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Bolivie : Duel Présidentiel dans une Crise Économique

La Bolivie élit son président dans une crise sans précédent. Qui de Quiroga ou Paz saura apaiser les tensions et relancer l’économie ? Découvrez les enjeux.

Dans les rues animées de La Paz, à 3 600 mètres d’altitude, une tension palpable flotte dans l’air. Ce dimanche, les Boliviens se rendent aux urnes pour choisir leur prochain président, dans un pays secoué par une crise économique sans précédent. Les files interminables aux stations-service, les prix qui s’envolent et la frustration croissante des habitants dessinent le décor d’une élection cruciale. Entre Jorge Quiroga, figure de la droite expérimentée, et Rodrigo Paz, sénateur de centre-droit issu d’une dynastie politique, qui saura redonner espoir à une nation en proie au désarroi ?

Une Bolivie au bord de l’asphyxie économique

La Bolivie traverse une tempête économique d’une ampleur rare. Depuis plusieurs années, le pays, jadis porté par un boom gazier, voit ses réserves de devises s’effondrer. La chute des exportations de gaz, due à un manque chronique d’investissements, a mis fin à une époque d’abondance. Les subventions coûteuses sur les carburants, autrefois pilier de la politique sociale, sont devenues intenables. Résultat : une pénurie d’essence et de diesel paralyse le pays, tandis que l’inflation, dépassant les 23 % par an, ronge le pouvoir d’achat des Boliviens.

Dans les marchés de La Paz, les témoignages de désespoir se multiplient. Une vendeuse ambulante de 67 ans, Felicidad Flores, résume la situation avec amertume : « Tout est cher, l’argent ne suffit plus. » À ses côtés, Javier Quispe, chauffeur de camion, patiente dans une file interminable pour faire le plein. « On attend, mais il n’y a pas beaucoup d’espoir », confie-t-il, le regard perdu sur les montagnes qui surplombent la capitale administrative.

« La patience des Boliviens s’épuise. Si le prochain président ne prend pas de mesures pour les plus vulnérables, un soulèvement social est à craindre. »

Daniela Osorio, analyste au German Institute of Global and Area Studies

Jorge Quiroga : l’expérience au service de l’ouverture

Jorge Quiroga, 65 ans, est une figure bien connue de la droite bolivienne. Ancien président par intérim entre 2001 et 2002, il incarne l’expérience et la stabilité pour ses partisans. Sa vision repose sur une ouverture totale aux marchés internationaux et le recours à de nouveaux crédits pour relancer l’économie. « Nous devons reconnecter la Bolivie au monde », martèle-t-il lors de ses meetings, promettant des réformes audacieuses pour attirer les investisseurs étrangers.

Mais cette stratégie suscite des inquiétudes. Si l’ouverture peut stimuler la croissance, elle risque d’accentuer la dépendance du pays aux fluctuations des marchés mondiaux. De plus, la réduction drastique des subventions aux carburants, prônée par Quiroga, pourrait exacerber les tensions sociales dans un pays où les plus pauvres dépendent de ces aides pour survivre.

Pourquoi les subventions aux carburants sont-elles si cruciales ? Elles maintiennent les prix de l’essence et du diesel à des niveaux abordables, mais leur coût représente une charge colossale pour l’État, aggravant la crise des devises.

Rodrigo Paz : un capitalisme pour tous ?

Face à Quiroga, Rodrigo Paz, 58 ans, sénateur de centre-droit, mise sur une approche différente. Issu d’une influente dynastie politique, il promet un « capitalismo para todos », un capitalisme inclusif fondé sur la décentralisation et une rigueur budgétaire stricte. « Pas de nouvelles dettes avant d’avoir assaini nos finances », répète-t-il, plaidant pour une gestion plus locale des ressources et des projets de développement.

Son discours séduit une partie de l’électorat, notamment dans les régions rurales où la centralisation de La Paz est souvent critiquée. Cependant, son manque d’expérience à l’échelle nationale et la nécessité de former des alliances pour gouverner pourraient limiter sa capacité à mettre en œuvre ses promesses.

Une scène politique fracturée

Le paysage politique bolivien est profondément divisé. Aucun des deux candidats ne disposera d’une majorité absolue au Parlement, ce qui les obligera à négocier des alliances. « Ils devront chercher des accords, ce qui compliquera la mise en œuvre de réformes », explique Maria Teresa Zegada, sociologue bolivienne. Cette fragmentation pourrait ralentir les décisions cruciales pour sortir le pays de la crise.

Le déclin du Mouvement vers le Socialisme (MAS), parti de l’ancien président Evo Morales, marque un tournant historique. Avec seulement 3,1 % des voix au premier tour, le MAS, qui a dominé la politique bolivienne pendant près de deux décennies, semble relégué au second plan. Cette chute s’explique en partie par les controverses entourant Morales, visé par un mandat d’arrêt pour une affaire qu’il conteste.

Evo Morales : l’ombre d’un passé glorieux

Evo Morales, président de 2006 à 2019, reste une figure polarisante. Symbole d’émancipation pour les populations indigènes, il a transformé la Bolivie en valorisant ses ressources naturelles et en réduisant les inégalités. Mais ses dérives autoritaires et les accusations judiciaires ont terni son image. Réfugié dans le Chapare, il continue d’influencer la scène politique, encourageant le vote nul, qui a atteint un record de 19,8 % au premier tour.

« Même affaibli, Morales reste un facteur de déstabilisation potentielle. »

Daniela Osorio, analyste politique

Son influence pourrait compliquer la tâche du futur président. Dans les régions où il conserve un soutien fervent, comme parmi les producteurs de coca du Chapare, des troubles sociaux pourraient éclater si les réformes économiques touchent les plus vulnérables.

Un scrutin sous haute tension

Près de huit millions d’électeurs sont appelés à voter dans un scrutin obligatoire, marqué par une incertitude inédite. Selon un sondage récent, Jorge Quiroga bénéficie d’une légère avance avec 44,9 % des intentions de vote, contre 36,5 % pour Rodrigo Paz. Mais ce dernier, qui a surpris en arrivant en tête du premier tour, pourrait encore créer la surprise.

Les Boliviens, épuisés par les pénuries et l’inflation, attendent des solutions concrètes. Voici les principaux défis qui attendent le futur président :

  • Restaurer les réserves de devises pour stabiliser l’économie.
  • Réformer les subventions aux carburants sans provoquer de révoltes.
  • Attirer des investissements étrangers tout en préservant la souveraineté.
  • Renforcer la cohésion sociale dans un pays fracturé.

Vers un avenir incertain

La Bolivie se trouve à un carrefour. Les politiques de rigueur budgétaire, nécessaires pour assainir les finances, risquent de peser lourdement sur les plus pauvres. Dans un pays où les soulèvements sociaux ont souvent renversé des gouvernements, le prochain président devra marcher sur une corde raide. Comme le résume Daniela Osorio, « les décisions économiques auront un coût social élevé ».

Candidat Positionnement Proposition clé
Jorge Quiroga Droite Ouverture aux marchés internationaux
Rodrigo Paz Centre-droit Capitalisme inclusif et décentralisation

Alors que les Boliviens votent, le monde observe. Ce scrutin ne déterminera pas seulement le prochain président, mais aussi la capacité du pays à surmonter une crise qui menace sa stabilité. Entre réformes économiques douloureuses et risques de tensions sociales, l’avenir de la Bolivie reste suspendu à un fil.

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