C’est une bataille judiciaire aux enjeux cruciaux pour l’avenir énergétique et climatique du Royaume-Uni qui s’est ouverte mardi devant la Court of Session d’Édimbourg, en Écosse. Greenpeace et Uplift, deux ONG écologistes de premier plan, contestent l’autorisation accordée par le gouvernement britannique pour développer deux vastes champs pétroliers et gaziers en mer du Nord : Rosebank et Jackdaw.
Situé à 145 km au large des îles Shetland, Rosebank est considéré comme le plus grand gisement de pétrole inexploité du Royaume-Uni, avec des réserves estimées à 300 millions de barils. Son exploitation, prévue entre 2026 et 2030, a été approuvée l’an dernier par les autorités. Quant au champ gazier de Jackdaw, à 250 km au large d’Aberdeen, il devrait entrer en production dès l’année prochaine.
Mais pour Greenpeace et Uplift, ces autorisations ont été accordées illégalement car elles n’ont pas pris en compte l’impact climatique global des émissions de CO2 générées, de l’extraction à la combustion des hydrocarbures. Les ONG s’appuient sur une décision récente de la Cour Suprême britannique, qui a jugé illégal un autre projet de forage pétrolier au motif que son étude d’impact devait inclure les émissions “indirectes”, comme celles du raffinage et de l’utilisation du pétrole.
Une victoire qui ferait jurisprudence
Si la justice donne raison aux écologistes, cela obligerait les opérateurs à refaire et soumettre à nouveau leurs évaluations environnementales. Mais au-delà de Rosebank et Jackdaw, une telle décision pourrait remettre en cause de très nombreux projets pétroliers et gaziers.
Le dernier gouvernement conservateur a accordé 100 licences dans les derniers mois de son mandat. Elles seront toutes remises en question.
Tommy Sheppard, ex-député SNP
Pour Tessa Khan, directrice d’Uplift, le message envoyé à l’industrie pétrolière serait clair: il faudra désormais intégrer l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre, y compris indirectes, dans les évaluations environnementales des projets d’hydrocarbures. Un changement de paradigme.
Le défi de la transition énergétique
Le gouvernement Starmer, qui affiche de fortes ambitions climatiques, a décidé de ne pas défendre ces projets controversés devant la justice. Il vient d’ailleurs d’annoncer un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 81% d’ici 2035 (par rapport à 1990), avec une électricité 100% décarbonée dès 2030. Mais réussir la transition énergétique sans heurts sociaux constitue un défi majeur.
Il est crucial de prévoir des plans de reconversion pour les employés du secteur pétrolier et gazier, afin qu’ils puissent bénéficier des nouveaux emplois créés par les énergies propres.
Tommy Sheppard, ex-député SNP
Au-delà des enjeux sociaux, la sécurité énergétique du pays est également en jeu selon les pétroliers. Shell a ainsi souligné l’importance stratégique du projet Jackdaw pour l’approvisionnement en gaz du Royaume-Uni. Un argument balayé par Greenpeace et Uplift, pour qui l’urgence climatique ne peut plus attendre.
La décision de la Court of Session d’Édimbourg est attendue d’ici la fin de la semaine. Quelle qu’elle soit, elle marquera assurément un tournant dans la bataille judiciaire et politique autour des énergies fossiles outre-Manche. L’avenir énergétique et climatique du Royaume-Uni est plus que jamais suspendu aux décisions de justice.