Imaginez un homme qui gravit les échelons du pouvoir dans un pays naissant, avant de tout abandonner pour une plume et des idées jugées trop dangereuses. Cet homme, un écrivain franco-algérien, s’est retrouvé derrière les barreaux en novembre 2024, condamné à cinq ans de prison par son pays natal pour des mots qui dérangent. Son histoire, entre courage et controverse, résonne comme un cri dans une société où la liberté d’expression reste un luxe fragile.
Un Parcours Hors du Commun
Né en 1949 dans un quartier populaire d’Alger, cet auteur a grandi dans l’ombre d’un géant de la littérature : Albert Camus. Fasciné par l’écrivain existentialiste dès son plus jeune âge, il a puisé dans ses racines une inspiration qui allait façonner son destin. Mais avant de devenir un romancier reconnu, il a d’abord été un acteur clé de l’Algérie post-indépendance.
Des Bancs de Polytechnique aux Couloirs du Pouvoir
À 18 ans, en 1962, il assiste à la naissance d’une Algérie libre. Diplômé de Polytechnique à Alger, puis docteur en économie, il s’engage dans la construction de cet État naissant. Universitaire, employé du privé, puis haut fonctionnaire au ministère de l’Industrie : son ascension est fulgurante. « Il a côtoyé les hautes sphères du pouvoir », confie un proche, soulignant son rôle dans un pays en pleine transformation.
Mais ce parcours brillant prend un tournant en 2003. Critiquant ouvertement le régime et l’arabo-islamisation de l’enseignement, il tombe en disgrâce. Exit les bureaux feutrés : il choisit alors l’écriture comme arme, plongeant dans une carrière littéraire aussi audacieuse que risquée.
La Plume Contre le Chaos : Une Entrée Fracassante
Sa première œuvre voit le jour en 1999, en pleine « décennie noire », cette période sanglante où l’Algérie lutte contre le terrorisme islamiste. Ce roman, publié à Paris, explore l’ascension des intégristes dans une société rongée par la **violence**, la **peur** et la **corruption**. Salué en France, il passe presque inaperçu en Algérie, où la littérature francophone s’efface peu à peu.
« J’ai voulu raconter une société qui bascule, où les barbares ne sont jamais loin. »
– L’auteur, dans une interview d’époque
Ce premier succès ouvre la voie à une carrière prolifique. Pourtant, chaque mot qu’il pose sur le papier semble défier un peu plus les autorités de son pays natal.
Œuvres Censurées et Récompenses Prestigieuses
Son roman suivant, qui ose comparer islamisme et nazisme, est interdit en Algérie. Cette censure ne l’arrête pas : en 2008, il décroche un grand prix littéraire en France, suivi en 2012 d’une distinction pour une œuvre autobiographique. En 2015, son roman *2084*, inspiré de *1984* de George Orwell, imagine un monde dystopique sous la coupe d’un régime islamiste implacable. Prières obligatoires neuf fois par jour, surveillance totale : une vision qui lui vaut le Grand Prix du roman de l’Académie française.
- 1999 : Premier roman sur la montée de l’intégrisme.
- 2008 : Prix RTL pour une œuvre audacieuse.
- 2015 : *2084* consacre son talent visionnaire.
En 2017, son nom entre dans un dictionnaire renommé, signe d’une reconnaissance internationale. Mais cette gloire a un prix : en Algérie, il reste un paria.
Un Athée Face au Pouvoir
Se revendiquant athée, il ne mâche pas ses mots contre les jihadistes. Mais son combat ne s’arrête pas là. Il fustige aussi un régime qu’il juge oppressif, accusant les dirigeants de s’accrocher au pouvoir contre la volonté populaire. En 2019, alors que des manifestations éclatent contre un président vieillissant, il déclare dans une interview : « Ce système écrase quiconque ose franchir la ligne rouge. »
Ses prises de position, souvent radicales, le placent dans le viseur. En octobre 2024, il va trop loin en s’attaquant à l’histoire officielle de l’Algérie dans un média français controversé. Ses propos sur le Maroc, qu’il présente comme un « grand État » face à une Algérie fragmentée, mettent le feu aux poudres.
L’Arrestation qui Secoue : Novembre 2024
Le 16 novembre 2024, il atterrit à Alger, habitué des allers-retours entre la France et l’Algérie. Mais cette fois, pas de retour. Arrêté dès son arrivée, il est jugé et condamné à cinq ans de prison pour « atteinte à l’intégrité territoriale ». Ses déclarations sur la frontière maroco-algérienne sont pointées du doigt, ravivant des tensions historiques entre les deux nations.
| Événement | Date | Conséquence |
| Interview controversée | Octobre 2024 | Polemique en Algérie |
| Arrestation | 16 novembre 2024 | Emprisonnement |
| Condamnation | Mars 2025 | 5 ans de prison |
Pour beaucoup, cette sentence est une tentative de museler une voix dissidente. Mais elle soulève aussi une question : jusqu’où peut aller la liberté d’un écrivain dans un pays où l’histoire est un champ de bataille ?
Entre Héros et Traître : Une Figure Clivante
En Algérie, il divise. Certains intellectuels lui reprochent des positions alignées sur des idées d’extrême droite française, notamment sur l’immigration et l’islam. Ses commentaires sur le Maroc, pays d’origine de son père, sont perçus comme une trahison par les nationalistes. « Il va trop loin », déplore une source locale. En France, pourtant, il est célébré comme un défenseur de la liberté.
Deux visions opposées :
– En France : un écrivain courageux face à la censure.
– En Algérie : un provocateur qui joue avec le feu.
Cette dualité fait de lui une figure complexe. Héros pour les uns, traître pour les autres, il incarne les tensions d’un monde postcolonial où les mots peuvent coûter cher.
Et Maintenant ? L’Avenir Incertain d’un Rebelle
Aujourd’hui, derrière les barreaux, il reste un symbole. Sa condamnation, prononcée en mars 2025, a relancé le débat sur la liberté d’expression en Algérie. Ses œuvres, elles, continuent de circuler en France, où elles trouvent un écho auprès d’un public avide de récits audacieux. Mais que deviendra cet homme qui a tout risqué pour ses convictions ?
Son histoire rappelle une vérité brutale : dans certains coins du monde, écrire peut être un acte de guerre. Et pour cet écrivain, la bataille est loin d’être terminée.
