Il y a des histoires qui font sourire, et puis il y en a qui serrent le cœur avant de le réchauffer. Celle de Booder appartient à la seconde catégorie. Derrière le rire tonitruant et la silhouette devenue culte se cache un homme qui a connu l’euphorie des projecteurs… et le vide glacial qui suit parfois la chute.
Le tremplin inattendu d’un géant bienveillant
Tout commence au début des années 2000. Booder, alors jeune humoriste encore peu connu, tape dans l’œil du producteur Rachid Ould-Ali. Ce dernier lui propose la première partie d’un monument : Mouss Diouf, au mythique Théâtre du Gymnase à Paris.
Pour Booder, c’est l’équivalent d’un ticket gagnant. En quelques semaines, son nom commence à circuler. Les salles se remplissent. En 2004, il joue déjà à guichets fermés. Les médias parlent de lui comme de la nouvelle pépite de l’humour français. Il suffit de prononcer « Booder » pour voir les gens sourire.
« Grâce à Mouss, j’ai rempli des salles dès 2004. J’étais au sommet d’un coup. »
Quand la roue tourne brutalement
Mais le monde du spectacle est impitoyable. Après l’explosion vient souvent le silence. Les propositions se raréfient. Les salles se vident. Booder traverse alors ce qu’il appelle sobrement une « descente ». Plus de dates, plus de visibilité, plus cette adrénaline qui faisait vibrer chaque soir.
Il aurait pu abandonner. Beaucoup l’auraient fait. Pourtant, quelque chose en lui refuse de baisser les bras. Il reprend la route, les petites salles, les cafés-théâtres, parfois devant trente personnes. Il réapprend son métier depuis la base.
Cette période, il la décrit aujourd’hui sans filtre :
« J’ai connu des hauts et des bas. J’ai rempli des salles, puis je suis redescendu. Là, c’est reparti. En fait, j’ai juste appris à faire ce métier. »
La résilience forgée dans l’ombre
Ce qui frappe dans le récit de Booder, c’est l’absence totale d’amertume. Il ne pointe personne du doigt. Ni les producteurs, ni les chaînes, ni le public. Il parle plutôt d’une leçon de vie.
Ces années difficiles lui ont appris l’essentiel : le lien avec les spectateurs. Pas les chiffres, pas les passages télé, mais le rire partagé dans une salle, même petite. Il découvre que le public ne l’a jamais vraiment lâché. Il était juste… ailleurs. Attendant qu’il revienne, tout simplement.
Au lieu de courir après la gloire passée, il choisit la sincérité. Il remplit à nouveau les Zénith, mais il continue aussi de jouer dans des villages de 200 habitants. Parce que, dit-il, « chaque rire compte ».
L’héritage discret de Mouss Diouf
Mouss Diouf nous a quittés en 2012, mais son ombre bienveillante plane toujours sur la carrière de Booder. L’humoriste ne manque jamais une occasion de rendre hommage à celui qui lui a tendu la main au bon moment.
Plus qu’un tremplin professionnel, c’était une transmission. Mouss lui a montré qu’on pouvait être à la fois immense sur scène et profondément humain en coulisses. Que le public sent la sincérité à des kilomètres. Que l’humour, quand il est vrai, traverse les époques.
Aujourd’hui, quand Booder monte sur scène, il porte un peu de cette lumière-là. Celle d’un grand frère disparu qui croyait en lui avant tout le monde.
Une gratitude qui ne s’éteint jamais
Ce qui ressort le plus de ses confidences récentes, c’est une immense reconnaissance. Envers le public d’abord, qui n’a jamais cessé de croire en lui, même dans les périodes creuses.
Il répète souvent qu’il ne choisit plus ses salles en fonction de leur prestige, mais de l’envie de rencontrer ces gens qui paient leur place pour venir rire avec lui. C’est sa façon à lui de dire merci.
« Je joue partout maintenant. Que la salle fasse 50 ou 5000 places, peu importe. Tant qu’il y a des gens qui rient, je suis à ma place. »
Ce que cette histoire nous dit de l’humour français
Le parcours de Booder est aussi celui d’une génération d’humoristes issus de la diversité qui ont dû se battre deux fois plus pour exister. Jamel, Gad, Omar, Sophia… et Booder. Chacun avec son style, mais tous avec cette même rage de prouver qu’on peut faire rire sans renier d’où on vient.
Son humour, souvent qualifié de « bienveillant », n’est pas naïf. Il est le fruit d’une vie où l’on a appris à désamorcer les préjugés par le rire plutôt que par la colère. À transformer les moqueries subies enfant en force comique.
Et ça marche. Parce que quand Booder parle de sa taille, de sa différence, il ne se moque jamais de personne d’autre que lui-même. Et le public le lui rend au centuple.
Un retour plus fort que jamais
Aujourd’hui, Booder est de nouveau partout. Télé, cinéma, one-man-shows à succès. Il vient de terminer une tournée triomphale et prépare déjà la suivante. Mais il n’a rien oublié de la route parcourue.
Cette période sombre, loin d’être un poids, est devenue son moteur. Elle lui rappelle chaque soir, quand les lumières s’allument et que la salle éclate de rire, que rien n’est jamais acquis… et que tout peut toujours revenir.
Comme un phénix version stand-up.
Alors la prochaine fois que vous croiserez Booder sur scène ou à la télévision, souvenez-vous : derrière le rire facile et la bonhomie légendaire, il y a un homme qui a su transformer la chute en plus belle des rédemption. Et qui, quelque part dans le ciel des humoristes, fait sûrement sourire Mouss Diouf.
Parce que oui, parfois, un simple coup de projecteur au bon moment peut changer une vie. Et parfois, c’est la vie qui nous apprend à allumer nous-mêmes la lumière, même quand tout semble éteint.









