Dans un contexte international chargé, le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva reçoit ce mercredi son homologue chinois Xi Jinping pour une visite d’État visant à marquer le rapprochement entre le Brésil et la Chine. Cette rencontre, qui intervient peu après le sommet du G20 à Rio de Janeiro, s’inscrit dans une période de “turbulences” géopolitiques, avec en toile de fond le retour annoncé de Donald Trump à la Maison Blanche.
La Chine et le “Sud global” en “ascension collective”
Dans un article publié dans la presse brésilienne avant sa visite, le président Xi Jinping a affirmé que “le Sud global est en ascension collective”. Le leader chinois cherche clairement à occuper le vide qui va se créer avec l’élection de Trump, peu favorable au multilatéralisme, selon l’analyse d’Oliver Stuenkel, professeur de relations internationales.
Consolider une relation déjà robuste
L’objectif de Xi Jinping et Lula est de renforcer les liens déjà solides entre la Chine et le Brésil, respectivement deuxième et septième pays les plus peuplés au monde. Pékin souhaite notamment promouvoir une meilleure synergie des stratégies de développement des deux pays.
Côté brésilien, on cherche surtout à diversifier les exportations vers la Chine, en misant sur des produits à plus forte valeur ajoutée. Le géant asiatique est en effet le premier partenaire commercial du Brésil, qui lui fournit essentiellement des matières premières agricoles comme le soja.
Prudence face aux “Nouvelles routes de la soie”
Si plusieurs pays sud-américains ont adhéré au programme chinois des “Nouvelles routes de la soie”, axe central de la stratégie d’influence de Pékin à l’étranger, le Brésil s’est montré jusqu’ici très prudent. Le gouvernement Lula semble vouloir garder ses distances avec cette initiative lancée en 2013.
Une position d’équilibre délicate que le président brésilien tente de maintenir, comme il l’expliquait il y a quelques mois :
Ne croyez pas qu’en parlant avec la Chine je veux me brouiller avec les États-Unis. Au contraire, je veux les deux de notre côté.
Luiz Inacio Lula da Silva, président du Brésil
Washington observe de près
L’administration démocrate encore en place à Washington suit en tout cas attentivement ce rapprochement entre Brasilia et Pékin. Selon une porte-parole du Département d’État américain, les États-Unis conseillent au Brésil “d’évaluer les yeux ouverts les risques et bénéfices” d’un tel rapprochement avec la Chine.
Mais pour une source diplomatique chinoise, “la Chine et l’Amérique latine et les Caraïbes ont le dernier mot sur le développement de leur relation”. Une manière de rappeler que Pékin entend bien jouer un rôle croissant sur le continent sud-américain.
Les défis du multilatéralisme à l’heure des “turbulences”
Cette visite d’État survient à un moment charnière, alors que le système multilatéral est mis à rude épreuve. Comme l’a souligné Xi Jinping, “le monde entre actuellement dans une nouvelle période de turbulences et de changement”.
Avec le retour annoncé d’une présidence Trump, c’est un virage isolationniste et une ligne dure envers la Chine, notamment sur le plan commercial, qui se profile du côté de Washington. Face à cela, Xi Jinping multiplie les initiatives pour occuper le terrain, comme l’a encore montré le récent G20.
Dans ce contexte, le rapprochement entre le Brésil et la Chine apparaît comme une tentative de rééquilibrage géopolitique. Lula cherche à positionner son pays comme un acteur influent, capable de dialoguer aussi bien avec Washington qu’avec Pékin.
Mais cet exercice d’équilibriste s’annonce périlleux, tant les relations sino-américaines s’apparentent de plus en plus à un jeu à somme nulle. L’avenir dira si le Brésil parviendra, comme le souhaite son président, à avoir “les deux de son côté”.