L’arrestation ce samedi à Alger de l’écrivain et intellectuel franco-algérien Boualem Sansal, connu pour ses prises de position très critiques envers le régime algérien et l’islamisme, suscite l’indignation en France et ravive les tensions diplomatiques entre Paris et Alger. Une affaire qui illustre une nouvelle fois les divergences profondes entre les deux pays sur les questions de liberté d’expression et d’ingérence.
Une arrestation qui passe mal à Paris
Selon son entourage, le président Emmanuel Macron se dit « très préoccupé » par le sort de Boualem Sansal, naturalisé français en 2024. L’Elysée dénonce « une grave atteinte à la liberté d’expression » et demande sa libération immédiate. Une position jugée « comique » par l’agence de presse algérienne, pour qui « la France Macronito-sioniste s’offusque de l’arrestation de Sansal ».
L’Algérie dénonce l’ingérence française
Dans un article au vitriol, l’agence officielle accuse Paris d’abriter « un courant haineux contre l’Algérie », citant pêle-mêle Eric Zemmour, Marine Le Pen ou encore l’ancien ambassadeur Xavier Driencourt, « un bottin anti-algérien et accessoirement pro-sioniste ». Elle appelle la France à « se conformer au droit international » en arrêtant le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, sous le coup d’un mandat d’arrêt de la CPI, s’il venait à se rendre à Paris.
Boualem Sansal, habitué des prises de position iconoclastes
À 75 ans, l’auteur de « 2084 » et du « Village de l’Allemand » est un habitué des déclarations critiques envers le pouvoir algérien, qu’il accuse de dérive totalitaire, et l’islamisme, dont il prédit l’arrivée au pouvoir. Une liberté de ton qui lui vaut d’être persona non grata dans son pays natal, bien que ses livres y soient en vente libre. Il avait notamment suscité la polémique en se rendant en Israël en 2014.
La tentative de nier l’existence même de la Nation algérienne est un crime contre l’humanité
L’agence de presse algérienne à propos de Boualem Sansal
Que risque Boualem Sansal ?
L’écrivain pourrait être poursuivi sur la base de l’article 87 bis du code pénal algérien qui réprime les actes portant atteinte « à la sûreté de l’État, à l’intégrité du territoire, à la stabilité ou au fonctionnement normal des institutions », un chef d’accusation passible de la réclusion criminelle à perpétuité. Ses récentes déclarations sur les relations algéro-marocaines pourraient être retenues contre lui.
Un nouvel épisode dans la crise franco-algérienne
L’affaire Sansal s’ajoute à une longue liste de différends et de passes d’armes entre la France et son ancienne colonie. Des questions mémorielles liées à la guerre d’indépendance aux alertes sur la menace islamiste en passant par le traitement des binationaux, les sujets de frictions ne manquent pas entre les deux rives de la Méditerranée.
- En 2023, Alger avait rappelé son ambassadeur après des propos d’Emmanuel Macron critiquant le « système politico-militaire » algérien
- Les autorités algériennes reprochent régulièrement à la France d’accueillir et de protéger des opposants et des militants des droits de l’homme
- Les tensions autour de l’octroi des visas empoisonnent aussi régulièrement les relations bilatérales
La pression va-t-elle monter dans les prochains jours pour obtenir la libération de Boualem Sansal ? Va-t-on assister à une nouvelle crise diplomatique entre Paris et Alger, 60 ans après les Accords d’Évian qui ont mis fin à la guerre d’Algérie ? L’avenir de l’écrivain franco-algérien, désormais entre les mains de la justice de son pays natal, constituera un test pour des relations bilatérales toujours complexes et passionnelles.