Alors que le Burkina Faso, le Mali et le Niger, tous dirigés par des juntes militaires, semblent déterminés à quitter la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye multiplie les efforts diplomatiques pour éviter une désintégration de cette institution régionale clé. Chargé d’une délicate mission de médiation, il affirme « avancer » dans ses pourparlers avec ces pays sahéliens en proie à de profondes crises sécuritaires et politiques.
Une alliance sahélienne qui ébranle la Cedeao
La création en janvier dernier de l’Alliance des États du Sahel (AES) par le Burkina Faso, le Mali et le Niger a marqué un tournant dans les relations au sein de la Cedeao. Ces trois pays reprochent à l’organisation son alignement présumé sur les positions de l’ancienne puissance coloniale française et son manque de soutien face à la menace jihadiste qui les frappe de plein fouet. Leur annonce de quitter la Cedeao ébranle les fondements mêmes de l’intégration ouest-africaine.
Un retrait effectif en 2025 ?
Si les statuts de la Cedeao prévoient qu’un retrait ne devient effectif qu’un an après son annonce officielle, soit en janvier 2025 dans le cas présent, l’heure est à la mobilisation pour tenter de désamorcer cette crise sans précédent. C’est dans ce contexte que le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a été nommé médiateur en juillet dernier, avec pour mission de convaincre les pays concernés de renoncer à leur projet de départ.
Une médiation à haut risque
Lors du Forum de Doha ce week-end, M. Faye s’est voulu optimiste quant à l’avancée de sa médiation, tout en reconnaissant la complexité de la tâche : « J’avance dans le cadre de cette mission », a-t-il déclaré selon une vidéo diffusée par ses services. Le chef de l’État sénégalais envisage la possibilité de maintenir l’AES en parallèle de la Cedeao, estimant que « rien n’empêche aujourd’hui de maintenir l’Alliance des États du Sahel puisqu’elle est déjà là, elle répond à une réalité sécuritaire à laquelle ces pays font particulièrement face ».
Un plaidoyer pour une réforme de la Cedeao
Tout en cherchant à préserver l’unité de la Cedeao, Bassirou Diomaye Faye plaide pour une nécessaire réforme de l’institution, afin de l’adapter aux défis actuels : « Cela ne devrait pas de mon point de vue expliquer une désintégration de la Cedeao », a-t-il souligné, ajoutant que « les avancées qu’a permis la Cedeao comme une meilleure circulation des personnes et des biens ne doivent pas être masquées par des problèmes de gouvernance qui demandent, comme plusieurs institutions multilatérales, une réforme pour les adapter aux défis de notre temps ».
Le Sénégal à l’heure des partenariats stratégiques
Le périple du président sénégalais aux Émirats Arabes Unis et au Qatar s’inscrit par ailleurs dans une volonté d’élargir les partenariats stratégiques de son pays. Élu en mars dernier sur un agenda de rupture, M. Faye entend mobiliser investisseurs et partenaires autour de son ambitieux plan de transformation du Sénégal. « Le Sénégal n’est la chasse gardée de personne si ce n’est celle du peuple sénégalais », a-t-il martelé, non sans ajouter : « Nous sommes ouverts à tous les autres pays », à condition qu’ils respectent la souveraineté du Sénégal et ses « normes sociales », et que les partenariats soient « mutuellement bénéfiques ».
Un sommet décisif en vue
Alors qu’un sommet de la Cedeao doit se tenir dimanche prochain, tous les regards sont tournés vers le président Faye et sa tentative de médiation in extremis. L’enjeu est de taille : éviter une désintégration de cette institution qui reste, malgré ses limites et les critiques dont elle fait l’objet, un acteur central de l’architecture régionale ouest-africaine. Les prochains jours seront décisifs pour savoir si la diplomatie sénégalaise parviendra à infléchir la position des pays sahéliens et à préserver l’unité de la Cedeao, ou si au contraire ces derniers camperont sur leur décision de claquer la porte de l’organisation. Une chose est sûre : l’issue de ce bras de fer diplomatique sera lourde de conséquences pour l’avenir de l’intégration ouest-africaine.