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Bolivie : Réduction Massive des Dépenses Publiques Annoncée

La Bolivie tourne la page du socialisme : le nouveau président Rodrigo Paz promet une réduction de 30 % des dépenses publiques et la fin de plusieurs impôts. Après vingt ans de subventions coûteuses, le pays est au bord du gouffre. Que va-t-il se passer maintenant ?

Imaginez un pays riche en gaz, en minerais, mais qui n’a plus un dollar en caisse. C’est la situation dramatique dans laquelle la Bolivie se trouve aujourd’hui, après presque deux décennies de gestion socialiste. Le nouveau président, Rodrigo Paz, élu le 8 novembre dernier, a décidé de frapper fort dès son arrivée au pouvoir.

Un virage à 180 degrés pour sauver l’économie bolivienne

À peine installé, le gouvernement de centre droit a annoncé une mesure choc : réduire d’au moins 30 % les dépenses publiques d’ici 2026. Quatre points de PIB. Rien que ça. Une cure d’austérité sans précédent depuis les années 1980, époque où le pays avait frôlé l’hyperinflation.

Le ministre de l’Économie, José Gabriel Espinoza, n’a pas mâché ses mots lors de la conférence de presse : « Nous allons procéder à une révision exhaustive de toutes les dépenses et à une réorganisation complète des institutions de l’État. »

« Une grande partie de ces dépenses courantes n’atteint pas la population, ne concernent pas les services essentiels tels que la santé, l’éducation, la sécurité et les infrastructures. »

José Gabriel Espinoza, ministre de l’Économie

Pourquoi une telle urgence ?

La réponse tient en un mot : dollars. Ou plutôt l’absence totale de dollars. Les réserves internationales nettes du pays sont passées sous la barre des 2 milliards de dollars, un niveau dangereusement bas pour une économie de cette taille.

Le précédent gouvernement avait choisi de maintenir à tout prix les subventions sur les carburants, même quand le prix du baril explosait. Résultat : des importations massives payées en devises fortes, et des caisses vides. Aujourd’hui, les stations-service rationnent l’essence, les files d’attente s’allongent, et le marché parallèle explose.

Le nouveau pouvoir veut mettre fin à ce cercle vicieux. Pendant la campagne, Rodrigo Paz avait déjà prévenu : les subventions aux carburants seront réduites de plus de moitié. Une promesse qui avait fait bondir une partie de la population, habituée à payer son essence trois fois moins cher que ses voisins.

Quatre impôts dans le viseur

Autre mesure symbolique forte : la suppression pure et simple de quatre taxes mises en place sous les gouvernements précédents.

  • L’impôt sur les grandes fortunes
  • L’impôt sur les transactions financières
  • L’impôt sur les jeux de hasard
  • L’impôt sur les activités promotionnelles des entreprises

Ces taxes ne représentaient qu’environ 1 % des recettes fiscales, mais elles étaient devenues le symbole d’une fiscalité perçue comme confiscatoire par le secteur privé. Le président Paz a été très clair : l’impôt sur les grandes fortunes a provoqué, selon lui, une fuite de deux milliards de dollars de capitaux vers l’étranger.

En supprimant ces mesures, le gouvernement espère redonner confiance aux investisseurs et stopper l’hémorragie de devises.

Un héritage particulièrement lourd

Le nouveau gouvernement a également découvert l’ampleur du désastre laissé par l’administration précédente : plus d’un milliard de dollars de factures impayées envers les fournisseurs. Des entreprises locales, des hôpitaux, des collectivités… tous étaient en attente de paiement depuis des mois, parfois des années.

Dès le premier jour, le ministère des Finances a commencé à régler ces arriérés. Un signal fort envoyé au secteur privé : l’État va redevenir un partenaire fiable.

Le budget 2026 déjà dans le collimateur

Concrètement, le gouvernement a demandé au Parlement de lui renvoyer le projet de budget déposé par l’ancienne majorité. Objectif : le réécrire de fond en comble pour intégrer ces coupes massives.

Cette démarche est inédite. Elle montre la volonté de rompre totalement avec la politique budgétaire des vingt dernières années, marquée par une explosion des dépenses courantes et des embauches massives dans le secteur public.

Les détails des coupes restent à préciser. Le gouvernement parle d’une évaluation en cours, ministère par ministère, entreprise publique par entreprise publique. Mais le message est clair : rien ne sera épargné.

Une rupture historique après vingt ans de socialisme

Avec l’arrivée de Rodrigo Paz, c’est une page de vingt ans d’histoire bolivienne qui se tourne. D’abord Evo Morales (2006-2019), puis Luis Arce (2020-2025) avaient fait du modèle étatiste et redistributif la colonne vertébrale de leur projet.

Nationalisations tous azimuts, subventions généralisées, contrôle des changes… Ce modèle a permis une réduction spectaculaire de la pauvreté dans les années 2000, grâce aux cours élevés des matières premières. Mais il a montré ses limites quand les prix se sont effondrés et que les caisses se sont vidées.

Aujourd’hui, le pays paie le prix de cette dépendance aux revenus exceptionnels du gaz. Et le nouveau gouvernement considère qu’il n’y a plus une minute à perdre.

Quelles conséquences pour la population ?

La grande question reste l’impact social de ces mesures. Réduire les subventions aux carburants, c’est inévitablement augmenter le prix de l’essence et, par ricochet, celui des transports et des produits de première nécessité.

Le souvenir des émeutes de 2010, quand une tentative similaire avait été abandonnée face à la colère populaire, plane encore. Le gouvernement en est conscient et promet des mécanismes de compensation ciblée pour les plus vulnérables.

Mais dans l’immédiat, la priorité affichée est de stabiliser l’économie. Sans dollars, pas d’importations. Sans importations, pas de carburant, pas de médicaments, pas de pièces détachées. Le pays risquait tout simplement de s’arrêter.

Un pari risqué mais nécessaire ?

Rodrigo Paz joue gros. Ses mesures sont radicales, et leur succès dépendra de sa capacité à maintenir l’ordre public tout en restaurant la confiance des marchés.

Les premières réactions sont contrastées. Les organisations patronales saluent un « retour à la raison ». Les syndicats, proches de l’ancienne majorité, dénoncent déjà une « attaque contre les acquis sociaux ».

Une chose est sûre : la Bolivie entre dans une période de profondes transformations. Et le monde regarde avec attention comment ce petit pays andin va réussir, ou non, à sortir de la crise la plus grave depuis quarante ans.

À suivre de très près.

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