Le bras de fer entre le Brésil et les géants du numérique se durcit. L’annonce par Meta de l’arrêt de son programme de fact-checking aux États-Unis a suscité l’ire des autorités brésiliennes. Le ton est monté d’un cran mercredi, avec des déclarations fracassantes fustigeant « les bravades de dirigeants irresponsables » des grandes plateformes technologiques.
Le gouvernement brésilien monte au créneau
La réaction du gouvernement ne s’est pas fait attendre. Sidonio Palmeira, tout juste nommé ministre de la Communication par le président de gauche Lula, a qualifié de « mauvaise pour la démocratie » la décision du groupe de Mark Zuckerberg. Une position ferme, qui augure de possibles frictions à venir entre l’exécutif brésilien et les mastodontes de la Silicon Valley.
La justice brésilienne hausse le ton
Dans le même temps, la justice est montée au créneau. Le parquet fédéral de Sao Paulo a donné 30 jours à Meta pour clarifier si sa décision de mettre fin au fact-checking s’appliquera aussi au Brésil. L’objectif : évaluer son impact potentiel sur les droits des utilisateurs brésiliens. Un avertissement sans équivoque adressé au géant californien.
Les réseaux sociaux ne sont pas des terres sans loi. Au Brésil, elles ne continueront à opérer que si elles respectent la législation, peu importent les bravades de dirigeants irresponsables des big techs.
Alexandre de Moraes, juge à la Cour suprême brésilienne
Des propos cinglants, qui font écho aux tensions récurrentes entre la justice brésilienne et les réseaux sociaux. L’an dernier, la Cour suprême avait ordonné le blocage temporaire de Twitter dans le pays, pour non-respect de décisions judiciaires exigeant la suppression de comptes accusés de propager des infox.
Vers une régulation plus stricte des plateformes ?
Au-delà des passes d’armes, cette polémique met en lumière les défis de la régulation des géants du numérique. Pour le ministre Palmeira, leur contrôle est indispensable pour endiguer la prolifération des discours haineux et de la désinformation. Un enjeu crucial pour la démocratie brésilienne, encore marquée par les émeutes du 8 janvier 2023 à Brasilia, fomentées par des partisans de l’ex-président Bolsonaro.
Nous défendons et nous défendrons toujours la liberté d’expression. Mais nous ne tolérerons pas le discours de haine et la désinformation, qui mettent en péril la vie des gens et incitent à la violence contre l’État de droit.
Luiz Inácio Lula da Silva, président brésilien
Face à ces défis, le Brésil semble déterminé à muscler sa législation. La Cour suprême a entamé des débats sur la régulation des réseaux sociaux et leur responsabilité face aux infox. Un chantier de longue haleine, qui pourrait déboucher sur un cadre juridique plus contraignant pour les plateformes, à l’image de ce qui se fait en Europe.
L’avenir incertain du fact-checking
La décision de Meta fait craindre un recul de la lutte contre la désinformation au Brésil, où les réseaux sociaux sont très utilisés. Plusieurs médias du pays, dont l’AFP, participent au programme de fact-checking initié par Facebook. Un dispositif désormais remis en cause, alors même que les fake news ont joué un rôle délétère lors des récentes élections.
À l’heure où les tensions s’exacerbent entre le Brésil et les géants de la tech, l’avenir de la modération des contenus semble plus que jamais en suspens. Une chose est sûre : dans ce bras de fer, les autorités brésiliennes semblent déterminées à ne pas céder un pouce de terrain. Affaire à suivre.