C’est dans un contexte géopolitique tendu que les présidents américain Joe Biden et chinois Xi Jinping se sont rencontrés ce samedi à Lima, au Pérou, pour un ultime tête-à-tête officiel. Cette rencontre, en marge du sommet de l’Apec qui rassemble 21 pays représentant 60% du PIB mondial, intervient alors que l’ombre de Donald Trump, fraîchement réélu, plane déjà sur les relations sino-américaines.
Tirer parti d’une rencontre historique
Il y a tout juste un an, lors du précédent sommet de l’Apec à San Francisco, les deux dirigeants avaient réussi à apaiser quelque peu les tensions bilatérales lors d’une rencontre qualifiée d’historique. Cette année, à Lima, l’enjeu est de capitaliser sur cette dynamique positive, alors même que le temps presse. Joe Biden, 81 ans, s’apprête en effet à céder sa place à la Maison Blanche au républicain Donald Trump.
Malgré un dialogue qui s’est tant bien que mal maintenu ces dernières années, les relations entre Washington et Pékin restent complexes. Désaccords commerciaux, statut de Taïwan, droits de l’Homme, ou encore compétition technologique sont autant de sujets qui cristallisent les tensions. L’enjeu pour Biden et Xi est donc de consolider les canaux de communication, notamment militaires, afin de gérer au mieux cette période de transition délicate.
L’ombre de Trump
Mais difficile d’ignorer le spectre de Donald Trump. Le milliardaire, qui a déjà nommé au sein de son équipe des partisans d’une ligne dure face à la Chine, avait profondément bousculé les relations bilatérales lors de son premier mandat de 2017 à 2021. Guerre commerciale, droits de douane, Trump n’avait pas hésité à mettre la pression sur Pékin pour tenter de rééquilibrer la balance commerciale en faveur des États-Unis.
Cette stratégie agressive pourrait bien faire son retour. Pendant sa campagne, Trump a en effet promis de protéger l’industrie américaine, agitant la menace de droits de douane pouvant aller jusqu’à 60% sur les produits chinois. De quoi laisser présager de nouvelles turbulences à venir.
Une période d’incertitude
Face à cette perspective, Xi Jinping a mis en garde contre “la montée de l’unilatéralisme et du protectionnisme”. Pour le dirigeant chinois, le monde est entré dans “une nouvelle période de turbulences et de transformation”. Un constat partagé, de façon plus nuancée, par son homologue américain. Tout en s’efforçant de rassurer ses alliés dans la région Pacifique, Biden a reconnu que “nous avons atteint un moment de changement politique important”.
Si vous concluez un accord avec Biden, il ira probablement jusqu’au bout, le problème avec Trump, c’est qu’il est imprévisible.
Farid Kahhat, analyste péruvien en relations internationales
Cette imprévisibilité trumpienne est au cœur des inquiétudes. Comme le souligne l’analyste péruvien en relations internationales Farid Kahhat, “si vous concluez un accord avec Biden, il ira probablement jusqu’au bout, le problème avec Trump, c’est qu’il est imprévisible”. Une incertitude renforcée par les signaux contradictoires envoyés par le milliardaire pendant sa campagne, promettant tout à la fois fermeté et “bonne entente” avec la Chine.
Prolonger le dialogue malgré tout
Dans ce contexte, la rencontre de Lima prend une dimension particulière. Pour Jake Sullivan, le conseiller américain à la sécurité nationale, il s’agit de “tirer parti” du tête-à-tête historique de l’an dernier à San Francisco, afin de “gérer la relation bilatérale dans cette délicate période de transition”. Au menu des discussions : tensions en mer de Chine méridionale et maintien des lignes de communication, notamment militaires.
Cette volonté de dialogue devra cependant composer avec l’agenda et les priorités de Donald Trump. Dès janvier, le républicain reprendra les rênes de la diplomatie américaine, avec la ferme intention de bousculer à nouveau les équilibres mondiaux. Retrait des accords de Paris sur le climat, remise en cause des alliances traditionnelles… Les premières décisions de son second mandat seront scrutées de près, à Pékin comme ailleurs.
En attendant, Biden et Xi s’efforcent de préserver ce fragile statu quo. Après Lima, les deux dirigeants se retrouveront à Rio pour le sommet du G20, ultime rendez-vous international avant la passation de pouvoir à Washington. L’occasion, peut-être, de jeter les bases d’une relation apaisée avec la prochaine administration américaine. Mais l’ombre de Trump, elle, ne semble pas près de se dissiper.