Le 6 novembre 2004, un drame stupéfiant frappe les forces françaises en Côte d’Ivoire. À 13h20, un chasseur ivoirien bombarde la base militaire française Descartes de Bouaké, faisant 10 morts dont 9 soldats français, et 38 blessés. Vingt ans après, cet événement tragique reste enveloppé de mystère, nourrissant l’amertume des familles de victimes face au manque de réponses.
Un procès sans accusés ni commanditaires identifiés
Malgré une laborieuse instruction de 17 ans, le procès tenu à Paris en 2021 n’a pas permis de faire toute la lumière. Si un pilote mercenaire biélorusse et deux copilotes ivoiriens ont été condamnés à perpétuité pour ce raid meurtrier, ils demeurent introuvables. Et surtout, l’énigme des commanditaires de l’attaque n’a pas été élucidée, laissant les victimes et leurs proches dans l’incompréhension.
L’étrange épisode des mercenaires biélorusses
Parmi les zones d’ombre persistantes, l’attitude des autorités françaises suscite des interrogations. Ainsi, dix jours après le bombardement, huit mercenaires biélorusses, dont le pilote Yury Sushkin, sont arrêtés au Togo. Bien que le Togo les mette à disposition de la France en suggérant un lien avec l’attaque, Paris donne l’instruction de ne rien faire, laissant filer ces suspects clés.
Le Togo, on n’a jamais compris, car Sushkin aurait pu dire qui lui avait donné l’ordre de tirer et pourquoi.
Djamel Smaidi, ancien soldat blessé à Bouaké
La “Françafrique” et ses intérêts troubles
Le procès aura également mis en lumière le rôle trouble joué par le système opaque de la “Françafrique”, mêlant liens personnels et désaccords sur la conduite à tenir face au président ivoirien Laurent Gbagbo. Entre laisser-faire et volonté de le faire tomber, différentes thèses s’affrontent, sans qu’aucune preuve décisive ne permette de trancher. Un flou qui laisse libre cours à toutes les spéculations.
Un drame qui marque un tournant
Au-delà du deuil et des blessures, le bombardement de Bouaké a déclenché une réaction en chaîne lourde de conséquences. Destruction de l’aviation ivoirienne par la France, manifestations anti-françaises meurtrières, fuite de milliers de ressortissants… Cet enchaînement dramatique a définitivement changé la donne, sans pour autant permettre de faire toute la lumière sur les responsabilités.
Le combat des victimes pour la vérité
Face à cette chape de silence, les victimes et familles de soldats tués n’ont eu de cesse de se battre pour obtenir la vérité. Réunies en association, elles multiplient les initiatives pour honorer la mémoire de leurs proches et maintenir la pression sur les autorités. Un combat de longue haleine pour tenter de comprendre ce qui s’est réellement passé en ce funeste 6 novembre 2004.
Tant qu’on n’a pas la vérité, on a toujours un petit doute.
Jérôme Bouchet, ancien soldat blessé à Bouaké
Vingt ans après, le bombardement de Bouaké reste donc une page sombre et trouble de l’histoire récente des relations franco-africaines. Un drame qui a durablement marqué les esprits et les corps, sans que la vérité n’ait pu éclater au grand jour. Une blessure encore à vif pour tous ceux qui continuent de se battre inlassablement pour faire la lumière sur cette tragédie, au crépuscule de la “Françafrique”.