C’est une scène surprenante qui se déroule près de Cochabamba, épicentre de la contestation en Bolivie. Alors que le pays traverse une grave crise politique et sociale, des manifestants partisans de l’ex-président Evo Morales s’entraînent au maniement de frondes incas traditionnelles. Déterminés, ils se disent prêts à affronter une intervention imminente des forces armées pour défendre leur cause.
Un Héritage Inca Comme “Arme Secrète”
Sous un pont bloqué par les contestataires, des jeunes dont plusieurs jeunes filles font tournoyer avec dextérité leurs “huaracas”, nom quechua désignant ces frondes utilisées jadis par les Incas pour la chasse et la guerre. “C’est notre arme secrète, l’héritage de nos grands-parents”, explique fièrement Carlos Flores, un agronome de 45 ans qui supervise leur entraînement.
Lorsque les pierres sont propulsées, les frondes émettent un bruit sourd et les projectiles peuvent parcourir une centaine de mètres. Une compétence que “maîtrisent” désormais ces jeunes recrues selon leur instructeur. Tout autour, des sentinelles postées sur les collines rocheuses scrutent l’horizon, prêtes à donner l’alerte en cas d’incursion des forces de l’ordre.
Prêts à se Battre Jusqu’à la Démission du Président
Initialement, les partisans d’Evo Morales avaient commencé à bloquer les routes du pays pour protester contre la “persécution judiciaire” visant leur leader, accusé de viol sur une adolescente lorsqu’il était au pouvoir. Mais désormais, leurs revendications ont évolué. Ils réclament ni plus ni moins que la démission du président actuel Luis Arce, jugé incapable de gérer la crise économique provoquée par la pénurie de devises.
Face aux menaces d’une intervention armée brandie par le gouvernement pour lever les blocages, les manifestants se disent déterminés à aller jusqu’au bout. “S’il fait venir l’armée, nous sommes prêts à nous battre. Nous poursuivrons jusqu’à sa démission”, martèle Carlos Flores, sa fronde à la main.
L’Ombre des Affrontements Plane
La semaine dernière, lors d’une tentative de déblocage d’une route à Parotani, un policier a été grièvement blessé au pied. Selon le président Arce, il aurait été attaqué à la dynamite, une version contestée par les leaders locaux qui nient détenir des explosifs.
“Nous demandons aux forces armées et à la police de ne pas attaquer leur peuple, de ne pas se salir les mains avec notre sang”, implore Mariluz Ventura, représentante d’un syndicat paysan indigène.
Pourtant, la tension est palpable. Selon les chiffres officiels, depuis le début des manifestations le 14 octobre, 61 policiers ont été blessés pour seulement 9 civils. Et une vingtaine de soldats seraient retenus en otage dans le fief d’Evo Morales.
Une Mobilisation Massive et Organisée
À Parotani, véritable “cœur de la révolte”, les manifestants ont établi un campement fait de bâches tendues sur des bâtons qui fourmille de monde. Un “quartier général” où les contestataires s’organisent pour tenir sur la durée.
- Environ 500 rations alimentaires sont distribuées chaque jour
- Les manifestants survivent sans électricité depuis 4 jours, buvant l’eau de la rivière
- Des petits commerces improvisés fournissent vêtements, accessoires et même du vinaigre contre les gaz lacrymogènes
- Des milliers de frondes auraient été fabriquées et la “pierre ne s’épuisera jamais” selon une dirigeante
Malgré les conditions précaires, la détermination ne faiblit pas. “Nous irons jusqu’au bout”, promet Carlos Flores. Un bras de fer sans précédent qui fait peser de lourdes menaces sur la stabilité du pays. Jusqu’où seront prêts à aller manifestants et autorités? L’issue de cette crise à haut risque qui secoue la Bolivie reste plus que jamais incertaine.