C’est un incident qui secoue la ville de Nantes et relance le débat sur les barbecues sauvages dans les espaces publics. Dimanche dernier, un homme armé d’un fusil à pompe a semé la panique dans le parc des Dervallières, interrompant brutalement un barbecue géant qui avait rassemblé plus de 200 personnes. Le bilan est lourd : huit blessés légers, dont un nourrisson et six personnes touchées par des éclats de plomb. Une enquête a été ouverte, mais aucun suspect n’a encore été interpellé.
Une privatisation abusive de l’espace public ?
Au-delà du choc et de l’émotion suscités par cet événement, c’est la question de la tolérance vis-à-vis de ces rassemblements festifs qui est pointée du doigt. Depuis plusieurs années, les parcs et jardins nantais sont régulièrement le théâtre de barbecues géants, souvent accompagnés de nuisances sonores et d’une occupation extensive de l’espace public. Sophie Van Goethem, élue d’opposition, dénonce un phénomène d’accaparement :
Ces sites n’ont pas été conçus pour accueillir plus d’une quinzaine de personnes. Mais en quelques années, on a pu constater la privatisation de ces équipements par quelques communautés, bien décidées à y tenir des bamboulas géantes. Et il y a une tolérance totale des élus de la majorité, qui ont laissé dériver cette privatisation de l’espace public. C’est du pur clientélisme à la nantaise.
– Sophie Van Goethem, conseillère municipale d’opposition
La mairie promet des mesures
Face à la polémique, la municipalité se veut rassurante et annonce un renforcement des contrôles pour les prochaines semaines. Didier Fillion-Nicolet, en charge de la tranquillité publique, concède avoir été surpris par l’ampleur de la manifestation de dimanche, malgré les mesures préventives mises en place :
Nous allons faire preuve de fermeté et accroître significativement les patrouilles et les contrôles aux entrées du parc pour les semaines à venir.
– Didier Fillion-Nicolet, adjoint à la tranquillité publique
Mais pour l’opposition, ces annonces arrivent bien tard. Le conseiller municipal Foulques Chombart de Lauwe fustige le « laxisme sans nom » de la majorité et renvoie les élus au manque criant d’effectifs dont souffre la police municipale nantaise. Un constat partagé par un représentant de l’unité, qui évoque des zones propices à des manifestations conviviales, mais sur lesquelles la police n’intervient pas sans être appelée.
Des barbecues interdits dans les quartiers sensibles
Si l’incident des Dervallières a créé un électrochoc, la problématique des barbecues sauvages n’est pas nouvelle à Nantes, en particulier dans les quartiers dits sensibles. L’été dernier, c’est au parc de la Roche, près de Malakoff, que la police avait dû intervenir suite à des plaintes massives de riverains excédés par le bruit et les nuisances.
Un fonctionnaire de la police nationale témoigne sous couvert d’anonymat :
Que ce soit aux Dervallières ou au parc de la Roche, il s’agit de secteurs sensibles où la police n’est pas la bienvenue. S’il y a régulièrement des troubles à l’ordre public, notamment à cause du bruit ou de la consommation excessive d’alcool, il reste heureusement assez rare qu’un barbecue sauvage dégénère à ce point.
Reste à savoir si les mesures annoncées par la mairie suffiront à endiguer un phénomène qui semble durablement installé dans certains quartiers de la ville. Entre le droit à la tranquillité des riverains et la volonté de préserver des moments de convivialité populaire, l’équation s’annonce complexe à résoudre pour les autorités nantaises. L’enquête sur les incidents de dimanche dernier, confiée à la division criminalité organisée et spécialisée, devra apporter des réponses sur les circonstances et les auteurs de ce barbecue qui a failli virer au drame.