Imaginez un marché animé de La Paz, où les billets de dollars et de bolivianos s’échangent dans une frénésie silencieuse, sous le regard inquiet des commerçants. Depuis mai 2025, le dollar parallèle, pilier du marché noir bolivien, a chuté de 40 %, passant de 20 à 12 bolivianos. Cette baisse spectaculaire, observée dans les rues de la capitale, reflète un espoir grandissant : celui d’un changement politique après deux décennies de socialisme. Mais quelles sont les raisons de cette crise, et que nous réserve l’avenir économique de la Bolivie ?
Une Crise Économique aux Racines Profondes
La Bolivie traverse une tempête économique sans précédent. La pénurie de devises, notamment de dollars, a secoué le pays, rendant les transactions quotidiennes complexes pour des milliers de citoyens. Cette situation découle en grande partie de politiques publiques controversées, qui ont vidé les caisses de l’État tout en alimentant une inflation galopante. En juillet 2025, l’inflation annuelle a atteint 24,8 %, un record qui n’avait pas été observé depuis 2008.
Le cœur du problème réside dans les subventions aux carburants, une mesure maintenue par les gouvernements successifs pour stabiliser les prix à la pompe. Si cette politique a permis de protéger les consommateurs à court terme, elle a eu un coût exorbitant : les réserves internationales de la Bolivie se sont presque totalement épuisées. Ce manque de liquidités a créé un marché parallèle où le dollar s’échange à des taux bien supérieurs au taux officiel, fixé à 6,86 bolivianos depuis 2011.
Le Dollar Parallèle : Un Baromètre de l’Incertitude
Le dollar parallèle, souvent appelé dollar noir, est devenu un indicateur clé de la santé économique bolivienne. En mai 2025, son taux a atteint un sommet historique de 20 bolivianos, reflet d’une méfiance généralisée face à l’incertitude préélectorale. Cependant, depuis le premier tour de l’élection présidentielle en août, ce taux a entamé une descente progressive, pour atteindre 12 bolivianos début septembre.
Les anticipations jouent un rôle très important, avec les annonces des candidats selon lesquelles ils vont apporter des dollars.
José Luis Evia, économiste et ancien membre du conseil d’administration de la Banque centrale de Bolivie
Cette baisse s’explique en partie par l’optimisme des marchés face aux promesses des candidats à la présidentielle. Les deux finalistes, Rodrigo Paz, sénateur de centre-droit, et Jorge Quiroga, ancien président de droite, ont tous deux annoncé des réformes économiques ambitieuses, notamment une réduction des subventions aux carburants et du déficit budgétaire.
Une Élection aux Enjeux Économiques Majeurs
Le second tour de l’élection présidentielle, prévu pour le 19 octobre 2025, est perçu comme un tournant potentiel pour la Bolivie. Après vingt ans de gouvernements socialistes, marqués par des politiques interventionnistes, les Boliviens espèrent un changement. Les deux candidats en lice proposent des visions différentes pour sortir le pays de la crise, mais partagent un objectif commun : restaurer la confiance dans l’économie.
Rodrigo Paz, avec son approche centriste, insiste sur une transition progressive, tandis que Jorge Quiroga, fort de son expérience passée à la tête du pays, prône des réformes plus radicales. Leurs promesses incluent une meilleure gestion des réserves internationales et une réduction des dépenses publiques, souvent jugées excessives.
Résumé des Enjeux Économiques
- Pénurie de dollars : Résultat d’une politique de subventions coûteuses.
- Inflation record : 24,8 % en juillet 2025, impactant le pouvoir d’achat.
- Élection clé : Un possible changement de cap après 20 ans de socialisme.
- Réformes attendues : Réduction du déficit et des subventions aux carburants.
Les Subventions aux Carburants : Une Épée à Double Tranchant
Les subventions aux carburants, bien qu’initialement conçues pour protéger les consommateurs, sont aujourd’hui au cœur de la crise. En maintenant des prix artificiellement bas, le gouvernement a vidé ses réserves de devises, rendant l’importation de produits essentiels plus difficile. Cette situation a alimenté l’inflation et renforcé la dépendance au marché noir pour les transactions en dollars.
Les candidats promettent de revoir cette politique, mais la tâche s’annonce complexe. Réduire les subventions pourrait entraîner une hausse des prix à la pompe, affectant directement les Boliviens, dont beaucoup vivent déjà dans des conditions économiques précaires. Trouver un équilibre entre rigueur budgétaire et protection sociale sera un défi majeur pour le prochain président.
L’Impact sur la Population Bolivienne
Pour les Boliviens, la crise économique se traduit par des défis quotidiens. L’accès limité au dollar au taux officiel oblige de nombreux citoyens à se tourner vers le marché parallèle, où les taux fluctuants créent une instabilité constante. Les petites entreprises, en particulier, souffrent de cette pénurie, car elles dépendent des importations pour leurs approvisionnements.
En parallèle, l’inflation érode le pouvoir d’achat. Les produits de première nécessité, comme les aliments et les médicaments, deviennent de plus en plus coûteux, accentuant les inégalités. Dans ce contexte, l’élection d’octobre est vue comme une lueur d’espoir, mais aussi comme une source d’incertitude.
Vers un Avenir Plus Stable ?
La chute du dollar parallèle, bien qu’encourageante, ne résout pas tous les problèmes. Les économistes s’accordent à dire que des réformes structurelles sont nécessaires pour stabiliser l’économie bolivienne. Cela inclut une meilleure gestion des finances publiques, une diversification des sources de revenus et une réduction de la dépendance aux exportations de matières premières.
Le prochain gouvernement devra également regagner la confiance des investisseurs internationaux, qui se sont détournés de la Bolivie ces dernières années. Une politique économique plus prévisible pourrait attirer des capitaux étrangers, essentiels pour relancer la croissance.
Indicateur | Valeur |
---|---|
Taux du dollar parallèle (mai 2025) | 20 bolivianos |
Taux du dollar parallèle (sept. 2025) | 12 bolivianos |
Inflation annuelle (juillet 2025) | 24,8 % |
Taux officiel du dollar | 6,86 bolivianos |
Les Défis du Prochain Gouvernement
Le futur président bolivien, qu’il s’agisse de Paz ou de Quiroga, héritera d’une économie fragile. La réduction du déficit budgétaire, bien que nécessaire, risque de provoquer des tensions sociales, notamment si les subventions aux carburants sont supprimées trop rapidement. Une communication claire et des mesures d’accompagnement seront essentielles pour limiter l’impact sur les populations vulnérables.
En outre, la Bolivie devra diversifier son économie, trop dépendante des exportations de gaz et de minerais. Investir dans des secteurs comme le tourisme ou l’agriculture durable pourrait offrir des opportunités de croissance à long terme.
Un Tournant pour la Bolivie ?
La chute du dollar parallèle est un signal encourageant, mais elle ne garantit pas une reprise économique immédiate. Les Boliviens attendent des réformes concrètes et une gouvernance transparente pour surmonter cette crise. L’élection d’octobre 2025 pourrait marquer un tournant, à condition que le prochain gouvernement parvienne à concilier rigueur économique et justice sociale.
En attendant, les rues de La Paz continuent de vibrer au rythme des échanges monétaires, entre espoirs et incertitudes. Le destin économique de la Bolivie repose désormais entre les mains de ses électeurs et de leurs futurs dirigeants.