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Boycott Réussi : Carrefour Quitte Plusieurs Pays Arabes

Carrefour disparaît de plusieurs pays arabes sous la pression d’un boycott. Pourquoi ce retrait ? Quel impact pour les consommateurs et la région ? Découvrez la vérité…

Dans les rues animées de Manama, à Bahreïn, une enseigne bien connue a disparu des devantures. Les supermarchés Carrefour, autrefois omniprésents, ont cédé la place à une nouvelle marque locale, Hypermax. Ce changement, loin d’être anodin, est perçu comme une victoire par des milliers de consommateurs et militants propalestiniens. Depuis le début de la guerre à Gaza, un mouvement de boycott ciblant le géant français de la grande distribution s’est intensifié, accusant l’enseigne de liens avec des entreprises israéliennes opérant dans les colonies en Cisjordanie occupée. Mais que se cache-t-il derrière ce retrait ? Est-ce vraiment une victoire du boycott ou une simple stratégie commerciale ? Plongeons dans cette actualité brûlante qui secoue le Moyen-Orient.

Un Boycott qui Redessine le Paysage Commercial

Depuis plus d’un an, Carrefour fait face à une vague de critiques dans plusieurs pays arabes. Les militants, notamment ceux du mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions), accusent l’enseigne de tirer profit des colonies israéliennes, considérées comme illégales par l’ONU. Ce mouvement, né dans les années 2000, cherche à exercer une pression économique sur les entreprises perçues comme soutenant l’occupation israélienne. Dans le cas de Carrefour, les critiques se concentrent sur son partenariat avec des entreprises israéliennes comme Electra Consumer Products et sa filiale Yenot Bitan.

Le mouvement BDS va plus loin, affirmant que Carrefour-Israël aurait directement soutenu l’armée israélienne en fournissant des colis aux soldats engagés dans l’offensive à Gaza. Ces accusations, bien que démenties par le PDG de Carrefour, Alexandre Bompard, qui insiste sur la neutralité stricte de l’entreprise, ont trouvé un écho puissant dans les pays arabes. À Bahreïn, en Jordanie, à Oman et au Koweït, les consommateurs ont massivement tourné le dos à l’enseigne, entraînant une chute spectaculaire de la fréquentation des magasins.

« Je suis heureuse que l’entreprise ait écouté ses clients et se soit désengagée de la marque. On ne peut pas continuer à faire comme si de rien n’était alors qu’un génocide se déroule à nos portes. »

Houda Ahmed, cliente à Bahreïn

Une Victoire pour le Mouvement BDS ?

À Bahreïn, le remplacement de Carrefour par Hypermax, une marque du groupe émirati Majid Al Futtaim, est célébré comme une victoire majeure par le mouvement BDS. Ghassan Nasaif, un militant local, n’hésite pas à qualifier ce changement de « grande victoire ». Selon lui, la pression exercée par les consommateurs a forcé le franchiseur à revoir sa stratégie. Mais est-ce vraiment le cas ?

Le groupe Majid Al Futtaim, qui opère Carrefour dans plusieurs pays du Moyen-Orient, n’a pas explicitement mentionné le boycott comme raison de ces fermetures. Officiellement, le passage à Hypermax répond à une « demande croissante pour des produits et services locaux ». Cependant, la coïncidence avec l’intensification du boycott soulève des questions. Pour beaucoup, comme Houda Ahmed, une mère de famille de 45 ans à Manama, ce changement reflète une prise de conscience des entreprises face à la désaffection des clients.

Dans un contexte où l’opinion publique dans les pays arabes est largement favorable à la cause palestinienne, le boycott devient un outil puissant pour exprimer un mécontentement face aux entreprises perçues comme complices.

Un Contexte Géopolitique Sensible

Le Moyen-Orient est une région où les tensions géopolitiques influencent fortement les comportements des consommateurs. La guerre à Gaza et la crise humanitaire qui en découle ont exacerbé la sensibilité des populations à l’égard des entreprises associées à Israël. Même dans des pays comme Bahreïn, qui a normalisé ses relations avec Israël en 2020 dans le cadre des accords d’Abraham, l’opinion publique reste majoritairement acquise à la cause palestinienne.

Dans ce contexte, le boycott est perçu comme une arme économique accessible pour des populations souvent limitées dans leur liberté d’expression. Musab Al-Otaibi, un militant koweïtien, explique : « Dans une région où les gens n’ont pas toujours les moyens de s’exprimer librement, le boycott devient une manière de faire entendre leur voix. » Cette stratégie semble porter ses fruits, comme en témoigne la baisse de fréquentation des magasins Carrefour dans plusieurs pays.

« Les voix de la population du Golfe comptent, et la fermeture de Carrefour le prouve. »

Bader al-Saif, analyste à l’université du Koweït

Un Repositionnement Stratégique ou une Capitulation ?

Tous les experts ne s’accordent pas sur les raisons exactes du retrait de Carrefour. Pour M. R. Raghu, analyste chez Marmore Mena Intelligence, ces fermetures s’inscrivent dans une stratégie plus large de recentrage géographique du distributeur français. En effet, Carrefour a quitté plusieurs marchés ces dernières années en raison de difficultés financières. La santé économique du groupe, marquée par une baisse de ses revenus, pourrait expliquer en partie ce retrait.

Cependant, Justin Alexandre, économiste spécialisé dans la région du Golfe, estime que le changement d’enseigne vers Hypermax « semble indiquer des préoccupations liées au boycott ». Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le groupe Majid Al Futtaim a rapporté une baisse de 10 % des revenus de son activité de distribution en 2024, citant les tensions géopolitiques comme l’un des facteurs principaux. Au premier semestre 2025, cette baisse s’est poursuivie, bien que moins marquée, à 1 %.

Pays Statut de Carrefour Nouvelle enseigne
Bahreïn Fermé Hypermax
Jordanie Fermé Hypermax
Oman Fermé Hypermax
Koweït Fermé Hypermax

L’Impact sur les Consommateurs et les Entreprises

Le passage à Hypermax semble avoir revitalisé l’intérêt des consommateurs dans certains pays. Un employé de Hypermax à Bahreïn, souhaitant rester anonyme, confie que la fréquentation des magasins a considérablement augmenté depuis le changement d’enseigne. « Presque tous nos clients avaient cessé de venir », explique-t-il à propos de l’époque Carrefour. Aujourd’hui, les rayons attirent à nouveau des clients, en particulier des Bahreïnis et des ressortissants d’autres pays arabes.

Ce regain d’intérêt pourrait refléter une préférence croissante pour les marques locales, perçues comme plus alignées avec les valeurs des consommateurs. Dans une région où la demande pour des produits locaux est en hausse, le repositionnement de Majid Al Futtaim semble répondre à une double exigence : économique et sociopolitique.

Un Mouvement Plus Large

Le boycott de Carrefour n’est pas un cas isolé. Il s’inscrit dans une vague plus large de boycotts visant des entreprises internationales perçues comme soutenant des politiques controversées. Dans le Golfe, où les populations sont particulièrement sensibles aux questions liées à la Palestine, ce type d’action collective gagne en popularité. Les réseaux sociaux jouent un rôle clé dans la diffusion de ces campagnes, permettant aux consommateurs de s’organiser rapidement et efficacement.

Pour les entreprises comme Carrefour, ces mouvements représentent un défi majeur. Comment concilier une présence internationale avec des sensibilités locales ? Le cas de Carrefour montre que les décisions commerciales ne peuvent plus ignorer les dynamiques sociales et politiques des marchés dans lesquels elles opèrent.

Quel Avenir pour Carrefour dans la Région ?

Si Carrefour a disparu de certains pays, l’enseigne reste présente dans d’autres, comme l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Cependant, la pression du boycott pourrait continuer à peser sur ces marchés. Les entreprises internationales devront peut-être repenser leur stratégie pour s’adapter à un environnement où les consommateurs sont de plus en plus conscients de l’impact de leurs choix.

En attendant, le succès du boycott dans des pays comme Bahreïn renforce la détermination des militants. Pour eux, chaque fermeture est une étape vers une prise de conscience globale des enjeux liés à la cause palestinienne. Reste à savoir si d’autres entreprises suivront le même chemin que Carrefour ou si elles trouveront des moyens de naviguer dans ce paysage complexe.

Le boycott, bien plus qu’un simple geste, devient un levier pour influencer les décisions des grandes entreprises dans un monde de plus en plus connecté.

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