Boualem Sansal, éminent écrivain franco-algérien de 75 ans, a été interpellé samedi dernier à l’aéroport d’Alger dans des conditions encore floues selon plusieurs médias français. Cette arrestation soulève de nombreuses questions, tant elle semble liée aux prises de position courageuses de l’auteur, qui n’a eu de cesse de critiquer le pouvoir algérien et la montée de l’islamisme dans son pays natal.
Un parcours littéraire engagé
Boualem Sansal s’est fait connaître dès son premier roman en 1999, Le Serment des barbares, qui relate la montée des intégristes en Algérie ayant plongé le pays dans une sanglante guerre civile. Publié en pleine “décennie noire”, le livre lui a valu plusieurs prix littéraires.
Par la suite, ses romans n’ont cessé de pointer du doigt les dérives du régime et de la société algérienne :
- Le Village de l’Allemand, censuré en Algérie pour son parallèle entre islamisme et nazisme
- Rue Darwin, récompensé par le Prix du roman arabe malgré l’opposition d’ambassadeurs arabes
- 2084, où il prédit l’arrivée des islamistes au pouvoir dans un pays imaginaire, l’Abistan
Son affranchissement et sa liberté de ton lui ont valu de nombreuses distinctions, dont le Grand Prix de la francophonie de l’Académie française en 2013. Mais aussi l’hostilité du pouvoir algérien, qui l’a limogé en 2003 de son poste au ministère de l’Industrie pour ses positions critiques.
Une arrestation aux motifs troubles
Bien que détesté par le régime et les islamistes, Boualem Sansal avait choisi de rester vivre en Algérie. Il participait régulièrement aux manifestations prodémocratiques du Hirak en 2019.
D’après une source proche du dossier, ses récentes déclarations dans un média qualifié d’extrême-droite, reprenant la position marocaine sur le tracé des frontières, pourraient lui être reprochées comme “atteinte à l’intégrité nationale”. Une ligne rouge pour Alger.
L’interpellation de Boualem Sansal samedi à l’aéroport d’Alger, où il arrivait de France après avoir obtenu la nationalité française en 2024, soulève donc de nombreuses questions. D’autant qu’aucune communication officielle n’a eu lieu des deux côtés de la Méditerranée, dans un contexte de relations tendues entre Paris et Alger.
La France “très préoccupée”
Jeudi, le président Emmanuel Macron s’est dit “très préoccupé” par la disparition de l’écrivain selon son entourage. Il a exprimé “son attachement indéfectible à la liberté d’un grand écrivain et intellectuel”.
Mais pour l’heure, le sort de Boualem Sansal reste un mystère. Lui qui n’a eu de cesse de prôner le dialogue et la liberté risque-t-il de payer au prix fort son franc-parler ? Beaucoup s’inquiètent pour ce libre penseur qui fait la fierté des lettres francophones et qui n’a jamais cédé aux pressions.
Son interpellation en dit long sur l’état des libertés en Algérie et la volonté de faire taire toute voix discordante. Une situation préoccupante qui appelle à la vigilance de la communauté internationale. Car comme le disait Albert Camus, autre illustre écrivain pied-noir : “La liberté, c’est le droit de ne pas mentir”. Un droit pour lequel Boualem Sansal s’est toujours battu.
