ActualitésÉconomie

Boeing et Airbus se partagent leur fournisseur Spirit Aero

C'est une opération d'envergure qui vient de se jouer dans l'industrie aéronautique mondiale. Boeing et Airbus, les deux géants du secteur, se sont partagés leur fournisseur commun Spirit AeroSystems. Mais quelles seront les conséquences de ce deal à plusieurs milliards de dollars ? Analyse d'une transaction...

C’est un véritable séisme qui vient de secouer l’industrie aéronautique mondiale. Les deux géants du secteur, l’américain Boeing et l’européen Airbus, ont décidé de se partager leur fournisseur commun, Spirit AeroSystems. Une opération stratégique à plusieurs milliards de dollars qui risque bien de redistribuer les cartes dans ce secteur hautement concurrentiel.

Boeing met la main sur Spirit AeroSystems

L’avionneur américain a annoncé le rachat de Spirit AeroSystems, spécialiste des aérostructures (fuselage, ailes d’avions…), pour un montant de 4,7 milliards de dollars. En incluant la reprise de dette, l’opération atteint même les 8,3 milliards de dollars. Un investissement colossal pour Boeing qui entend ainsi reprendre le contrôle sur un pan essentiel et stratégique de sa chaîne d’approvisionnement.

Car Spirit AeroSystems n’est pas un fournisseur comme les autres. L’entreprise, basée à Wichita dans le Kansas, est un acteur majeur du secteur. Elle produit notamment une grande partie des fuselages des avions Boeing. Un rachat qui doit permettre au géant de Seattle de sécuriser ses approvisionnements et de gagner en compétitivité face à son grand rival Airbus.

Airbus récupère une partie des activités

Mais dans ce grand chambardement, Airbus n’est pas en reste. L’avionneur européen a en effet trouvé un accord avec Boeing pour récupérer les activités de Spirit AeroSystems dédiées à ses propres programmes, notamment la production des ailes de l’A220. Une reprise qui se fera pour un montant symbolique d’un dollar.

Une manière pour Airbus de sécuriser à son tour sa chaîne d’approvisionnement sur des pièces stratégiques. Car l’A220, développé initialement par le canadien Bombardier, est un appareil en pleine croissance et un élément important de la stratégie d’Airbus sur le segment des avions court et moyen-courriers.

Un deal gagnant-gagnant ?

Au final, Boeing et Airbus semblent trouver chacun leur compte dans ce partage de Spirit AeroSystems. Mais cette opération aura forcément des répercussions profondes sur l’équilibre du secteur aéronautique mondial.

Ce deal illustre la volonté des deux géants de reprendre la main sur leur outil industriel, quitte à se livrer une concurrence frontale sur tous les segments.

Michel Merluzeau, directeur de AIR Insight Research

Avec ce rachat, Boeing intègre un maillon essentiel qui lui faisait défaut depuis la vente de Spirit en 2005. Un virage stratégique alors que l’avionneur traverse une passe difficile avec les déboires du 737 MAX et les retards sur le 777X. De son côté, Airbus sécurise son accès à des pièces cruciales tout en privant Boeing d’un fournisseur sur les ailes de l’A220.

Les salariés de Spirit en point d’interrogation

Mais au-delà des considérations industrielles et financières, ce sont bien les 18 000 salariés de Spirit AeroSystems qui s’interrogent sur leur avenir. Car ce démantèlement de l’entreprise entre les deux avionneurs fait planer le spectre de restructurations et de coupes dans les effectifs.

Il va y avoir beaucoup d’incertitudes et d’inquiétudes pour les employés dans les prochains mois. On ne sait pas encore quelles seront les synergies mises en place par Boeing et Airbus.

Rocco Musso, représentant syndical chez Spirit AeroSystems

Les deux géants de l’aéronautique promettent que l’opération se fera sans destruction d’emplois. Mais dans ce secteur très cyclique et concurrentiel, les salariés savent que les promesses n’engagent que ceux qui y croient. L’avenir dira si ce deal permet à Boeing et Airbus de renforcer leur position mondiale, sans trop de casse sociale.

Quel avenir pour les sous-traitants ?

Plus largement, ce rachat partiel de Spirit AeroSystems pose la question de l’évolution des relations entre les avionneurs et leurs sous-traitants. Avec la crise du Covid-19 et les difficultés d’approvisionnement, Boeing et Airbus semblent vouloir reprendre le contrôle sur leur chaîne de valeur.

Une tendance déjà notable avec le rachat par Airbus en 2018 du programme A220 de Bombardier ou la montée au capital de Boeing chez son fournisseur Embraer. Mais jusqu’où ira ce mouvement de consolidation et d’intégration verticale ? L’indépendance des sous-traitants est-elle menacée ? L’avenir du secteur aéronautique mondial en dépend largement.

Une chose est sûre, le Covid-19 aura été un accélérateur de tendances et de restructurations dans un secteur plongé dans la pire crise de son histoire. Et le sort de Spirit AeroSystems n’est sans doute que le premier épisode d’un vaste mouvement de recomposition du paysage aéronautique mondial. À suivre de près dans les prochains mois.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.