Dans les rues animées de São Paulo, Rio de Janeiro et Brasilia, une marée humaine vêtue de vert et de jaune a déferlé ce dimanche, brandissant des pancartes et des drapeaux, certains ornés d’un « Merci Trump ». Ces manifestations, rassemblant des dizaines de milliers de personnes, traduisent un soutien fervent à Jair Bolsonaro, l’ancien président brésilien, en pleine tourmente judiciaire et politique. Mais que signifie cette mobilisation massive dans un contexte de tensions internationales et de sanctions américaines ? Plongeons dans les dessous de cette crise qui secoue la première économie d’Amérique latine.
Une Mobilisation d’Envergure au Cœur du Brésil
Ce dimanche, les grandes villes brésiliennes ont vibré au rythme des slogans pro-Bolsonaro. À São Paulo, sur l’emblématique Avenue Paulista, plus de 37 000 personnes, selon les estimations d’un groupe de recherche universitaire, se sont réunies pour exprimer leur soutien à l’ex-président. Un chiffre impressionnant, trois fois supérieur à celui de la dernière manifestation en sa présence, fin juin. À Rio, sur la plage de Copacabana, et à Brasilia, les scènes étaient similaires : des drapeaux brésiliens, quelques drapeaux américains, et une ferveur palpable.
Les manifestants, souvent vêtus des couleurs nationales, ont scandé leur opposition aux récentes décisions judiciaires et aux sanctions internationales visant leur leader. Mais l’absence de Bolsonaro lui-même, contraint à un silence médiatique, a marqué les esprits. Pourquoi cette mobilisation ? Et quelles sont les racines de ce mouvement qui semble défier à la fois le pouvoir en place et les pressions venues de l’étranger ?
Bolsonaro, un Leader Silencé mais Toujours Influant
Jair Bolsonaro, âgé de 70 ans, traverse une période trouble. Accusé d’avoir tenté de se maintenir au pouvoir après sa défaite électorale face à Luiz Inacio Lula da Silva en 2022, il fait l’objet d’une enquête pour tentative de coup d’État. Depuis juillet, il est soumis à des restrictions strictes : port d’un bracelet électronique, interdiction de quitter son domicile le soir et le week-end, et impossibilité d’utiliser les réseaux sociaux, outil clé de sa communication passée.
« Il ne peut pas parler, mais nous pouvons parler à sa place », a déclaré le député Marco Feliciano, galvanisant la foule sur l’Avenue Paulista.
Cette situation n’a pas empêché ses partisans de se mobiliser. Une vidéo, partagée par un proche, montrait l’ex-président, décontracté en maillot de football brésilien, suivant les manifestations sur son téléphone. Ce silence imposé semble paradoxalement amplifier la voix de ses soutiens, qui dénoncent ce qu’ils perçoivent comme une persécution politique.
Sanctions Américaines : Une Escalade Inattendue
Le catalyseur de ces manifestations ? Les récentes mesures prises par les États-Unis. Mercredi, le département du Trésor américain a imposé des sanctions financières au juge de la Cour suprême Alexandre de Moraes, en charge du procès de Bolsonaro. En parallèle, une surtaxe douanière de 50 % sur certains produits brésiliens exportés vers les États-Unis a été annoncée, effective dès le 6 août. Cette décision, justifiée par Donald Trump comme une réponse à une « chasse aux sorcières » contre son allié, a jeté de l’huile sur le feu.
À Rio, le sénateur Flavio Bolsonaro, fils aîné de l’ex-président, a salué ces sanctions, qualifiant le juge Moraes de « violateur des droits humains ». Cette rhétorique, relayée par les manifestants, traduit une polarisation croissante au sein de la société brésilienne, où les divisions politiques se mêlent désormais aux tensions internationales.
Chiffres clés des manifestations :
- 37 000 participants à São Paulo (selon estimations universitaires).
- Trois fois plus de monde qu’à la dernière manifestation de juin.
- Présence dans trois grandes villes : São Paulo, Rio, Brasilia.
Lula Face à la Tempête : Une Réponse Mesurée
De son côté, le président Lula, leader du Parti des Travailleurs, a réagi avec prudence mais fermeté. Lors d’un événement à Brasilia, il a évoqué la surtaxe douanière, soulignant la volonté du Brésil de négocier sans céder à la peur.
« Nous voulons négocier à conditions égales, nous voulons être respectés à notre juste valeur », a insisté Lula.
Cette déclaration reflète la position délicate du président, confronté à une crise interne et à des pressions externes. Le Brésil, première économie d’Amérique latine, dépend fortement de ses exportations, notamment vers les États-Unis. Une surtaxe de cette ampleur pourrait avoir des répercussions économiques significatives, alimentant le mécontentement de certains secteurs.
Une Société Divisée : Les Voix des Manifestants
Dans les rangs des manifestants, les opinions varient mais convergent vers un rejet du gouvernement actuel et un soutien indéfectible à Bolsonaro. À Brasilia, Erick Fabiano, un manifestant, rejette la faute de la surtaxe sur Lula, accusé de « provoquer » Trump. À Rio, Maristela dos Santos, enseignante de 62 ans drapée d’un drapeau américain, va plus loin : elle craint que le Brésil, sous Lula, ne sombre dans une crise comparable à celle du Venezuela.
« Ce qui m’inquiéterait, c’est qu’on ne trouve plus de quoi manger au supermarché », explique-t-elle, évoquant les pénuries qui touchent le Venezuela sous le régime de Nicolas Maduro. Cette peur, bien que controversée, illustre les tensions sociales et économiques qui traversent le pays.
Paulo Roberto, un entrepreneur de 46 ans, voit dans les sanctions un « mal nécessaire » pour pousser le Parlement à adopter une loi d’amnistie en faveur de Bolsonaro. « Parfois, il faut reculer pour mieux avancer », affirme-t-il, convaincu que ces pressions internationales pourraient ouvrir la voie à une nouvelle dynamique politique.
Les Enjeux Économiques et Politiques
Les surtaxes douanières annoncées par Washington soulèvent des questions cruciales pour l’économie brésilienne. Les produits visés, bien que non précisés dans les déclarations officielles, pourraient inclure des biens stratégiques comme l’acier, le soja ou les produits agricoles, piliers des exportations brésiliennes. Une telle mesure risque d’aggraver les tensions commerciales entre les deux nations, tout en alimentant le débat interne sur la gestion économique de Lula.
Enjeu | Impact potentiel |
---|---|
Surtaxes douanières | Réduction des exportations brésiliennes vers les États-Unis, hausse des prix pour les consommateurs. |
Sanctions contre Moraes | Pression sur le système judiciaire brésilien, polarisation accrue. |
Procès de Bolsonaro | Risque de condamnation lourde, pouvant exacerber les tensions sociales. |
Un Contexte International Complexe
Les sanctions américaines et les surtaxes douanières s’inscrivent dans un contexte géopolitique tendu. Les relations entre les États-Unis et le Brésil, historiquement marquées par des hauts et des bas, semblent entrer dans une nouvelle phase de friction. La proximité entre Bolsonaro et Trump, deux figures de l’extrême droite, joue un rôle clé dans cette escalade. Mais au-delà des alliances personnelles, c’est la question de l’influence étrangère sur la politique brésilienne qui interroge.
Pour les partisans de Bolsonaro, les sanctions sont perçues comme un soutien extérieur à leur cause. Pour d’autres, elles représentent une ingérence inacceptable dans les affaires internes du pays. Lula, en appelant à des négociations « à conditions égales », cherche à préserver la souveraineté économique et politique du Brésil, tout en évitant une escalade diplomatique.
Vers une Crise Durable ?
Le procès de Bolsonaro, qui devrait se conclure dans les prochaines semaines, pourrait marquer un tournant. Une condamnation lourde, potentiellement assortie d’une peine de prison, risque d’enflammer davantage ses partisans. À l’inverse, une issue favorable pourrait galvaniser ses soutiens et relancer sa carrière politique, malgré les restrictions actuelles.
Les manifestations de ce dimanche montrent que, même silencieux, Bolsonaro reste une figure centrale de la vie politique brésilienne. Mais les tensions avec les États-Unis, combinées aux défis internes, placent le pays dans une position délicate. Entre pressions économiques, divisions sociales et incertitudes judiciaires, le Brésil navigue en eaux troubles.
Pourquoi cette crise compte :
- Le Brésil, première économie d’Amérique latine, est un acteur clé sur la scène mondiale.
- Les tensions avec les États-Unis pourraient redéfinir les relations commerciales régionales.
- La polarisation politique menace la stabilité sociale à l’approche des prochaines élections.
Alors que les drapeaux vert et jaune continuent de flotter dans les rues, une question demeure : le Brésil parviendra-t-il à apaiser ces tensions, ou s’achemine-t-il vers une crise plus profonde ? L’avenir de Bolsonaro, de Lula et des relations internationales du pays se joue peut-être dans les semaines à venir.