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Barnier Annonce Une Baisse de l’Aide Médicale Aux Sans-Papiers

Le premier ministre Michel Barnier veut diminuer les soins pris en charge par l'AME pour les sans-papiers. Une annonce qui provoque l'indignation à gauche. La polémique enfle à quelques jours d'échéances cruciales sur le budget de la Sécu...

C’est une annonce qui fait grand bruit. Sous pression du Rassemblement National à quelques jours d’échéances cruciales sur le budget de la Sécurité sociale, le premier ministre Michel Barnier envisage de diminuer « sensiblement » les soins pris en charge par l’Aide Médicale d’État (AME) dont bénéficient actuellement les personnes en situation irrégulière.

Dans un entretien accordé au Figaro, le chef du gouvernement a annoncé vouloir revoir à la baisse le « panier de soins » couvert par ce dispositif controversé. « Nous n’allons pas la supprimer (l’AME), mais le panier de soins pris en charge va être sensiblement diminué », a-t-il déclaré, ajoutant qu’une réforme serait engagée dès 2025 pour « éviter les abus et les détournements ».

Une annonce qui passe très mal à gauche

Sans surprise, cette annonce a immédiatement fait bondir les responsables de gauche. « Le premier ministre tourne définitivement le dos au front républicain », s’est indigné le premier secrétaire du PS Olivier Faure sur Twitter, accusant Michel Barnier de se tourner vers l’extrême droite « comme le lui demandait hier soir Gérald Darmanin ».

L’ex-ministre de la Santé Aurélien Rousseau, désormais député socialiste, a jugé le projet « indécent, odieux », estimant que « le gouvernement cède au RN au mépris de toute considération de santé et d’humanité ». Sa collègue insoumise Mathilde Panot a dénoncé un premier ministre qui cède « au racisme le plus crasse ». « Il aura la censure qu’il mérite », a-t-elle menacé.

Un dossier politiquement sensible

Le sujet de l’AME est un serpent de mer du débat politique. Ce dispositif permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès aux soins, sous conditions de résidence et de ressources. Régulièrement critiqué par la droite et l’extrême droite, il est défendu bec et ongles par la gauche et les associations qui y voient un outil indispensable de santé publique.

Fin 2022, dans le cadre du budget 2023, les sénateurs avaient voté une réduction de 200 millions d’euros des crédits alloués à l’AME, sur un total de 1,3 milliard d’euros. Une coupe finalement rejetée par l’Assemblée nationale. Mais la question reste plus que jamais sur la table avec un RN en embuscade qui voit dans ce dossier un levier pour accentuer la pression sur l’exécutif.

L’opposition en ordre de bataille

Dans un communiqué, les élus RN demandent en effet une baisse « drastique » de l’AME. En commission au Sénat le 12 novembre, ils étaient déjà parvenus à amputer de 200 millions le budget prévu pour 2025. De quoi mettre la pression sur Michel Barnier qui tente de rassembler une majorité pour son budget rectificatif de la Sécu.

Je vous demande de modérer l’aide médicale à ceux qui violent nos lois.

Marine Le Pen, présidente du groupe RN à l’Assemblée

Face à cette offensive, les oppositions de gauche menacent de voter la censure si le gouvernement venait à céder sur l’AME. Déjà en septembre, 8 anciens ministres de la Santé avaient publié une tribune mettant en garde contre les « conséquences sanitaires, humaines, sociales et économiques inacceptables » d’une restriction de l’AME.

Un test pour le « en même temps » macroniste

Au delà des impératifs budgétaires, l’épisode de l’AME est aussi un véritable test politique pour Michel Barnier et la majorité. L’annonce surprise du premier ministre intervient en effet à contre-courant de la doctrine du « en même temps » prônée par Emmanuel Macron depuis 2017. L’idée de restreindre drastiquement les soins aux sans-papiers cadre mal avec l’image d’un exécutif centriste, progressiste sur les questions de société.

Mais face aux assauts répétés du RN et sous la menace d’une censure fatale, Michel Barnier paraît contraint de lâcher du lest. Un virage qui ne convainc pas en interne, où de nombreux députés Renaissance déplorent ce qu’ils voient comme une dérive droitière. « C’est une ligne rouge », prévient ainsi le député macroniste Sacha Houlié. « On ne peut pas se renier à ce point ».

La gauche promet une bataille sans merci

Dans ce contexte électrique, la gauche ne compte pas baisser la garde. Le député LFI François Ruffin a promis des « actions fortes » si la mesure venait à être entérinée par le Parlement. Des menaces auxquelles s’ajoute la perspective de recours juridiques devant le Conseil constitutionnel, plusieurs observateurs estimant qu’une restriction trop brutale de l’AME pourrait être retoquée.

Pour le premier ministre, il s’agit donc d’un véritable numéro d’équilibriste. Trouver un compromis acceptable sur ce sujet inflammable afin d’éviter une crise politique majeure à l’approche de la séquence budgétaire. Le tout en ménageant une majorité relative déjà en ébullition.

Des répercussions concrètes pour les plus précaires

Pendant ce temps, ce sont les principaux concernés qui risquent de subir les conséquences bien concrètes de ce bras de fer politique. Selon une source associative de terrain, plusieurs milliers de sans-papiers pourraient perdre leur accès à des soins vitaux si les restrictions annoncées étaient appliquées. Parmi eux, des femmes enceintes, des malades chroniques, des enfants.

Une réalité qui tranche avec les joutes politiciennes à l’Assemblée mais dont les acteurs humanitaires s’inquiètent déjà. Reste maintenant à voir si ces considérations pèseront face aux logiques partisanes et électorales. Réponse dans les prochains jours, avec un budget de la Sécu qui s’annonce plus que jamais scruté et disputé.

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