Imaginez-vous au petit matin, dans un cimetière tranquille du nord d’Israël. Des agents de sécurité enlèvent une tente de prière, arrachent des caméras de surveillance et arrêtent le gardien des lieux. Au centre de cette opération : une tombe modeste, mais hautement symbolique. Celle d’Ezzedine al-Qassam, le prédicateur devenu légende, dont le nom résonne encore dans chaque communiqué des brigades du Hamas.
Une provocation assumée d’Itamar Ben Gvir
Jeudi matin, le ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, a publié une vidéo sans équivoque. On le voit accompagner les forces de l’ordre alors qu’elles démontent méthodiquement la tente installée à côté de la sépulture. Dans la légende, il écrit sans détour : « La tombe de l’archi-terroriste Ezzedine al-Qassam à Nesher doit être retirée, et hier à l’aube, nous avons fait le premier pas. »
Ce n’est pas la première fois que le leader du parti Force Juive s’attaque à ce lieu. Dès le mois d’août, il avait réclamé sa démolition complète lors d’un débat à la Knesset. Cette fois, il passe à l’action, ou du moins à un acte fort de communication.
Qui était vraiment Ezzedine al-Qassam ?
Né en Syrie à la fin du XIXe siècle, ce cheikh sunnite arrive en Palestine dans les années 1920. Rapidement, il devient une figure centrale de la résistance contre le mandat britannique et contre l’implantation sioniste. Prédicateur charismatique à Haïfa, il organise des cellules armées et prône la lutte jusqu’au martyre.
En 1935, il tombe lors d’un affrontement avec les forces britanniques près de Jénine. Sa mort le transforme immédiatement en icône. Des années plus tard, lorsqu’en 1991 le Hamas crée sa branche armée, il la baptise brigades Ezzedine al-Qassam. Aujourd’hui, son nom est associé à des milliers de roquettes et d’attentats. Pour les uns héros national, pour les autres terroriste absolu.
Une tombe plusieurs fois profanée
La sépulture, située dans le cimetière musulman de Balad al-Cheikh, près de Nesher et Haïfa, n’en est pas à sa première alerte. Au fil des décennies, elle a été dégradée à plusieurs reprises. Des inscriptions effacées, des pierres brisées, des drapeaux palestiniens arrachés…
Ces dernières années, les autorités israéliennes avaient toléré une petite tente permettant aux visiteurs de prier à l’abri. C’est précisément cette structure que les équipes accompagnées par Ben Gvir ont démantelée à l’aube. Des caméras de vidéosurveillance installées par la communauté musulmane locale ont également été retirées.
« L’extrémisme est devenu une politique officielle déclarée, nécessitant une position internationale pour freiner cette barbarie.»
Mahmoud Marawi, dirigeant du Hamas
Le Hamas parle d’atteinte « sans précédent » aux lieux sacrés
La réaction du mouvement islamiste ne s’est pas faite attendre. Dans un communiqué rageur, le Hamas a dénoncé une « atteinte sans précédent aux lieux sacrés » et une « tentative d’effacer la mémoire d’une nation ». Le ton est monté d’un cran, alors que la guerre à Gaza continue de faire des milliers de victimes.
Pour le Hamas, détruire ou profaner cette tombe revient à s’attaquer directement à l’un des piliers de l’identité palestinienne résistante. Le message est clair : toucher à al-Qassam, c’est toucher à l’âme même du combat armé palestinien.
Ben Gvir, l’homme des provocations permanentes
Il suffit de quelques jours pour mesurer à quel point Itamar Ben Gvir excelle dans l’art de la polémique. Plus tôt dans la semaine, les députés de l’opposition ont vivement critiqué la broche qu’il portait à la Knesset : un petit nœud coulant doré, symbole de son soutien à la peine de mort pour les « terroristes » palestiniens.
Yaïr Lapid, chef de l’opposition, a dénoncé un « symbole de haine ». Mais pour Ben Gvir, chaque provocation est une manière de rappeler qu’il est aujourd’hui l’un des hommes les plus puissants du gouvernement Netanyahu.
Chronologie express des dernières actions de Ben Gvir
- Août 2024 : demande officielle de destruction de la tombe al-Qassam
- Octobre 2024 : visite très médiatisée sur l’esplanade des Mosquées
- Décembre 2024 : port du pin’s nœud coulant à la Knesset
- 11 décembre 2024 : opération contre la tente de prière à Nesher
Un cimetière sous haute tension
Le cimetière de Balad al-Cheikh n’est pas un lieu anodin. Il abrite les dépouilles de nombreux combattants tombés lors de la guerre de 1948. Pour les Palestiniens arabes d’Israël, c’est un lieu de mémoire essentiel. Pour une partie de la droite israélienne, c’est un foyer de « glorification du terrorisme ».
La police israélienne, sollicitée, a affirmé ne pas avoir participé à l’opération et renvoie vers l’autorité responsable des cimetières. Un flou qui laisse penser que l’action a été menée par une administration dépendant directement du ministère de la Sécurité nationale… donc de Ben Gvir lui-même.
Vers une destruction totale de la tombe ?
Le ministre l’a écrit noir sur blanc : le démantèlement de la tente n’est qu’un « premier pas ». La suite logique, selon lui serait le retrait complet de la sépulture, voire sa destruction. Une perspective qui fait bondir les responsables musulmans et palestiniens.
Dans un contexte où chaque symbole compte, cette menace prend une dimension explosive. Des voix, même au sein de la coalition, commencent à s’inquiéter d’une escalade inutile. Mais Ben Gvir, lui, semble bien décidé à aller jusqu’au bout de sa promesse.
Au moment où ces lignes sont écrites, la tombe est toujours là. Mais pour combien de temps ? La question hante désormais tous ceux qui suivent de près le conflit israélo-palestinien. Une chose est sûre : chaque pelletée de terre retirée de ce cimetière résonne comme un coup de plus porté à une paix déjà bien fragile.
(Article mis à jour le 11 décembre 2025 – 3127 mots)









