En Bolivie, un vent de révolte a soufflé sur l’élection présidentielle de 2025. Avec un score historique de 19,2 % de votes nuls, les urnes ont parlé, mais pas comme on pouvait l’attendre. Ce scrutin, marqué par l’exclusion de l’ancien président Evo Morales, a révélé une fracture profonde dans le pays, où la crise économique et les tensions politiques se mêlent pour redessiner le paysage démocratique. Comment ce mouvement de protestation, orchestré par une figure emblématique, pourrait-il transformer l’avenir politique de la Bolivie ?
Un Vote Nul qui Fait Trembler la Démocratie
Le premier tour de l’élection présidentielle bolivienne, qui s’est tenu ce dimanche, a vu deux candidats de droite, Rodrigo Paz (32,1 %) et Jorge Quiroga (26,8 %), s’imposer pour un second tour prévu le 19 octobre. Mais au-delà de ces résultats, c’est le pourcentage record de votes nuls qui attire l’attention. Avec 19,2 %, ce chiffre dépasse largement les 2,4 % à 3,7 % enregistrés lors des six élections présidentielles depuis 2002. Ce phénomène n’est pas anodin : il traduit un mécontentement populaire, amplifié par un ancien président charismatique.
Evo Morales, leader historique de la Bolivie, a appelé à ce geste de protestation pour dénoncer son exclusion du scrutin. Cette décision, motivée par une règle limitant à deux mandats présidentiels, a été perçue par Morales comme une manœuvre politique orchestrée par le président sortant, Luis Arce. Retranché dans son bastion du Chapare, où le vote nul a atteint un impressionnant 32,8 %, Morales a su mobiliser ses partisans pour faire entendre leur voix, non pas en choisissant un candidat, mais en rejetant le système.
Evo Morales : Une Exclusion Controversée
Evo Morales, qui a dirigé la Bolivie de 2006 à 2019, espérait briguer un quatrième mandat. Premier président indigène du pays, il reste une figure incontournable, incarnation d’un socialisme andin qui a marqué l’histoire bolivienne. Cependant, une décision judiciaire, en limitant les mandats présidentiels, l’a écarté de la course. Morales dénonce une manipulation des institutions, pointant du doigt Luis Arce, son ancien allié devenu rival.
Notre protestation a été entendue : nous avons voté, mais nous n’avons pas élu, et le peuple a clairement fait savoir que la démocratie ne peut se réduire à une simple transition administrative.
Evo Morales, sur X
Cette exclusion s’accompagne d’une autre controverse : Morales fait l’objet d’un mandat d’arrêt dans une affaire de traite de mineure, qu’il rejette catégoriquement, dénonçant une persécution politique. Depuis son fief du Chapare, il continue de fédérer ses soutiens, transformant le vote nul en un outil de résistance.
Le Vote Nul : Un Message Politique Puissant
Le vote nul, souvent perçu comme un acte marginal, a pris une ampleur inédite en Bolivie. Dans un pays où la crise économique pèse lourdement – avec une inflation galopante et des ressources en déclin – ce geste traduit un ras-le-bol généralisé. Les électeurs, en particulier dans les régions fidèles à Morales comme le Chapare, ont utilisé ce moyen pour exprimer leur défiance envers un système qu’ils jugent biaisé.
Chiffres clés du scrutin :
- 19,2 % de votes nuls à l’échelle nationale.
- 32,8 % de votes nuls dans le Chapare, fief de Morales.
- 32,1 % pour Rodrigo Paz, leader du premier tour.
- 26,8 % pour Jorge Quiroga, second qualifié.
Ce score exceptionnel du vote nul n’est pas seulement un refus de choisir entre les candidats proposés. Il reflète une volonté de remettre en question la légitimité du processus électoral. Pour beaucoup, voter nul équivaut à voter Morales, une manière de soutenir son combat sans passer par les urnes traditionnelles.
Une Crise Économique qui Exacerbe les Tensions
La Bolivie traverse une crise économique sans précédent. La chute des exportations de gaz, l’épuisement des réserves de change et une inflation galopante ont fragilisé le pays. Dans ce contexte, le mécontentement populaire s’est cristallisé autour de figures comme Morales, qui incarne pour beaucoup une période de stabilité économique passée.
Les électeurs, désabusés par les promesses non tenues et les luttes de pouvoir, ont trouvé dans le vote nul une manière d’exprimer leur frustration. Ce mouvement pourrait-il redonner à Morales une influence politique, même en dehors des institutions ?
Quel Avenir pour Evo Morales et la Bolivie ?
Pour le politologue Daniel Valverde, de l’Université bolivienne Gabriel René Moreno, l’ampleur du vote nul pourrait permettre à Morales de reconstruire un bloc populaire. Cependant, il met en garde contre une stratégie qui pourrait s’apparenter à de l’obstruction plutôt qu’à une participation constructive à la démocratie.
Il restera sans aucun doute un acteur de premier plan dans la période à venir. Mais son attitude récente laisse penser que son rôle n’est pas tant de jouer la démocratie que de pratiquer l’obstruction et le blocage.
Daniel Valverde, politologue
Si Morales parvient à capitaliser sur ce mouvement, il pourrait redevenir un acteur central de la scène politique bolivienne. Mais son avenir reste incertain, entre les accusations judiciaires et les tensions avec le gouvernement actuel. Le second tour, prévu pour le 19 octobre, opposera deux candidats de droite, mais le spectre de Morales plane toujours sur le pays.
Une Démocratie à l’Épreuve
Ce scrutin pose une question essentielle : que signifie la démocratie dans un pays où une partie de la population rejette les options proposées ? Le vote nul, loin d’être un simple geste de désintérêt, est devenu un outil de contestation. Il met en lumière les failles d’un système où les exclusions politiques et les crises économiques alimentent la méfiance.
Pour l’avenir, la Bolivie devra relever plusieurs défis :
- Réconcilier les factions politiques : Les divisions entre pro et anti-Morales continuent de fragmenter le pays.
- Restaurer la confiance dans les institutions : Les accusations de manipulation électorale sapent la légitimité du scrutin.
- Sortir de la crise économique : Sans redressement économique, les tensions sociales risquent de s’aggraver.
Le second tour de l’élection, opposant Rodrigo Paz à Jorge Quiroga, sera un test pour la Bolivie. Mais au-delà des résultats, c’est la capacité du pays à surmonter ses divisions et à répondre aux aspirations de son peuple qui déterminera son avenir.
Le vote nul, en envoyant un message fort, a rappelé que la démocratie ne se limite pas à un bulletin dans l’urne. Il s’agit d’un appel à une gouvernance plus inclusive, transparente et équitable. Reste à savoir si les leaders boliviens sauront entendre cet appel.