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Bélarus : Nouveau Logiciel Espion Cible Journalistes

Au Bélarus, les services de sécurité viennent de déployer un nouveau logiciel espion jusqu’alors inconnu, baptisé ResidentBat. Installé physiquement sur le téléphone d’un journaliste lors d’un interrogatoire, il permet un accès total aux données personnelles. Comment ce régime maintient-il son emprise sur la presse indépendante, et jusqu’où ira cette surveillance intrusive ?

Imaginez-vous convoqué pour un interrogatoire, contraint de déverrouiller votre téléphone sous les yeux d’agents des services secrets. Quelques mois plus tard, vous découvrez qu’un programme malveillant y a été installé à votre insu, capable de tout enregistrer : vos appels, vos messages chiffrés, même les sons ambiants via le microphone. Cette scène digne d’un thriller d’espionnage est pourtant une réalité pour certains journalistes au Bélarus.

Une menace inédite nommée ResidentBat

Une organisation de défense de la liberté de la presse a récemment révélé l’existence d’un nouveau logiciel espion utilisé par les autorités bélarusses. Ce programme, baptisé ResidentBat, représente une outil de surveillance particulièrement intrusif, conçu spécifiquement pour cibler ceux qui osent informer en dehors des canaux officiels.

Contrairement aux célèbres malwares qui infectent les appareils à distance, celui-ci nécessite un accès physique. Les agents profitent ainsi des interrogatoires ou des détentions pour installer manuellement le logiciel sur les téléphones des victimes. Une méthode old school, mais terriblement efficace dans un contexte où les opposants et les journalistes sont régulièrement convoqués.

Comment fonctionne cette surveillance rapprochée ?

Une fois implanté, ResidentBat offre un contrôle quasi total sur l’appareil. Il permet d’accéder aux journaux d’appels, d’activer discrètement le microphone pour enregistrer les conversations environnantes, de réaliser des captures d’écran à distance, de lire les SMS et même les messages issus d’applications de messagerie chiffrées.

Les fichiers stockés localement ne sont pas épargnés non plus. Photos, documents, notes : tout devient potentiellement accessible aux services de sécurité. Cette capacité à contourner le chiffrement des applications de messagerie est particulièrement préoccupante, car elle anéantit l’un des derniers remparts de confidentialité dont disposent les journalistes pour protéger leurs sources.

La découverte a été rendue possible grâce à la vigilance de la victime. Alerté par un antivirus, le journaliste a contacté des spécialistes informatiques qui accompagnent les organisations de la société civile en Europe orientale. Une analyse approfondie a confirmé la présence du malware et permis de retracer son activation au moment précis de l’interrogatoire.

Une pratique en usage depuis plusieurs années

Les investigations ont révélé que cette opération n’est pas isolée. Les traces numériques indiquent que ResidentBat est déployé par les services bélarusses depuis au moins mars 2021. Cela signifie que de nombreux appareils ont pu être compromis au fil des années, sans que les victimes n’en aient conscience.

Le fait que le logiciel nécessite un accès physique n’en diminue pas la portée. Dans un pays où les perquisitions, les arrestations arbitraires et les convocations sont monnaie courante pour les voix dissidentes, les occasions d’installer ce type d’outil ne manquent pas.

L’identité du développeur reste inconnue. Les experts n’ont pas pu déterminer si le programme a été conçu en interne par les services bélarusses ou acquis auprès d’un fournisseur extérieur. Cette opacité renforce le sentiment d’impunité qui entoure ces pratiques.

Un outil au service d’une répression systématique

Derrière cette technologie se cache une stratégie claire : museler toute forme de journalisme indépendant. Les autorités bélarusses, sous la direction d’un président au pouvoir depuis plus de trente ans, ne tolèrent aucune critique. La répression s’est intensifiée ces dernières années, touchant particulièrement les professionnels de l’information.

Aujourd’hui, une trentaine de journalistes croupissent en prison, faisant du Bélarus l’un des pays qui incarcèrent le plus de reporters dans le monde. À ces détentions s’ajoutent les intimidations, les amendes, les interdictions de quitter le territoire et, désormais, cette surveillance numérique intrusive.

Ces technologies montrent une stratégie délibérée de répression contre le journalisme indépendant.

Cette déclaration d’un responsable d’une grande organisation de défense de la presse résume parfaitement la gravité de la situation. L’utilisation d’outils espions n’est pas un épiphénomène technique, mais bien un rouage essentiel dans la machine répressive mise en place pour étouffer les voix critiques.

Une tendance mondiale préoccupante

Le cas bélarusse n’est malheureusement pas isolé. Partout dans le monde, des régimes autoritaires ou des gouvernements aux pratiques douteuses recourent à des logiciels espions installés manuellement lors d’arrestations ou de contrôles.

Récemment, des chercheurs ont mis au jour l’utilisation d’un programme similaire au Kenya, implanté sur les téléphones de deux cinéastes après leur interpellation. En Serbie, les autorités ont été accusées d’avoir déployé un malware comparable contre des journalistes et des militants des droits humains.

Cette évolution marque un changement dans les méthodes de surveillance. Alors que les infections à distance, comme celles permises par certains outils très médiatisés, attirent l’attention internationale et des contre-mesures techniques, l’installation physique passe plus facilement sous les radars. Elle est pourtant tout aussi destructrice pour la vie privée et la liberté d’expression.

Vers une régulation internationale ?

Face à cette prolifération, les appels à une réponse globale se multiplient. Les organisations de défense des droits humains demandent une interdiction claire des technologies de surveillance les plus invasives, qu’elles soient déployées à distance ou manuellement.

Elles exigent également que les responsables de ces atteintes aux libertés fondamentales soient poursuivis. Car au-delà de la technique, c’est bien un crime contre la liberté d’informer qui est commis à chaque installation de ce type de logiciel.

Dans un monde où l’information circule plus vite que jamais, protéger ceux qui la produisent et la diffusent devient une urgence démocratique. Le cas de ResidentBat au Bélarus rappelle cruellement que cette protection reste fragile dans de nombreux pays.

La vigilance des victimes, l’expertise des chercheurs en cybersécurité et la mobilisation des organisations internationales constituent aujourd’hui les principaux remparts contre ces dérives. Mais tant que des outils aussi puissants resteront disponibles sans contrôle strict, la menace persistera.

Ce nouvel épisode dans la longue liste des atteintes à la presse au Bélarus soulève une question essentielle : jusqu’où un régime est-il prêt à aller pour conserver le monopole de la vérité ? La réponse, hélas, semble sans limite.


En définitive, l’apparition de ResidentBat illustre parfaitement la convergence entre technologies numériques et autoritarisme. Dans ce contexte, chaque journaliste ciblé devient non seulement une victime individuelle, mais aussi un symbole de la lutte pour une information libre et pluraliste.

Rester informé de ces pratiques, les dénoncer et soutenir ceux qui les subissent reste plus que jamais nécessaire. Car c’est aussi par la solidarité internationale que l’on peut espérer faire reculer ces méthodes indignes d’un État respectueux des droits fondamentaux.

(Note : cet article s’appuie exclusivement sur les éléments révélés par l’organisation de défense de la presse ayant publié le rapport. L’identité de la victime est protégée pour des raisons de sécurité évidentes.)

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