin, l’équipe municipale a trouvé une parade astucieuse. La Marche des Fiertés a été requalifiée en « événement municipal ». Selon la ville, ce type d’événement ne relève pas de la loi sur les rassemblements et échappe donc à l’interdiction.
Résultat : le 30e anniversaire de la Budapest Pride a bien eu lieu et a rassemblé au moins 200 000 personnes – l’une des plus grandes manifestations depuis le retour de Viktor Orban en 2010.
« La municipalité de Budapest a le droit, sans restriction légale, d’organiser tout événement qu’elle souhaite »
Gergely Karácsony, maire de Budapest
Une loi taillée sur mesure contre les marches LGBT+
Mi-mars, le Parlement hongrois a adopté un texte interdisant explicitement les marches des fiertés. Officiellement, il s’agit de « protéger l’enfance ». En réalité, cette mesure s’inscrit dans une longue série de restrictions des droits des minorités sexuelles et de genre depuis 2018.
Propagande anti-LGBT+, interdiction de l’adoption pour les couples homosexuels, suppression de la reconnaissance légale des personnes transgenres… La liste est longue.
Cette nouvelle loi sur les rassemblements apparaît comme l’étape suivante : empêcher purement et simplement toute visibilité publique de la communauté.
Budapest, ville rebelle face à l’État central
Depuis son élection en 2019, Gergely Karácsony incarne une opposition farouche au pouvoir central. Élu avec une large coalition allant des écologistes à la droite libérale, il n’a cessé de défier Viktor Orban sur de nombreux terrains : transparence, écologie, droits fondamentaux.
En transformant la Pride en événement municipal, il a une nouvelle fois marqué sa volonté de faire de Budapest une « ville libre ».
Dans sa vidéo Facebook, il assume totalement :
« Dans un système où la loi protège le pouvoir, il était inévitable que, en tant que maire d’une ville libre, vienne le moment où le droit pénal serait utilisé contre moi. »
Pécs aussi dans le collimateur
Budapest n’est pas un cas isolé. En octobre, la ville de Pécs (sud du pays) a organisé une marche similaire avec plusieurs milliers de participants. Là encore, la police a confirmé qu’elle recommandait des poursuites contre les organisateurs.
Le signal est clair : aucune collectivité locale ne pourra défier impunément la ligne nationale sur ce sujet.
L’Union européenne monte au créneau
La Commission européenne a rapidement réagi. Pour Bruxelles, ces interdictions violent clairement les traités signés par la Hongrie lors de son adhésion en 2004, notamment la Charte des droits fondamentaux.
Conséquence concrète : 18 milliards d’euros de fonds européens restent gelés. Parmi les motifs : les atteintes répétées aux droits des personnes LGBT+, mais aussi aux demandeurs d’asile, à l’indépendance judiciaire, à la liberté de la presse et la corruption endémique.
Budapest se retrouve donc prise en étau entre sa volonté de respecter les valeurs européennes et les pressions d’un pouvoir national de plus en plus autoritaire.
Vers un procès politique ?
Pour l’instant, la justice n’a pas encore décidé si elle allait suivre la recommandation policière. Mais dans un pays où l’appareil judiciaire est largement sous influence du pouvoir exécutif, l’issue paraît incertaine.
Si Gergely Karácsony était condamné, ce serait le premier maire en exercice à aller en prison pour avoir défendu les droits fondamentaux. Un symbole fort, et inquiétant, de la dérive autoritaire.
En attendant, la société civile hongroise reste mobilisée. Les organisateurs de la Pride 2026 préparent déjà la prochaine édition… et cherchent de nouvelles parades juridiques.
Car tant que des centaines de milliers de personnes sont prêtes à descendre dans la rue, le combat est loin d’être terminé.
En résumé : Un maire risque la prison pour avoir laissé 200 000 personnes célébrer l’amour et la diversité. Derrière ce fait divers judiciaire se cache une bataille beaucoup plus large : celle de la liberté face à l’autoritarisme. Et pour l’instant, Budapest refuse de baisser les bras.









