Imaginez prendre la tête d’une des agences les plus vitales de l’ONU au moment précis où tout semble s’écrouler autour d’elle. C’est exactement le défi qui attend Barham Saleh à partir de janvier prochain.
Un Kurde modéré à la tête du HCR
Barham Saleh, ancien président de la République irakienne entre 2018 et 2022, vient d’être désigné Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. Âgé de 65 ans, ce politicien kurde succède à l’Italien Filippo Grandi qui aura dirigé l’agence pendant dix années consécutives.
La nouvelle, confirmée par une source onusienne à l’AFP, marque un tournant pour cette institution confrontée à des défis colossaux. Le choix d’un homme issu d’un pays ravagé par les conflits successifs n’est évidemment pas anodin.
Un parcours forgé dans l’histoire tourmentée de l’Irak
Né à Souleimaniyeh, grande ville du Kurdistan irakien, Barham Saleh est le fils d’un juge et d’une militante pour les droits des femmes. Formé au Royaume-Uni, il rentre en Irak après des années d’exil et intègre rapidement les structures transitoires mises en place après la chute de Saddam Hussein en 2003.
Il occupe successivement des postes clés : ministre de la Planification dans le premier gouvernement élu, puis vice-Premier ministre sous Nouri al-Maliki. Entre 2009 et 2011, il dirige le gouvernement régional du Kurdistan à Erbil avant de revenir à la politique nationale.
En 2018, il accède à la présidence de la République, poste essentiellement honorifique mais traditionnellement réservé à un Kurde depuis les premières élections pluralistes de 2005. Il achève son mandat en 2022 avec l’image d’un homme mesuré et consensuel.
Un HCR au bord du gouffre financier
Le timing de cette nomination est particulièrement délicat. Le nombre de personnes déplacées de force dans le monde a presque doublé en dix ans, dépassant largement les 120 millions selon les derniers chiffres disponibles.
Dans le même temps, les financements internationaux s’effritent dangereusement. Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche en 2025 laisse craindre de nouvelles coupes dans les contributions américaines, traditionnellement les plus importantes.
L’agence a déjà dû se séparer de plus d’un quart de ses effectifs depuis le début de l’année, soit près de 5 000 collaborateurs. Des bureaux entiers ferment, des programmes d’urgence sont suspendus.
Une crise immense dans un contexte de ressources en chute libre
Des candidatures très variées
Le poste a suscité de nombreuses candidatures venues d’horizons très différents. On a ainsi vu figurer le nom d’Anne Hidalgo, maire de Paris, ou encore celui de Jesper Brodin, directeur général sortant du groupe Ikea.
Le choix final en faveur de Barham Saleh semble refléter la volonté de placer à la tête de l’agence une personnalité issue d’un pays ayant lui-même connu l’exode massif de populations.
Souleimaniyeh, berceau d’un engagement ancien
Membre historique de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), Barham Saleh a toujours défendu une ligne modérée au sein de cette formation traditionnellement rivale du PDK de la famille Barzani.
À Souleimaniyeh, il a notamment soutenu la création de l’Université américaine, projet emblématique qui symbolise son attachement à l’éducation et à l’ouverture sur le monde.
Cette ville, deuxième du Kurdistan irakien, reste un bastion de l’UPK et un lieu où l’identité kurde s’exprime avec force tout en prônant le dialogue avec Bagdad.
Les défis immédiats du nouveau Haut-Commissaire
- Restaurer la confiance des donateurs dans un climat géopolitique tendu
- Revoir l’organisation interne après les suppressions massives de postes
- Répondre à l’explosion des besoins sur le terrain (Soudan, Ukraine, Syrie, Bangladesh…)
- Maintenir l’indépendance de l’agence face aux pressions politiques
Autant de dossiers brûlants qui attendent Barham Saleh dès son entrée en fonction en janvier.
Son expérience de négociateur dans l’Irak post-2003 et sa connaissance intime des déplacements de populations pourraient constituer des atouts précieux. Reste à savoir s’ils suffiront face à l’ampleur de la tempête.
Une chose est sûre : rarement un Haut-Commissaire n’aura pris ses fonctions dans un contexte aussi critique. L’avenir de millions de réfugiés dépendra en grande partie de sa capacité à mobiliser la communauté internationale.
À suivre de très près dans les prochains mois.









