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Barrick et Mali : Fin Explosive du Conflit sur l’Or de Loulo-Gounkoto

Après des mois de tension extrême, saisie de 3 tonnes d’or et mise sous administration provisoire, Barrick annonce soudain la fin du conflit avec la junte malienne. Les mines de Loulo-Gounkoto vont-elles reprendre normalement ? Ce qui vient d’être signé change tout…

Imaginez : plus de trois tonnes d’or saisies en pleine brousse, quatre employés derrière les barreaux, une mine géante placée sous administration forcée et des centaines de dollars en jeu. Pendant près d’un an, le complexe de Loulo-Gounkoto, l’une des plus grandes mines d’or au monde, a été au cœur d’un bras de fer tendu entre le géant canadien Barrick Gold et les autorités maliennes. Et puis, lundi, l’annonce tombe comme un coup de tonnerre dans le secteur : l’accord est trouvé, le conflit est terminé.

Un revirement aussi soudain qu’inattendu

Personne ne s’y attendait vraiment. Depuis l’arrivée au pouvoir des militaires en 2020 et 2021, le ton n’avait cessé de monter. Le nouveau code minier adopté en 2023, puis renforcé en 2024, visait clairement à récupérer une part plus importante des richesses du sous-sol. Barrick, qui détient 80 % du complexe Loulo-Gounkoto (le Mali en possède 20 %), s’était retrouvé dans le viseur.

Les autorités réclamaient des centaines de millions de dollars d’arriérés fiscaux. En janvier, elles saisissaient plus de trois tonnes d’or sur place. En avril, Barrick fermait ses bureaux à Bamako. En juin, le tribunal de commerce plaçait la mine sous administration provisoire pour six mois et nommait un administrateur spécial. L’ambiance était électrique.

Et puis, ce communiqué laconique de Toronto : tout est réglé.

Que contient exactement l’accord annoncé ?

Barrick annonce plusieurs points clés qui marquent la fin officielle des hostilités :

  • La restitution immédiate du contrôle opérationnel du complexe Loulo-Gounkoto à l’entreprise canadienne.
  • Le retrait de toutes les charges pénales contre Barrick, ses filiales et ses employés.
  • L’engagement de démarches judiciaires pour obtenir la libération des quatre employés toujours détenus.
  • Le retrait de la procédure d’arbitrage international déposée devant le CIRDI (Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements), instance dépendant de la Banque mondiale.

En échange, on comprend entre les lignes que Barrick a accepté de régler une partie – voire la totalité – des arriérés fiscaux réclamés, même si le montant exact reste confidentiel pour l’instant.

« Les opérations de contrôle sur le complexe seront restituées à Barrick »

Communiqué officiel Barrick Gold

Pourquoi ce dénouement maintenant ?

Plusieurs éléments ont probablement joué. D’abord, la pression économique : Loulo-Gounkoto représente une part colossale de la production d’or malienne et donc des recettes de l’État. Prolonger le blocage revenait à scier la branche sur laquelle tout le monde était assis.

Ensuite, la menace très réelle de l’arbitrage international. Le CIRDI a déjà condamné par le passé plusieurs États africains à verser des indemnisations astronomiques. Le Mali, déjà fragilisé économiquement, n’avait sans doute pas intérêt à aller jusqu’au bout.

Enfin, la réalité du terrain : sans l’expertise et les investissements de Barrick, relancer la mine sous administration provisoire relevait du défi technique et financier. L’administrateur nommé en juin, un ancien ministre de la Santé, n’avait visiblement pas les reins assez solides pour gérer seul un complexe aussi sophistiqué.

Loulo-Gounkoto en chiffres : un géant africain

Pour comprendre l’enjeu, il faut remettre quelques chiffres en perspective :

Production annuelle moyenneenviron 700 000 onces d’or
Classement mondialparmi les 10 plus grandes mines d’or
Part dans la production malienneprès de 25 % de l’or du pays
Investissements cumulés de Barrickplusieurs milliards de dollars depuis 1996
Employés directs et indirectsplus de 7 000 personnes

Autant dire que l’arrêt prolongé de la mine aurait été une catastrophe économique pour le Mali, déjà confronté à l’insécurité et à la chute des cours de certains produits.

Un précédent pour l’ensemble du secteur minier africain

Cette résolution à l’amiable envoie un signal fort aux autres compagnies présentes sur le continent. Tanzanie, Guinée, RDC… de nombreux pays ont ces dernières années durci leur législation minière et renégocié les contrats signés sous des cieux plus cléments.

Mais l’épisode malien montre aussi les limites de la politique du tout-répressif : saisir l’outil de production, arrêter des cadres étrangers, menacer d’expulsion finit souvent par se retourner contre l’État lui-même. À la fin, la realpolitik et les impératifs économiques reprennent le dessus.

Et maintenant ?

Les équipes de Barrick devraient reprendre le chemin de la mine dans les tous prochains jours. Les quatre employés détenus – dont le directeur général de la filiale malienne – pourraient être libérés rapidement si les engagements sont tenus.

Le grand inconnu reste le montant exact du règlement financier. Barrick parle pudiquement d’un « accord global ». Les autorités maliennes, pour l’instant silencieuses, finiront bien par communiquer – ne serait-ce que pour valoriser cette « victoire de la souveraineté économique » auprès de l’opinion.

Une chose est sûre : ce dossier a tenu en haleine tout le secteur aurifère africain pendant des mois. Sa conclusion, même si elle apparaît comme un compromis, permet à chacun de sauver la face tout en remettant les machines en route.

L’or malien continuera donc de couler – cette fois, on l’espère, dans un climat apaisé. Jusqu’à la prochaine renégociation ?

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